- Le risque de fragilité augmente avec l’âge, y compris chez les personnes séropositives
- Lors d’une étude française, 18 % des personnes séropositives ont connu une perte de capacité physique au cours d’une année
- Des exercices centrés sur la force et l’endurance musculaires ont atténué efficacement la fragilité
Grâce à l’efficacité des traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR), nombre de scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes vivant avec le VIH. Or, à mesure que les personnes sous TAR vieillissent, les problèmes liés à l’âge demandent plus de recherche et plus d’attention de la part des professionnel·le·s de la santé.
L’une des préoccupations liées à l’âge est la fragilité. De façon générale, les gens courent le risque de devenir préfragiles ou fragiles en vieillissant, ce qui les rend plus vulnérables à de malheureux évènements. Notons, à titre d’exemple, qu’une infection ou une chute qui n’aurait que des conséquences légères chez une jeune personne pourrait être catastrophique chez une personne âgée fragile. Les scientifiques qui étudient la fragilité savent que le risque de ce problème augmente avec l’âge et que les personnes fragiles ont souvent de la difficulté à fonctionner aussi bien qu’auparavant.
Évaluer la fragilité
Pour évaluer la fragilité, on a couramment recours à un outil appelé score de Fried. En vertu de ce dernier, la fragilité est catégorisée en fonction des éléments suivants :
- perte de 5 % ou plus du poids corporel ou perte de 4,5 kg au cours d’une année
- épuisement
- baisse du niveau d’activité physique
- lenteur en marchant
- faiblesse (déterminée par la force de préhension [capacité de saisir des objets dans la main])
Se fondant sur le score de Fried, on peut évaluer et classer une personne dans une des catégories suivantes :
- robuste : aucune perte de capacité
- préfragile : un ou deux des critères ci-dessus indiquant une perte de fonction
- fragile : trois critères ou plus indiquant une perte de fonction
Il est possible pour une personne robuste de passer à la catégorie préfragile ou pour une personne préfragile de passer à la catégorie fragile. En revanche, si sa santé générale s’améliore, il est possible qu’une personne fragile devienne préfragile ou qu’une personne préfragile devienne robuste.
Étude française
Lors d’une étude menée en France auprès de quelque 500 personnes séropositives (dont la majorité avait plus de 70 ans), on a constaté que 18 % d’entre elles avaient connu une détérioration de leur capacité physique ou de leur force sur une période d’une année. Dans certains cas, le fait d’avoir un faible compte de CD4+ (moins de 350 cellules/mm3) et le diabète de type 2 augmentait le risque d’une telle détérioration.
Des interventions sont nécessaires pour dépister et atténuer la fragilité chez les personnes séropositives âgées afin qu’elles puissent améliorer leur santé générale et réduire leur risque de fragilité.
Détails de l’étude
Une équipe de recherche affiliée à 16 cliniques françaises a analysé des données se rapportant à la santé de 491 personnes séropositives. L’équipe s’intéressait particulièrement aux évaluations de la fragilité. Lors de leur admission à l’étude, aucun·e des participant·e·s n’avait une espérance de vie de moins de six mois. Des évaluations de la fragilité ont été effectuées au début de l’étude et à nouveau 12 mois plus tard.
Lors de leur admission à l’étude entre mai 2019 et février 2020, les participant·e·s avaient le profil moyen suivant :
- âge : 73 ans
- 82 % d’hommes, 18 % de femmes
- temps écoulé depuis le diagnostic de VIH : 23 ans
- 75 % avaient un compte de CD4+ supérieur à 350 cellules/mm3
- 94 % avaient une charge virale indétectable
- 48 % avaient reçu leur diagnostic de VIH avant l’approbation de traitements efficaces contre le VIH
- 28 % s’étaient fait diagnostiquer une infection ou un cancer qui mettait leur vie en danger dans le passé
Résultats
Au début de l’étude, les personnes qualifiées de préfragiles ou de fragiles étaient significativement plus âgées et plus susceptibles de présenter des symptômes de dépression et des problèmes de mémoire et de cognition. Comparativement aux personnes robustes, les personnes diagnostiquées comme étant fragiles étaient plus susceptibles de présenter les caractéristiques suivantes :
- nées en Afrique subsaharienne
- hypertension
- diabète de type 2
- faible indice de masse corporelle (IMC), soit moins de 22 kg/m2
Des problèmes comme une faible force de préhension ou l’épuisement étaient associés plus fréquemment avec la préfragilité ou la fragilité.
Transitions entre les différents états
Globalement, 68 % des participant·e·s sont resté·e·s dans la même catégorie (robuste, préfragile ou fragile) pendant toute l’année qu’a duré l’étude. Chez les autres, 18 % ont vu leur état fonctionnel se détériorer (en devenant préfragiles ou fragiles), alors qu’il s’est amélioré chez 14 % d’entre eux et elles.
Robustesse
Parmi les personnes catégorisées initialement comme robustes, 43 % sont devenues préfragiles au cours de l’étude, et 1 % d’entre elles sont passées directement à la catégorie fragile. Selon l’équipe de recherche, des facteurs liés au VIH n’étaient pas associés à ce déclin.
Préfragilité
Chez les personnes qualifiées de préfragiles, 75 % sont restées dans cette catégorie jusqu’à la fin de l’étude, et 11 % d’entre elles se sont détériorées et sont devenues fragiles. Les personnes préfragiles dont le compte de CD4+ est passé sous la barre des 350 cellules/mm3 ou qui sont devenues diabétiques étaient plus susceptibles de voir leur statut décliner. L’état des 14 % restants de personnes préfragiles s’est amélioré, et elles sont devenues robustes. L’amélioration d’un statut de fragilité était moins probable chez les participants que chez les participantes.
Fragilité
Parmi les personnes qualifiées de fragiles au début de l’étude, 47 % ont vu leur état s’améliorer et sont devenues préfragiles. Cela s’est produit parce que ces personnes ont réussi à faire plus d’activité physique. Notons cependant qu’aucune personne fragile n’est devenue robuste au cours de l’étude, selon l’équipe de recherche.
Survie
Dix-sept personnes sont décédées durant l’étude. Ces personnes étaient plus susceptibles d’être fragiles et d’avoir un niveau socioéconomique plus faible par rapport aux personnes qui ont survécu.
À retenir
Cette étude française a permis de constater que l’état de santé global d’une personne séropositive de plus de 70 ans peut changer au cours d’une année. L’équipe de recherche a également observé qu’il était possible pour certaines personnes d’améliorer leur capacité fonctionnelle sur le court terme. Ce résultat devrait encourager les professionnel·le·s de la santé à dépister la fragilité chez leurs patient·e·s âgé·e·s et à les diriger vers un service de réadaptation lorsque cela est nécessaire. Des études de longue durée seront nécessaires pour évaluer l’évolution de la fragilité chez les personnes séropositives âgées, ainsi que l’efficacité de diverses interventions.
Étude prometteuse espagnole
Lors d’une autre étude menée à Madrid, une équipe a évalué des interventions auprès de 40 personnes séropositives (dont quatre personnes fragiles) et 20 personnes séronégatives (dont aucune n’était fragile). Tou·te·s les participant·e·s avaient plus de 50 ans. L’équipe de recherche a créé une série d’exercices conçus pour améliorer la force et l’endurance musculaires. Les participant·e·s ont effectué les exercices dans ou près de leur domicile en portant des dispositifs de surveillance. Sur une période de 12 semaines, chez les personnes ayant maintenu un taux d’observance minimal de 50 % du programme d’exercices, on a constaté une amélioration de la force et de l’endurance musculaires, ainsi que de la performance physique. L’amélioration s’est produite chez les personnes actives, peu importe leur statut VIH. Trois des quatre personnes séropositives ont vu leur statut s’améliorer : deux personnes fragiles sont devenues préfragiles, et une personne fragile est devenue robuste.
Chez les participant·e·s qui n’ont pas suivi fidèlement le programme d’exercices, on a constaté une baisse de leur fonctionnement physique global. Cette étude espagnole révèle que l’exercice peut améliorer le fonctionnement physique et qu’il est possible pour les gens d’en faire dans ou près de leur domicile.
Une étude de plus grande envergure et de plus longue durée sera nécessaire pour mieux éclairer les facteurs susceptibles d’améliorer l’état des personnes fragiles et pour trouver les moyens de motiver les gens à faire de l’activité physique.
—Sean R. Hosein
Ressource
Le VIH et le vieillissement - CATIE
RÉFÉRENCES :
- Achour J, Abulizi D, Makinson A et al. One-year fragility transitions among persons living with HIV aged 70 years or more on antiretroviral therapy. Open Forum Infectious Diseases. 2024; sous presse.
- Brañas F, Díaz-Álvarez J, Fernández-Luna J et al. A 12-week multicomponent exercise program enhances frailty by increasing robustness, improves physical performance, and preserves muscle mass in older adults with HIV: MOVIhNG study. Frontiers in Public Health. 2024 Apr 17;12:1373910.