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  • La PrEP est souvent constituée de deux agents anti-VIH : ténofovir DF + FTC
  • En Angleterre, la PrEP a généralement été bien tolérée dans une étude de deux ans menée auprès de 14 000 personnes
  • Moins de 2 % des personnes sous PrEP ont éprouvé des effets secondaires ou des complications nécessitant la consultation d’un·e spécialiste

Le fait de prendre des médicaments pour réduire le risque de contracter le VIH s’appelle la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Nombre d’études ont révélé que la PrEP réduisait très efficacement la transmission du VIH lors d’une exposition sexuelle lorsqu’elle était utilisée comme il le faut.

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Il existe une forme de PrEP couramment utilisée qui associe deux médicaments dans un seul comprimé, soit le ténofovir DF et le FTC (emtricitabine). Cette association se vend sous le nom de marque Truvada, et il en existe également des versions génériques. Pour de nombreuses personnes, lorsque la PrEP est prescrite conformément aux lignes directrices, elle est généralement sans danger et les complications sont inhabituelles. Dans de rares cas, l’association de ténofovir DF et de FTC peut causer des lésions rénales.

La demande de la PrEP est de plus en plus fréquente, mais les médecins qui la prescrivent n’augmentent pas à la même cadence. Dans plusieurs parties du monde, de nombreuses cliniques de PrEP font appel à des infirmier·ère·s, à des infirmier·ère·s praticien·ne·s et parfois à des pharmacien­·ne·s pour évaluer les candidat·e·s à la PrEP et offrir celle-ci.

Une équipe de recherche de la 56 Dean Street, une clinique de santé sexuelle de Londres, a examiné les dossiers médicaux de près de 14 000 personnes qui avaient utilisé la PrEP en 2018 et en 2019.

L’équipe de recherche a constaté que, chez la vaste majorité des personnes sous PrEP (98,4 %), celle-ci n’a causé aucun problème nécessitant la consultation d’un·e médecin spécialiste. Notons cependant que 220 personnes (1,6 %) ont eu besoin de consulter, le plus souvent pour une des raisons suivantes :

  • lésions rénales
  • effets secondaires courants
  • maladies chroniques susceptibles de nuire à la santé rénale

L’équipe de recherche a conclu que « seule une faible proportion de personnes » utilisant la PrEP dans leur clinique éprouvaient des problèmes complexes qui nécessitaient la consultation d’un·e spécialiste. L’équipe a également décrit en détail l’approche qu’elle a adoptée pour résoudre certains de ces problèmes. Nous y reviendrons plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE.

Détails de l’étude

Le programme de PrEP de cette clinique londonienne est dirigé par son personnel infirmier. Cependant, si jamais les analyses d’urine ou de sang révèlent des anomalies, les patient·e·s peuvent voir un·e médecin dans ce que l’équipe de recherche a appelé la « clinique d’évaluation de la PrEP ». Dans cette étude, 220 personnes ont été envoyées en consultation dans celle-ci. Au moment de leur évaluation, elles avaient le profil moyen suivant :

  • hommes cisgenres : 98 % (principalement des hommes gais, des bisexuels ou d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes)
  • âge : 40 ans

Il semble que la plupart des personnes prenaient la PrEP quotidiennement, mais certaines autres la prenaient moins fréquemment en vertu d’un schéma posologique appelé « PrEP à la demande ».

Résultats

Rappelons que les principales raisons pour une consultation dans la clinique d’évaluation de la PrEP étaient les suivantes :

  • lésions rénales : 52 %
  • effets secondaires courants : 27 %
  • maladies chroniques susceptibles de nuire à la santé rénale : 17 %

Dans la clinique d’évaluation de la PrEP, les médecins interrogeaient les patient·e·s, examinaient les résultats anormaux des tests de sang et d’urine, déterminaient la nécessité de tests de laboratoire additionnels et offraient des conseils.

Accent sur les reins

Le ténofovir DF est métabolisé par les reins et peut causer des lésions dans ces organes dans de rares cas. Dans cette étude, 89 personnes (sur un total de 114 présentant divers problèmes rénaux) ont reçu des résultats de laboratoire laissant soupçonner la présence de lésions rénales. Il s’agissait, entre autres, d’un DFGe (débit de filtration glomérulaire estimé) inférieur à la normale ou d’un taux de créatinine élevé.

Les reins filtrent le sang. Pendant le processus de filtration, des produits de déchets sont extraits du sang (et éliminés dans l’urine), et des nutriments y sont retournés. L’équipe de recherche a constaté que 15 personnes avaient un taux de protéine excessif dans leurs échantillons d’urine. Un tel résultat peut indiquer la présence de lésions rénales.

Dans le cadre de cette étude, si un test de laboratoire révélait des lésions rénales, ce résultat devait faire l’objet d’une investigation poussée pour déterminer la cause de celles-ci. À titre d’exemple, notons qu’un DFGe anormal peut être attribuable à des lésions rénales causées par une infection transmissible sexuellement (ITS). Si cette dernière est traitée efficacement, le DFGe peut redevenir normal.

Les médecins ont appris que certain·e·s participant·e·s prenaient une quantité excessive de suppléments de protéines (pour compléter un programme de musculation). Dans de tels cas, les médecins conseillaient aux patient·e·s de s’abstenir de prendre des suppléments de protéine « pendant au moins deux jours » avant de passer un autre test de mesure du DFGe. Les médecins ont également demandé à certaines personnes de cesser de prendre des drogues à usage récréatif en attendant que leur DFGe soit normalisé. Il s’agissait habituellement du crystal meth, de la méphédrone, du GHB (gamma-hydroxybutyrate) et du GBL (gamma-butyrolactone).

Une fois le DFGe normalisé, les médecins conseillaient aux participant·e·s de continuer à prendre la PrEP quotidienne si leurs circonstances le permettaient. Dans certains cas, les médecins recommandaient l’utilisation intermittente de la PrEP, c’est-à-dire un schéma posologique à la demande.

Chez certaines personnes dont le DFGe était faible et stable (entre 45 et 59 ml/minute), l’arrêt de la prise de suppléments n’a pas réussi à normaliser ce dernier. Dans les cas où l’équipe de recherche jugeait que « le risque de contracter le VIH était considérable », un schéma posologique à la demande était conseillé, ainsi qu’un suivi plus fréquent de la santé rénale.

Dans les cas où l’arrêt de la prise de suppléments de protéine et le recours à une PrEP à la demande n’empêchaient pas la détérioration additionnelle de la santé rénale, les médecins trouvaient que le risque posé par la PrEP l’emportait sur les bienfaits potentiels et conseillaient l’abandon de l’association ténofovir + FTC.

Effets secondaires courants

La PrEP est associée à plusieurs effets secondaires courants, dont maux de tête, nausées, éruptions cutanées et diarrhées. Chez la grande majorité des personnes éprouvant de tels effets secondaires, ils ont tendance à être légers et à s’atténuer avec l’utilisation continue de la PrEP. Il n’empêche que ces effets secondaires ne se sont pas atténués chez certaines personnes durant cette étude.

Pour traiter les maux de tête, les éruptions cutanées et les nausées, les médecins ont recommandé les médicaments couramment utilisés pour ce genre de problèmes. Contre certains cas de diarrhées, les médecins ont recommandé des suppléments de probiotiques (bactéries bénéfiques). Dans cette étude, les médecins ont conseillé à certaines personnes de changer de marque de PrEP pour combattre des effets secondaires persistants. Dans d’autres cas, les médecins ont recommandé de remplacer la PrEP quotidienne par la PrEP à la demande.

L’équipe de recherche a décrit comme « modeste » l’impact de ces interventions sur les effets secondaires courants.

Maladies chroniques

Certaines maladies, notamment le diabète et l’hypertension, peuvent contribuer à l’affaiblissement des reins. Les médecins ont dirigé les personnes atteintes de telles maladies vers des spécialistes pour recevoir un traitement.

Une autre possibilité pour prévenir le VIH

Dans la présente étude, on a constaté que l’association ténofovir DF + FTC était généralement bien tolérée par la vaste majorité d’une cohorte de quelque 14 000 personnes. Cependant, une minorité de celles-ci, soit moins de 2 %, ont éprouvé des problèmes dont certains n’ont pu être résolus.

Il existe une autre formulation du ténofovir portant le nom de TAF (ténofovir alafénamide). Ce médicament est associé au FTC dans un seul comprimé commercialisé sous le nom de Descovy. Lors de nombre d’essais cliniques, Descovy s’est révélé mieux toléré que le ténofovir DF et a réduit significativement le risque de contracter le VIH. Descovy coûte malheureusement très cher et n’est pas accessible à la personne moyenne, à moins qu’elle soit couverte par des assurances privées ou son régime public (notons que Descovy n’est pas couvert pour la prévention du VIH par la plupart des régimes publics d’assurance médicaments du Canada).

La PrEP à l’avenir

Des essais cliniques ont révélé qu’une formulation à longue durée d’action du cabotégravir, un médicament anti-VIH, réduisait très efficacement le risque de contracter cette infection. Aux États-Unis, le cabotégravir à longue durée d’action est approuvé pour la PrEP et se vend sous le nom de marque Apretude. Ce médicament est administré par injection intramusculaire dans les fesses une fois tous les deux mois. Il est peu probable qu’Apretude soit approuvé au Canada ou dans l’Union européenne avant 2023.

Des essais cliniques sont également en cours pour évaluer le potentiel du médicament anti-VIH expérimental lénacapavir pour la prévention du VIH. Ce médicament peut être injecté sous la peau une fois tous les six mois.

Même si cette étude britannique a révélé que l’association ténofovir DF + FTC était généralement bien tolérée, ce n’était pas le cas pour tout le monde. Des formulations et des schémas posologiques plus simples de la PrEP sont en cours de développement.

—Sean R. Hosein

Ressources

Prophylaxie préexposition contre le VIH (PrEP)CATIE

Une équipe de médecins explore des moyens d’accroître le nombre de prescripteurs de la PrEP en OntarioNouvelles CATIE

Questions fréquentes sur la PrEPCATIE

La PPE dans la poche : une approche de prévention novatrice pour les cas d’expositions peu fréquentes au VIHNouvelles CATIE

Lignes directrices canadiennes sur les prophylaxies pré-exposition et post-exposition non professionnelle au VIHGroupe de travail sur la prévention biomédicale du Réseau canadien pour les essais VIH des IRSC

La prophylaxie préexposition au virus de l’immunodéficience humaine : Guide pour les professionnels de la santé du Québec (2019) – Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Alberta HIV pre-exposure prophylaxis (PrEP) guidelines (2021) – Alberta Health Services

Guidance for the use of pre-exposure prophylaxis (PrEP) for the prevention of HIV acquisition in British Columbia (2020) – Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique

Pre-exposure prophylaxis: Guideline review for primary care practitioners in Saskatchewan (2019) –  Saskatchewan HIV Collaborative

RÉFÉRENCES :

  1. Tittle V, Dalton R, Nugent D et al. Complex PrEP: the factors requiring consultant-led review of PrEP users. Sexually Transmitted Infections. 2022; sous presse.
  2. Havens JP, Scarsi KK, Sayles H et al. Acceptability and feasibility of a pharmacist-led HIV pre-exposure prophylaxis (PrEP) program in the Midwestern United States. Open Forum Infectious Diseases. 2019 Oct 1;6(10):ofz365. 
  3. Khosropour CM, Backus KV, Means AR et al. A pharmacist-led, same-day, HIV pre-exposure prophylaxis initiation program to increase PrEP uptake and decrease time to PrEP initiation. AIDS Patient Care and STDS. 2020 Jan;34(1):1-6.