- Maintenant que les personnes vivant avec le VIH vivent plus longtemps, leur risque d’éprouver des problèmes de santé comme le diabète de type 2 augmente
- Une étude américaine menée auprès de 2 240 hommes a trouvé que le risque de diabète ne variait pas selon le statut VIH
- Les effets du diabète sur la force de préhension étaient moins prononcés chez les participants séropositifs sous traitement antirétroviral
Les associations de médicaments utilisées pour le traitement du VIH (TAR) sont très efficaces lorsqu’elles sont utilisées comme il faut. Chez la personne moyenne, plusieurs mois après l’amorce du TAR, la quantité de VIH dans le sang chute tellement qu’il n’est pas possible de la détecter à l’aide des tests de laboratoire de routine. D’ordinaire, la suppression de la charge virale qui se produit sous l’effet du TAR permet au système immunitaire d’effectuer des réparations, ce qui fait chuter considérablement les risques d’infections et de cancers liés au sida. Les bienfaits du TAR sont tellement importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant ce genre de traitement.
À mesure que les personnes séropositives vieillissent, elles présentent un risque plus élevé d’éprouver d’autres problèmes de santé, tels que les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2.
Aux États-Unis
Dans plusieurs villes américaines, une équipe de recherche travaillant dans de grandes cliniques suit l’état de santé d’hommes séropositifs et d’hommes séronégatifs depuis plusieurs décennies. La plus récente analyse de données effectuée dans le cadre de cette étude en cours se rapporte à 2 240 hommes, dont à peu près la moitié vit avec le VIH. L’équipe a constaté des taux de diabète de type 2 semblables, soit environ 7 %, chez les deux groupes d’hommes, sans égard au statut VIH.
L’équipe de recherche a également constaté que la présence d’une glycémie, ou taux de sucre sanguin, élevée persistante (un état associé au diabète de type 2) faisait augmenter le risque d’un déclin du fonctionnement physique, notamment une baisse de la force musculaire et un ralentissement de la vitesse de marche.
Selon l’équipe de recherche, ces résultats portent à croire qu’une amélioration de la maîtrise de la glycémie devrait être considérée comme une « cible atteignable » permettant de ralentir la perte de fonctions physiques chez les personnes vivant avec le VIH.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a commencé à recruter des participants en 1984 et a régulièrement poursuivi ce recrutement au cours des décennies suivantes. Aux fins de la présente analyse, l’équipe a utilisé des données recueillies auprès de participants recrutés dans les villes suivantes :
- Baltimore
- Chicago
- Los Angeles
- Pittsburgh
Les participants ont été répartis en deux groupes :
- 1 170 hommes séropositifs
- 1 070 hommes séronégatifs
Les deux groupes d’hommes se ressemblaient sur le plan de l’âge et avaient d’autres caractéristiques générales en commun. La durée moyenne de leur participation à l’étude fut de neuf ans environ. La plupart des participants ont été inscrits entre 2001 et 2010. Cette analyse porte sur des données recueillies jusqu’en 2018.
Les participants se présentaient périodiquement à la clinique pour subir des prélèvements de sang et passer des examens physiques et d’autres évaluations. L’équipe de recherche mesurait en particulier la force de préhension de ces hommes (c’est-à-dire leur capacité d’agripper un objet avec la main), et leur vitesse de marche habituelle sur une distance fixe.
Les participants séropositifs avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :
- âge : 45 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 74 %; Noirs : 21 %
- compte de cellules CD4+ : l’équipe de recherche n’a pas fourni de renseignements à ce sujet
- 70 % avaient une charge virale supprimée sous l’effet du TAR
- 4 % avaient la co-infection au virus de l’hépatite B
- 7 % avaient la co-infection au virus de l’hépatite C
Les participants avaient les glycémies suivantes lors de leur admission à l’étude (notons que la somme des chiffres n’est pas 100 parce qu’ils ont été arrondis) :
- glycémie normale : 64 %
- prédiabète : 29 %
- diabète maîtrisé (par une médication pour faire baisser la glycémie) : 7 %
- diabète non maîtrisé (aucune médication) : 1 %
À propos des résultats de la mesure de l’HbA1c
Il est possible d’analyser les globules rouges pour déterminer la glycémie moyenne d’une personne sur une période de trois mois. Cela se fait au moyen de la mesure de ce qu’on appelle l’HbA1c (hémoglobine A1c), dont le résultat s’exprime en pourcentage. Selon le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases des États-Unis, les résultats de la mesure de l’HbA1c sont classés comme suit :
- glycémie normale : moins de 5,7 %
- prédiabète : entre 5,7 % et 6,4 %
- diabète : 6,5 % ou plus
Dans ce bulletin, nous mettons l’accent sur le diabète de type 2, que nous appelons simplement diabète dorénavant.
Résultats
L’équipe de recherche a constaté que le diabète (mais non le prédiabète) était associé à une baisse de la force de préhension et de la vitesse de marche. Ce résultat était observé, peu importe le statut VIH des participants.
Les personnes dont le diabète était maîtrisé (elles prenaient une médication pour normaliser la glycémie) ont connu un déclin moins prononcé de leur force de préhension et de leur vitesse de marche que les personnes atteintes de diabète qui ne prenaient aucune médication pour maîtriser leur glycémie.
La présence de diabète semblait accélérer le déclin du fonctionnement physique. En moyenne, le diabète causait un degré de faiblesse musculaire que l’on observerait typiquement chez des personnes sans diabète de quatre à sept ans plus âgées.
Accent sur le VIH
Sans égard au statut VIH, les proportions de personnes atteintes de diabète étaient semblables, soit environ 7 %. En moyenne, en ce qui concerne les personnes séropositives, plus la période sous TAR était longue, plus la force de préhension était élevée par rapport à celle des personnes ne suivant pas de TAR.
Notons que certains participants utilisaient des médicaments anti-VIH plus anciens dont nous savons maintenant qu’ils ne conviennent pas à une utilisation à long terme à cause de leur toxicité, à savoir :
- AZT (zidovudine, Retrovir)
- ddI (didanosine, Videx)
Selon l’équipe de recherche, les participants qui avaient reçu ces médicaments les avaient pris pendant un à trois ans. Une analyse statistique a révélé que plus l’usage de l’un ou l’autre de ces médicaments avait duré, plus le risque de déclin de la force de préhension et de la vitesse de marche augmentait.
Diabète, force musculaire et vitesse de marche
D’autres études menées auprès de personnes séronégatives ont permis de constater que le diabète semblait accélérer le déclin de la force et de la fonction musculaires lié à l’âge. Les scientifiques ne sont pas certain·e·s des mécanismes en question, mais des données de recherche émergentes laissent croire que les taux excessifs d’insuline qui caractérisent le diabète pourraient déclencher un changement à l’intérieur des cellules musculaires.
Les cellules musculaires ont besoin de protéines (dégradées en acides aminés) pour croître et fonctionner adéquatement. En présence de diabète, les taux excessifs d’insuline peuvent provoquer une perte relative d’acides aminés dans les cellules musculaires. Ces dernières risquent par conséquent de rétrécir au fil du temps.
Dans une cellule, les parties qui produisent de l’énergie s’appellent les mitochondries. Le diabète est associé à un risque accru de lésions mitochondriales. Lorsque des cellules musculaires sont atteintes de ce genre de lésions, il est probable qu’elles produisent moins d’énergie et s’affaiblissent au fil du temps.
Le diabète est également associé à la présence d’inflammation excessive. Les taux d’inflammation élevés persistants peuvent provoquer un déséquilibre dans le corps, de sorte que l’accumulation et le maintien de la masse musculaire cèdent la place à une perte graduelle de masse et de force musculaires.
Mentionnons aussi que le diabète peut causer des lésions nerveuses dans les pieds et les jambes, ce qui peut nuire à la coordination et au mouvement des muscles dans ces parties du corps et entraîner un ralentissement de la vitesse de marche.
Limites possibles
Tous les participants à cette étude étaient des hommes, et la majorité était de race blanche. D’autres recherches seront nécessaires pour confirmer ses résultats auprès de populations plus diverses.
Il est possible que des personnes qui éprouvaient des complications graves du VIH ou du vieillissement aient quitté prématurément cette étude. Ces départs ont pu introduire un biais dans l’interprétation des données puisque les personnes qui restaient dans l’étude étaient plus en santé, relativement parlant.
À retenir
À la lumière de ses résultats, l’équipe de recherche a affirmé que « des interventions visant la prévention et l’amélioration de la maîtrise du diabète pourraient aider à atténuer les déclins du fonctionnement physique chez des personnes ayant le VIH et des personnes n’ayant pas le VIH ». Et d’ajouter l’équipe : « Des interventions fondées sur l’alimentation et l’exercice peuvent empêcher l’apparition du diabète, améliorer la maîtrise de la glycémie dans les cas confirmés de diabète et favoriser un meilleur fonctionnement physique chez les adultes âgés atteints ou non de diabète. Comme les interventions fondées sur l’exercice ont donné lieu à des améliorations significatives du fonctionnement physique chez des personnes vivant avec le VIH, elles justifient une évaluation plus poussée auprès de personnes vivant à la fois avec le VIH et le diabète ».
—Sean R. Hosein
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