- Une éclosion de variole simienne continue de sévir en Amérique du Nord, en Europe et ailleurs
- Une analyse de données portant sur 528 personnes a révélé que la variole simienne causait une variété de symptômes
- Des lésions anales, génitales et buccales douloureuses sont des symptômes relativement courants
À la fin juillet 2022, face à l’escalade de l’éclosion mondiale de variole simienne, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré celle-ci une urgence de santé publique de portée internationale. Une caractéristique frappante de cette éclosion réside dans le fait que la vaste majorité des personnes touchées en Amérique du Nord et en Europe sont des hommes gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH).
Depuis le début de l’éclosion actuelle, certains hommes atteints de variole simienne signalent l’apparition d’ulcérations très douloureuses sur les organes génitaux, dans ou près de l’anus/du rectum ou encore dans la bouche ou la gorge. Les cas mortels sont à ce jour très rares.
Dans ce bulletin de Nouvelles CATIE, nous examinons des données se rapportant principalement à des cas survenus au Canada, aux États-Unis et en Europe.
Détails de l’étude
Une équipe de recherche a analysé des données portant sur 528 cas de variole simienne recensés dans 43 cliniques. Il s’agissait dans tous les cas d’hommes diagnostiqués entre le 27 avril et le 24 juin 2022. Dans chaque cas, la présence de la variole simienne a été confirmée par un test PCR (amplification en chaîne par polymérase). Ce dernier permet de détecter le matériel génétique du virus de la variole simienne dans les échantillons de liquides corporels et de confirmer ainsi la présence de cette infection virale. Aucun des hommes inclus dans l’analyse n’avait récemment reçu de vaccin contre la variole ou la variole simienne. Environ 9 % des hommes avaient été vaccinés contre la variole dans leur enfance.
Voici un profil moyen concis des hommes :
- 98 % étaient gais ou bisexuels
- âge : 38 ans
- statut VIH : 41 % étaient séropositifs
- 57 % avaient utilisé la PrEP (prophylaxie pré-exposition) dans le mois précédant l’apparition de la variole simienne
Lésions et autres symptômes
Au moment de leur consultation initiale, presque tous les hommes (95 %) présentaient des lésions cutanées. Les parties du corps les plus couramment touchées étaient les suivantes :
- anus et organes génitaux : 73 %
- bras, jambes et torse : 55 %
- visage : 25 %
- paume des mains et plante des pieds : 10 %
Nous reparlerons des lésions de la variole simienne plus loin dans ce bulletin.
Les médecins ont constaté les symptômes suivants également :
- fièvre : 62 %
- enflure persistante des ganglions lymphatiques : 56 %
- léthargie ou épuisement : 41 %
- douleur ou sensibilité musculaire : 31 %
- « humeur sombre » : 10 %
VIH
Deux cent dix-huit personnes (41 %) atteintes de variole simienne avaient également le VIH. Environ 96 % d’entre elles suivaient un traitement contre le VIH (TAR) et avaient conséquemment un compte de CD4+ relativement élevé (700 cellules/mm3), ainsi qu’une charge virale supprimée dans la plupart des cas (moins de 50 copies/ml). Les symptômes de la variole simienne ne semblaient pas plus graves chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives. Notons que trois personnes ont appris qu’elles avaient le VIH dans le cadre de l’évaluation servant au diagnostic de la variole simienne.
Infections transmissibles sexuellement (ITS)
Parmi 377 personnes atteintes de variole simienne ayant passé des tests de dépistage d’ITS, près de 30 % avaient les infections suivantes (par ordre décroissant de fréquence) :
- gonorrhée
- chlamydiose
- syphilis
- herpès
- lymphogranulomatose vénérienne (LGV)
- chlamydiose et gonorrhée en concomitance
Lésions cutanées causées par la variole simienne
Avant l’éclosion actuelle, l’éruption cutanée typiquement associée à la variole simienne apparaissait d’abord sous forme de petites zones rouges et plates sur la peau, habituellement sur le visage, les mains et les bras, mais rarement sur l’anus ou les organes génitaux. Ces zones devenaient subséquemment surélevées et des lésions se formaient quelques jours plus tard. Après un certain temps, les lésions se ramollissaient et se mettaient à suinter. Après cette phase, les lésions durcissaient et des croûtes se formaient. Celles-ci tombaient plusieurs jours après en laissant une cicatrice, et la personne atteinte était déclarée guérie de la variole simienne. En général, toutes les lésions évoluaient au même rythme chez une même personne.
Durant l’éclosion actuelle, toutefois, nombre de rapports indiquent que les lésions cutanées n’évoluent pas au même rythme. Dans la présente étude, 95 % des patients présentaient des lésions au moment de consulter. L’équipe de recherche a constaté que les lésions en étaient à des stades différents de leur évolution chez de nombreux patients. Elle a également constaté, au moment de leur consultation, que des phlyctènes causées par la variole simienne s’étaient formées sur la peau des patients.
Selon l’équipe de recherche, « le nombre de lésions variait largement, la plupart des personnes en ayant moins de 10 ». L’équipe a également affirmé que « 54 personnes présentaient une seule ulcération génitale, d’où la possibilité qu’une ITS différente soit diagnostiquée par erreur ».
Problèmes anaux et rectaux
Les problèmes d’ordre anal ou rectal suivants ont poussé 61 personnes à chercher des soins médicaux :
- douleur dans l’anus ou le rectum
- inflammation du rectum
- douleur à la défécation
- diarrhée
Certaines personnes éprouvaient une combinaison de ces symptômes.
Problèmes dans la bouche et la gorge
Vingt-six personnes ont cherché des soins pour des symptômes initiaux touchant la bouche ou la gorge, tels les suivants :
- mal de gorge
- douleur à la déglutition
- lésions dans la bouche ou la gorge
- difficulté à respirer
Complications graves
L’équipe de recherche a qualifié de « graves » deux types de complications attribuables à la variole simienne, que voici :
Épiglottite
Chez une personne séropositive ayant un compte de CD4+ inférieur à la barre des 200 cellules/mm3 (indice d’une grave immunodéficience), on a constaté une inflammation de l’épiglotte, soit le petit lambeau de tissu couvrant l’ouverture de la trachée. Ce tissu empêche les liquides et les aliments d’entrer dans les poumons. Lorsque l’épiglotte devient enflammée, on peut éprouver de la douleur en avalant ou encore de la difficulté à respirer, ce qui peut entraîner des complications potentiellement mortelles. Le patient en question a reçu l’antiviral técovirimat et s’est ensuite rétabli complètement de la variole simienne (et de ses complications).
Myocardite
Le cœur est une pompe musculaire. Lorsqu’il devient enflammé, l’organe a plus de difficulté à pomper le sang. Deux personnes dans cette étude ont présenté une inflammation cardiaque appelée myocardite, laquelle peut causer les symptômes suivants, entre autres :
- douleur thoracique
- essoufflement
- rythme cardiaque anormal
Dans les cas graves de myocardite, une coagulation sanguine excessive peut se produire et entraîner un AVC ou une crise cardiaque.
L’une des personnes présentant une myocardite avait le VIH et un compte de CD4+ de 800 cellules/mm3. L’autre personne n’avait pas le VIH. Chez ces deux personnes, la myocardite s’est heureusement résorbée dans la semaine suivant son apparition.
Hospitalisation
Soixante-dix personnes (13 %) ont dû être hospitalisées. Les raisons principales pour l’hospitalisation furent les suivantes (par ordre décroissant de fréquence) :
- douleur grave (touchant principalement l’anus ou le rectum)
- infections bactériennes de la peau
- inflammation grave de la gorge incitant les gens à arrêter de consommer liquides et/ou nourriture
- lésions oculaires
- lésions rénales
- inflammation cardiaque
Certaines personnes ont été hospitalisées parce qu’elles n’étaient pas en mesure de s’isoler chez elles.
Tous les patients figurant dans ce rapport ont fini par se rétablir de la variole simienne, et ce, qu’ils aient été hospitalisés ou non.
Transmission
Les médecins qui soignaient les patients dont les données ont servi à cette étude soupçonnaient la transmission sexuelle du virus de la variole simienne dans 95 % des cas. Voilà une différence considérable par rapport aux éclosions antérieures de cette maladie, lesquelles avaient des contacts non sexuels comme mode de transmission présumé.
Selon l’équipe de recherche : « La forte probabilité de la transmission sexuelle était étayée par l’observation de lésions primaires sur les muqueuses génitales, anales et buccales, lesquelles pourraient représenter le site d’inoculation ». Cela veut dire que, chez de nombreuses personnes, la première lésion de la variole simienne s’est formée à l’intérieur de l’organisme, en toute probabilité près de l’endroit où le virus est entré pour la première fois dans le corps. Cette hypothèse expliquerait les cas où des lésions sont apparues dans ou près des organes génitaux, dans l’anus ou le rectum ou encore dans la bouche ou la gorge.
Chez 32 hommes, des analyses PCR d’échantillons de sperme ont révélé la présence de matériel génétique du virus de la variole simienne. Notons toutefois que ce résultat ne peut indiquer à lui seul que le virus peut causer l’infection lors d’une exposition au sperme contaminé. D’autres études seront nécessaires pour évaluer des patients à des phases différentes de l’infection à la variole simienne pour déterminer les risques de transmission.
À retenir
Historiquement, on ne faisait pas couramment de lien entre la variole simienne et l’apparition de lésions anales, génitales ou buccales dans les rapports issus de pays où des éclosions de variole simienne avaient lieu (République démocratique du Congo et Nigéria) ou encore dans les rapports de cas isolés (portant sur des personnes ayant visité ces pays). Le présent rapport souligne une nouvelle présentation de la variole simienne associée à l’éclosion actuelle touchant les gbHARSAH. Chez ceux-ci, le virus de la variole simienne semble se transmettre par voie sexuelle. Signalons toutefois que n’importe qui peut contracter la variole simienne, peu importe son orientation sexuelle, et que le virus peut se transmettre par les contacts de peau à peau. Il reste que l’emplacement de la première lésion chez de nombreux hommes figurant dans cette étude laisse soupçonner une transmission sexuelle.
Notons que des lésions anales, génitales ou buccales n’étaient pas présentes chez tous les participants, du moins initialement. L’équipe de recherche a affirmé ceci à ce propos : « Les lésions cutanées génitales solitaires et les lésions touchant la paume des mains et la plante des pieds pourraient conduire à un diagnostic erroné de syphilis et d’autres ITS, ce qui pourrait retarder la détection. Des ITS concomitantes confirmées au laboratoire ont également été signalées chez 29 % des personnes testées. Par conséquent, nous recommandons d’envisager [un diagnostic] de variole simienne chez les personnes à risque présentant des symptômes d’ITS typiques ».
Bien que la variole simienne puisse causer des symptômes douloureux et débilitants chez certaines personnes, l’équipe de recherche a affirmé ceci : « La plupart des cas étaient légers et résolutifs, et aucun décès ne s’est produit. Même si 13 % des personnes ont été admises à l’hôpital, aucune complication grave n’a été signalée chez la majorité des personnes admises ».
Pour la vaste majorité des prestataires de soins au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, la variole simienne est une nouvelle maladie. Il reste beaucoup à en apprendre sur ce virus, et il pourrait s’écouler des mois ou des années avant d’y parvenir. Ce manque de connaissances est dû au fait que la variole simienne était auparavant une maladie négligée.
À l’avenir
L’équipe de recherche a soulevé les points importants suivants :
- « Les professionnel·le·s de la santé ont besoin d’instruction afin de pouvoir reconnaître et prendre en charge les cas de variole simienne ».
- « Il faut une stratégie de promotion de la santé qui favorise de manière sensible l’amélioration du dépistage et de l’éducation auprès des populations à risque. Il est essentiel d’impliquer dès le début les communautés dans la mise en œuvre des interventions de la santé publique pour s’assurer que celles-ci sont appropriées et non stigmatisantes et pour éviter des messages susceptibles de refouler l’éclosion vers la clandestinité ».
- « La durée de l’excrétion virale potentiellement infectieuse après la résorption des lésions demeure inconnue. [Les autorités de la santé publique du R.-U.] ont conseillé l’usage du condom pendant huit semaines après l’infection, par contre la durée et l’infectiosité éventuelles de l’excrétion virale dans le sperme doivent être étudiées ».
- « Le rôle que les vaccins pourraient jouer dans la prophylaxie préexposition doit être étudié ».
- « Même si l’éclosion actuelle touche de façon disproportionnée des hommes gais, bisexuels et d’autres gbHARSAH, la variole simienne n’est pas plus une “maladie gaie” qu’elle n’est une “maladie africaine”. Elle peut toucher n’importe qui. Nous avons identifié neuf hommes hétérosexuels atteints de variole simienne. Nous encourageons la vigilance lors de l’examen d’éruptions cutanées aiguës inhabituelles chez toute personne, surtout lorsque les éruptions s’accompagnent de symptômes généralisés, afin d’éviter les diagnostics erronés chez les personnes hétérosexuelles ».
—Sean R. Hosein
Ressources
Variole simienne : Modes de transmission, prévention et risques – Gouvernement du Canada
Ce qu’il faut savoir sur la variole simienne à Montréal – Santé Montréal
Monkeypox – B.C. Centre for Disease Control (BCCDC)
Monkeypox – U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
RÉFÉRENCES :
- Thornhill JP, Barkati S, Walmsley S et al. Monkeypox virus infection in humans across 16 countries – April-June 2022. New England Journal of Medicine. 2022; in press.
- Sukhdeo SS, Aldhaheri K, Lam PW et al. A case of human monkeypox in Canada. CMAJ. 2022 Aug 2;194(29):E1031-E1035.