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CATIE
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  • Au Canada, il y a lieu d’espérer que la PrEP injectable à longue durée d’action sera approuvée au printemps 2024
  • Comme la PrEP à longue durée d’action est déjà approuvée aux États-Unis, le Canada aura sans doute des leçons à tirer de ce pays
  • Une équipe de Philadelphie a étudié les obstacles à l’accès à la PrEP à longue durée d’action et les moyens de les surmonter

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Les autorités réglementaires du Canada examinent actuellement un dossier traitant de la PrEP injectable à longue durée d’action (LDA) pour la prévention du VIH. Ce dossier contient des données sur le médicament appelé cabotégravir. Offert sous forme injectable (Cabenuva) ou orale (Vocabria), le cabotégravir est déjà approuvé au Canada et aux États-Unis pour le traitement du VIH. Qu’il soit destiné au traitement ou à la prévention (PrEP) de ce virus, le cabotégravir est fabriqué par la compagnie ViiV Healthcare. Lorsqu’il sert à la PrEP, le cabotégravir se vend sous le nom de marque Apretude aux États-Unis et dans d’autres pays.

Apretude a fait l’objet d’essais cliniques menés auprès de plusieurs milliers de personnes. Lors de ces essais, le médicament s’est révélé très efficace et statistiquement supérieur à un comprimé quotidien contenant l’association ténofovir DF + FTC (ce comprimé porte le nom de Truvada et est offert en versions génériques aussi). Après une période d’induction initiale, Apretude est administré une fois tous les deux mois seulement, ce qui rend le traitement beaucoup plus facile à suivre. Il y a lieu d’espérer que ce médicament sera approuvé au Canada à la fin du printemps 2024. 

Apretude est déjà approuvé aux États-Unis. Les expériences acquises dans ce pays lors du déploiement de la PrEP injectable seront instructives pour les cliniques, les médecins, les infirmier·ère·s et les pharmacien·ne·s qui se préparent au lancement de ce médicament au Canada. 

Une équipe de recherche de Philadelphie a mené des entrevues auprès d’intervenant·e·s important·e·s dans une grande clinique. Il s’agissait de médecins, d’infirmier·ère·s, de pharmacien·ne·s et d’autres membres du personnel, ainsi que de patient·e·s utilisant la PrEP orale ou la PrEP injectable à longue durée d’action. Les entrevues étaient conçues pour recueillir de l’information sur la manière dont la PrEP injectable a été déployée et pour comprendre les facteurs qui ont influé sur ce déploiement. L’équipe de recherche a interrogé 12 membres du personnel et 13 patient·e·s de la clinique, dont sept utilisaient la PrEP orale et six autres, la PrEP injectable.

En moyenne, les membres du personnel travaillaient dans la clinique depuis un peu plus de trois ans, et la plupart des patient·e·s étaient des hommes cis. Une femme cis et deux hommes trans ont également participé.

Obstacles liés aux cliniques

Le personnel de la clinique a cerné les obstacles suivants au déploiement de la PrEP injectable :

  • manque d’éducation et de promotion à propos d’Apretude
  • manque de connaissances chez les prestataires à propos d’Apretude
  • malaise chez les prestataires par rapport à l’utilisation de la PrEP (parce que les gens manquaient de connaissances à l’égard de la version injectable)
  • capacité limitée du personnel à établir un contact avec des patient·e·s admissibles et à faire le suivi

Selon l’équipe de recherche, « les prestataires dont les identités sociales et de genre différaient de celles de leurs patient·e·s les plus susceptibles de demander la PrEP ou d’en avoir besoin […] étaient vraisemblablement moins susceptibles de considérer la PrEP comme une option pour leurs patient·e·s ».

L’équipe de recherche a également souligné la frustration des participant·e·s face à la « partialité des prestataires qui avaient tendance à cibler des populations spécifiques pour la prescription de la PrEP, telles que […] hommes cisgenres gais et blancs, au lieu d’offrir et de promouvoir le médicament sans favoriser une identité de genre ou une orientation sexuelle particulière ».

Obstacles liés aux patient·e·s

La stigmatisation et le coût de la PrEP injectable ont été soulignés comme des obstacles importants par les patient·e·s. À titre d’exemple, notons que l’équipe de recherche a affirmé que certaines personnes « ne se sentaient pas à l’aise de recevoir leurs médicaments à la pharmacie parce que d’autres personnes pourraient apprendre qu’elles utilisaient un médicament contre le VIH ».

L’équipe de recherche a appris que certain·e·s patient·e·s ne voulaient pas être perçu·e·s comme des personnes courant un risque élevé de contracter le VIH. Les patient·e·s en question croyaient qu’une telle étiquette risquait d’aliéner des hommes s’identifiant comme hétérosexuels qui pourraient trouver la PrEP utile. Nombre de patient·e·s étaient également d’avis que l’étiquette de « risque élevé » stigmatisait davantage les personnes LGBTQ+.

Enjeux liés aux assurances

Contrairement à plusieurs autres pays à revenu élevé, les États-Unis n’ont pas de système de santé universel. L’accès aux médicaments et aux services y est offert en vertu d’un système complexe qui coûte souvent très cher. L’équipe de recherche a affirmé que, en matière de PrEP injectable, « il fallait faire des contournements laborieux pour s’assurer que les assurances couvraient la médication ». Et d’ajouter l’équipe, « la couverture d’[Apretude] était généralement peu fiable, sujette aux changements, causait des retards dans l’obtention du médicament et était perçue par les patient·e·s comme un obstacle [à l’accès] ». 

Aide

Le soutien des pharmacien·ne·s et d’autres membres du personnel de la clinique était essentiel pour assurer l’accès des patient·e·s au médicament. Selon l’équipe de recherche, « les pharmacien·ne·s servaient d’intermédiaires entre les patient·e·s, les prestataires de soins et la clinique; [leur travail consistait à] envoyer des rappels [par rapport aux tests de laboratoire], à signaler la disponibilité du médicament et à rappeler aux patient·e·s les dates prévues pour leurs injections ». L’équipe de la pharmacie soutenait également les patient·e·s en les aidant à surmonter des obstacles à la couverture d’assurance. De plus, l’équipe de recherche a constaté que la présence d’un·e navigateur·trice de la PrEP constituait une ressource utile pour les patient·e·s.

Problèmes liés à Apretude 

Il importe de souligner qu’Apretude est injecté profondément dans les fesses tous les deux mois. Ces injections sont effectuées par un·e professionnel·le de la santé. Certain·e·s patient·e·s se plaignaient de réactions aux points d’injection, soit de la douleur et de l’enflure. Lors des essais cliniques, des réactions aux points d’injection se produisaient aussi, mais elles étaient généralement légères ou modérées et temporaires. Au fil du temps, les réactions de ce genre se produisaient moins fréquemment durant les essais cliniques.

Il importe de noter que certaines personnes ont des implants fessiers, et d’autres encore ont un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m2. Pour celles-ci, il faut utiliser des aiguilles plus longues afin de s’assurer que le médicament pénètre bien dans le muscle. Les personnes portant des implants fessiers doivent parler à leur médecin à ce sujet. Le ou la médecin peut faire un examen pour déterminer à quel endroit dans le fessier les injections peuvent être effectuées afin que le médicament pénètre dans le muscle et non dans l’implant.

Certain·e·s patient·e·s faisaient plus confiance aux comprimés qu’à un médicament administré par injection. D’autres encore avaient peur des aiguilles et préféraient donc prendre un comprimé oral pour prévenir le VIH. 

Comme la PrEP injectable est une nouvelle technologie destinée à la prévention du VIH, certaines personnes exprimaient des préoccupations et de l’appréhension à l’égard de son efficacité et de son innocuité. Selon l’équipe de recherche, d’autres personnes trouvaient cette option « plus sérieuse » parce qu’il s’agissait de se faire injecter au lieu de prendre des comprimés. Ce côté sérieux soulevait de l’inquiétude parce que, comme le médicament est injecté et libéré lentement, certain·e·s patient·e·s craignaient que les effets secondaires ne soient pas faciles à maîtriser.

Selon l’équipe de recherche, les patient·e·s qui n’étaient pas des hommes cisgenres « ignoraient souvent s’ils ou elles pouvaient prendre la PrEP injectable parce que la promotion de cette option ne leur était pas destinée dans les médias sociaux, et que cette option n'était pas offerte par leurs prestataires de soins ou au sein de leurs communautés ».

Attraits de la PrEP injectable

Nombre de patient·e·s trouvaient que la PrEP injectable était une option attrayante pour la prévention du VIH parce qu’elle éliminait la nécessité de prendre des comprimés à long terme. L’idée de ne pas devoir garder des flacons de comprimés à leur domicile offrait un soulagement en matière de stigmatisation. Selon l’équipe de recherche, « les patient·e·s décrivaient un sentiment de tranquillité d’esprit, et le fait de ne pas avoir à se rappeler [de prendre] un comprimé tous les jours les faisait se sentir mieux protégé·e·s ». L’équipe de recherche a également affirmé que « les patient·e·s qui prenaient déjà d’autres médicaments oraux appréciaient le fait de ne pas avoir à en prendre un de plus ».

Les patient·e·s et l’équipe de la clinique étaient content·e·s de prendre ensemble des décisions se rapportant à l’utilisation de la PrEP injectable. Selon l’équipe de recherche, « les patient·e·s apprenaient souvent [l’existence de la PrEP injectable] dans les médias sociaux ou auprès de leurs réseaux sociaux ».

Déploiement de la PrEP injectable

Le déploiement d’Apretude s’est heurté à quelques problèmes dans la clinique après l’approbation. La plupart de ces problèmes se rapportaient au flux de travail et à la nécessité d’effectuer des tests de laboratoire avant les injections du médicament.

À retenir

Même si le déploiement de la PrEP injectable dans les cliniques canadiennes va sûrement poser des problèmes, des discussions et une planification préalables permettront de minimiser ceux-ci. Toutes les expériences vécues à Philadelphie ne se reproduiront pas au Canada, mais certaines d’entre elles, oui.

L’équipe de recherche réclame la mise sur pied de programmes pour « former et renseigner les prestataires de soins sur toutes les modalités de PrEP afin de renforcer l’assurance des prestataires et de normaliser les discussions entre prestataires et patient·e·s au sujet de la PrEP et des risques de VIH. Les navigateur·trice·s de la PrEP, une importante ressource dans ce contexte à l’échelle du système, ont joué un rôle crucial pour faciliter la prescription de la PrEP. [Leur intervention] peut combler l’écart entre les patient·e·s et les prestataires et résoudre les questions de confiance, surtout parmi les groupes de patient·e·s marginalisés ».

L’équipe de recherche a également constaté que les pharmacien·ne·s « ont facilité de manière cruciale » le déploiement et la mise en œuvre des services de PrEP à longue durée d’action. 

Après une période d’induction initiale, Apretude doit être injecté tous les deux mois. Les patient·e·s doivent donc se préparer à visiter leur clinique tous les deux mois et à passer des tests de laboratoire avant de recevoir les injections. Selon l’équipe de recherche, une telle démarche pourrait ériger des obstacles « insurmontables pour des populations marginalisées vulnérables au VIH ».

Enfin, l’équipe de recherche a affirmé que « les patient·e·s et les prestataires de soins ont décrit une approche de prévention du VIH centrée sur les patient·e·s. Une telle approche met l’accent sur l’autonomie de ces dernier·ère·s dans un milieu qui favorise la confiance et le respect mutuels dans le but de satisfaire les besoins des patient·e·s en matière de prévention du VIH, ainsi que leurs objectifs d’ordre social ». Selon l’équipe de recherche, « toutes les options en matière de PrEP devraient être présentées et discutées sous l’angle des préférences des patient·e·s », de sorte que « leur confiance soit renforcée et qu’ils et elles se sentent préparé·e·s à recevoir des soins liés à la PrEP ».

—Sean R. Hosein

Ressources

Prophylaxie préexposition contre le VIH (PrEP)ressources de CATIE

Prophylaxie post-exposition contre le VIH (PPE)ressources de CATIE

RÉFÉRENCE :

Keddem S, Thatipelli S, Caceres O et al. Barriers and facilitators to long-acting injectable HIV PrEP implementation in primary care since its approval in the United States. JAIDS. 2024; sous presse.