- L’insuffisance rénale est un problème pour certaines personnes séropositives, surtout à mesure qu’elles vieillissent
- Une étude menée auprès de 1 608 femmes séropositives a analysé les effets de l’alimentation et d’autres facteurs sur la santé rénale
- L’équipe de recherche a constaté qu’un régime alimentaire riche en fruits et légumes était salutaire aux reins
Grâce à la grande efficacité des traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR), les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant ce genre de traitement. Comme tout le monde, cependant, les personnes sous TAR deviennent plus à risque de présenter certaines maladies en vieillissant, notamment le diabète de type 2 et l’hypertension. Ces maladies font augmenter le risque de maladies rénales.
Rôle potentiel de l’alimentation
Selon nombre de scientifiques, le régime alimentaire typique de nombreux pays à revenu élevé – teneur élevée en viandes, en grains, en glucides simples et en graisses saturées et teneur faible en fibres, en fruits et en légumes – pourrait contribuer à de nombreux problèmes de santé, dont l’insuffisance rénale. En théorie, un tel régime peut donner lieu à un excès d’acides dans le corps (relativement aux bases ou aux alcalis). Or, l’une des fonctions des reins consiste à maintenir l’équilibre relatif des acides et des bases dans l’organisme (équilibre acido-basique). Les recherches conduites sur des animaux laissent entendre qu’avec le temps un régime alimentaire à forte teneur en acides peut affaiblir les reins. De tels régimes semblent également contribuer à des taux d’inflammation élevés. Le déséquilibre acido-basique alimentaire et ses effets sur les reins sont un domaine de recherche en émergence.
À propos de l’étude
Des scientifiques de plusieurs centres médicaux universitaires prestigieux des États-Unis mènent de nombreuses études auprès de femmes séropositives. Lors d’une étude particulière, une équipe de recherche a exploré les effets de l’alimentation sur la santé des reins. L’étude, qui s’est déroulée entre 2013 et 2016, portait sur des données recueillies auprès de 1 608 femmes. En plus d’interroger régulièrement les femmes, l’équipe prélevait et analysait des échantillons de sang et d’urine. Au début de l’étude, toutes les femmes suivaient un TAR et avaient une charge virale moyenne de 40 copies/ml et un compte de CD4+ moyen d’environ 600 cellules/mm3. Dans l’ensemble, les femmes faisaient preuve d’une faible consommation quotidienne de fruits et de légumes, soit entre une et deux portions par jour.
Résultats
Une analyse statistique a révélé que le déclin rénal se produisait plus lentement chez les femmes consommant le plus de fruits et de légumes, soit un minimum de cinq portions par jour.
Fruits, légumes et inflammation
L’équipe de recherche a mesuré les taux de protéines associées à l’inflammation dans les échantillons de sang des participantes, soit les suivantes :
- CD14
- CD163
- IL-6 (interleukine-6)
- TNF-1 (récepteur 1 du facteur de nécrose tumorale)
L’analyse a révélé que les taux d’inflammation étaient moins élevés chez les femmes qui consommaient beaucoup de fruits et de légumes. L’équipe a estimé spécifiquement qu’un apport élevé en fruits et légumes contribuait à une réduction significative de l’inflammation.
Les fruits et les légumes, et plus particulièrement les variétés riches en couleur, abondent en caroténoïdes, en flavonoïdes et en d’autres composés dotés de propriétés anti-inflammatoires. De plus, les fruits et les légumes approvisionnent les bactéries intestinales en fibres alimentaires. Ces bactéries se nourrissent des fibres et libèrent des composés anti-inflammatoires. Tous ces facteurs contribuent à une bonne santé. Cette équipe de recherche a soutenu que les personnes qui consommaient beaucoup de fruits et de légumes étaient moins susceptibles de manger des aliments malsains regorgeant de graisses saturées et de gras trans, de sodium et de sucre.
Autres facteurs à considérer
L’équipe de recherche disposait de données se rapportant à d’autres aspects de la vie des participantes, dont leur niveau de revenu et de scolarité, leur profil tabagique et leur utilisation éventuelle de différents médicaments anti-VIH. Grâce à ces données, l’équipe a pu tenir compte de nombreux facteurs pour faire ses calculs. Cependant, malgré la prise en considération de facteurs susceptibles d’influer sur ses résultats, l’équipe n’a cessé de constater qu’une alimentation riche en fruits et en légumes était bénéfique pour la santé rénale.
Il existe un médicament anti-VIH relativement ancien portant le nom de TDF (version de ténofovir appelée fumarate de ténofovir disoproxil). Certaines études ont permis de constater que les personnes séropositives qui utilisaient le TDF, surtout en association avec une classe de médicaments appelés inhibiteurs de la protéase, étaient plus à risque de subir des lésions rénales. Une version plus sécuritaire du ténofovir a été mise au point et est utilisée couramment de nos jours sous le nom de TAF.
À retenir
Il importe de souligner que cette étude n’était pas un essai clinique randomisé, et il faut donc considérer ses résultats comme des suggestions et non comme des conclusions définitives. Il reste que les bailleurs de fonds exigent de plus en plus que les scientifiques produisent des données préliminaires probantes afin de pouvoir financer des études de plus grande envergure. En ce qui concerne l’inflammation, les résultats de cette étude font écho à ceux d’autres études, lesquels indiquent que les régimes alimentaires à base de plantes contribuent à la santé des reins. La présente étude pourrait également servir de fondement à l’élaboration d’un essai clinique d’interventions diététiques conçues pour améliorer la santé rénale de personnes vivant avec le VIH.
À propos de la santé rénale
Il est probable qu’un régime alimentaire riche en fruits et légumes est bénéfique pour la santé en général. Il n’empêche que de nombreuses choses peuvent compromettre la santé des reins. Notons, à titre d’exemple, que les personnes présentant les maladies et les facteurs de risque suivants sont plus sujettes aux maladies rénales : diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires et antécédents familiaux d’insuffisance rénale. Pour maintenir sa santé générale et celle de ses reins en particulier, il est important de se faire conseiller et suivre par un médecin afin de prévenir et de traiter ces problèmes sous-jacents. Si cela s’avère nécessaire, on peut prendre des mesures additionnelles, telle la réduction de l’usage de tabac et d’alcool, ainsi que le maintien d’un poids santé.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Banerjee T, Frongillo EA, Turan JM et al. Association of higher intake of plant-based foods and protein with slower kidney function decline in women with HIV. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2023 Nov 1;94(3):203-210.
- Carrero JJ, González-Ortiz A, Avesani CM et al. Plant-based diets to manage the risks and complications of chronic kidney disease. Nature Reviews Nephrology. 2020 Sep;16(9):525-542.
- Cao JJ, Roemmich JN, Sheng X et al. Increasing vegetable intake decreases urinary acidity and bone resorption marker in overweight and obese adults: an 8-week randomized controlled trial. Journal of Nutrition. 2021 Nov 2;151(11):3413-3420.
- Beam A, Clinger E, Hao L. Effect of diet and dietary components on the composition of the gut microbiota. Nutrients. 2021 Aug 15;13(8):2795.
- Chrysohoou C, Panagiotakos DB, Pitsavos C et al. Adherence to the Mediterranean diet attenuates inflammation and coagulation process in healthy adults: The ATTICA Study. Journal of the American College of Cardiology. 2004 Jul 7;44(1):152-8.
- Pérez-Torres A, Caverni-Muñoz A, González García E. Mediterranean diet and chronic kidney disease (CKD): a practical approach. Nutrients. 2022 Dec 25;15(1):97.
- Clark JS, Simpson BS, Murphy KJ. The role of a Mediterranean diet and physical activity in decreasing age-related inflammation through modulation of the gut microbiota composition. British Journal of Nutrition. 2022 Oct 14;128(7):1299-1314.
- Wesson DE. The continuum of acid stress. Clinical Journal of the American Society of Nephrology. 2021 Aug;16(8):1292-1299.
- Baker EJ, Hughes K, Travieso T et al. Establishment, persistence, and reactivation of latent HIV-1 infection in renal epithelial cells. Journal of Virology. 2022 Jul 27;96(14):e0062422.
- Hughes K, Chang J, Stadtler H et al. HIV-1 infection of the kidney: mechanisms and implications. AIDS. 2021 Mar 1;35(3):359-367.
- Chan L, Asriel B, Eaton EF et al. Potential kidney toxicity from the antiviral drug tenofovir: new indications, new formulations, and a new prodrug. Current Opinion in Nephrology and Hypertension. 2018 Mar;27(2):102-112.
- Furman D, Campisi J, Verdin E et al. Chronic inflammation in the etiology of disease across the life span. Nature Medicine. 2019 Dec;25(12):1822-1832.
- Lopez Angel CJ, Pham EA et al. Signatures of immune dysfunction in HIV and HCV infection share features with chronic inflammation in aging and persist after viral reduction or elimination. Proceedings of the National Academy of Sciences USA. 2021 Apr 6;118(14):e2022928118.
- Nou E, Lo J, Grinspoon SK. Inflammation, immune activation, and cardiovascular disease in HIV. AIDS. 2016 Jun 19;30(10):1495-509.