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  • Le traitement du VIH renforce grandement le système immunitaire, mais une certaine faiblesse peut persister
  • Une étude française a découvert que 9 % des personnes séropositives qui survivaient à un premier cancer en présentaient un deuxième subséquemment
  • Il faut concevoir et mettre à l’épreuve des programmes pour aider les personnes séropositives à réduire leurs risques de cancer

Certains cancers survenaient fréquemment durant les 15 premières années de la pandémie du VIH. À cette époque, les cancers couramment associés au VIH incluaient les suivants :

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  • sarcome de Kaposi : cancer causé par l’herpès virus humain 8 (HHV-8)
  • lymphome non hodgkinien : cancer causé par le virus Epstein-Barr (EBV)
  • cancer envahissant du col utérin : cancer causé par le virus du papillome humain (VPH)

On regroupe ces trois maladies dans la catégorie des cancers définissant le sida parce que, historiquement, leur présence chez des personnes séropositives laissait soupçonner une grave immunodéficience.

En 1996, des traitements puissants contre le VIH (TAR) ont vu le jour au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. Le TAR réussissait à supprimer la quantité de VIH dans le sang. Cette suppression virale permettait au système immunitaire de se réparer suffisamment pour rendre très faibles les risques d’infections et de cancers liés au VIH.

À la lumière des données recueillies depuis 1996, les scientifiques prévoient maintenant une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes suivant un TAR. Ce dernier ne peut toutefois résoudre tous les problèmes, et il est possible que le risque de cancer augmente chez une minorité de personnes au fil du temps pour les raisons suivantes, entre autres :

Virus causant le cancer

Certaines personnes séropositives sont co-infectées par des virus dont on sait qu’ils peuvent causer le cancer. La liste inclut les virus de l’hépatite B et C, lesquels infectent le foie et augmentent le risque de cancer dans cet organe. On y trouve également des souches du VPH à l’origine des cancers de l’anus, du col utérin, de la bouche, des lèvres, de la gorge, du pénis et de la vulve. Notons finalement le virus Epstein-Barr, un membre de la famille des virus de l’herpès qui augmente le risque de certaines sortes de lymphomes.

Fumée de tabac

Nombre de sondages ont révélé un taux de tabagisme relativement élevé chez les personnes vivant avec le VIH. Le tabagisme est à l’origine de nombreux cancers. Selon le National Cancer Institute des États-Unis, le tabagisme cause des cancers « du poumon, du larynx (cordes vocales), de la bouche, de l’œsophage, de la gorge, de la vessie, du rein, du foie, de l’estomac, du pancréas, du côlon et du rectum, et du col utérin, ainsi que la leucémie myéloïde aiguë ».

Alcool

Selon le National Cancer Institute, plus on consomme d’alcool, plus on augmente son risque de présenter un cancer « de la bouche, de la gorge, de l’œsophage, du larynx (cordes vocales), du foie et du sein ».

Inflammation excessive

L’infection au VIH est associée à des taux d’inflammation et d’activation immunitaire supérieurs à la normale. Le TAR atténue ces problèmes, mais ne peut les résoudre complètement. Il est plausible, sinon probable, que l’inflammation chronique et l’activation immunitaire excessive affaiblissent ou vieillissent dans une certaine mesure le système immunitaire. Il se peut aussi que l’inflammation excessive augmente le risque de croissance cellulaire anormale, laquelle peut évoluer en états précancéreux et en cancers.

Cytomégalovirus (CMV)

La co-infection au CMV est relativement courante chez les personnes vivant avec le VIH. Selon des scientifiques du Canada, le CMV peut accélérer le vieillissement du système immunitaire et contribuer à l’inflammation et à l’activation immunitaire excessives.

Dat’AIDS

Depuis longtemps, une équipe de recherche française recueille des données de santé auprès de personnes vivant avec le VIH pour une base de données appelée Dat’AIDS. L’équipe a commencé à inscrire des participant·e·s dans la base de données en 1983 et continue de le faire de manière périodique depuis lors. À ce jour, Dat’AIDS a amassé de l’information se rapportant à près de 45 000 personnes. De temps à autre, l’équipe de recherche analyse les données de Dat’AIDS et produit des rapports utiles.

Lors d’une analyse récente des données de Dat’AIDS, l’équipe de recherche s’est concentrée sur les personnes qui avaient survécu à un premier cancer. Selon l’équipe, 9 % de celles-ci ont présenté subséquemment un deuxième cancer de nature différente (nouveau cancer); l’équipe a qualifié ce dernier de « deuxième cancer primaire ». Un grand nombre des personnes qui ont présenté un deuxième cancer avaient eu un très faible compte de CD4+ auparavant, soit moins de 200 cellules/mm3. De plus, comme le diagnostic de VIH de ces personnes remontait avant 1996, elles vivaient avec cette infection depuis longtemps.

L’équipe de recherche française a affirmé que « les deuxièmes cancers primaires sont maintenant une préoccupation importante pour les personnes séropositives ayant survécu à un cancer, ce qui justifie l’élaboration de stratégies de surveillance à la suite d’un premier cancer ».

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a examiné des données de santé recueillies dans 17 grandes cliniques en France. Le recrutement de participant·e·s a débuté en 1983, et l’analyse des données s’est poursuivie jusqu’à la fin de 2015.

L’équipe a réparti les cancers en trois catégories :

  • cancers définissant le sida : sarcome de Kaposi, lymphome non hodgkinien et cancer envahissant du col utérin
  • cancers d’origine virale ne définissant pas le sida : cancers causés par les virus de l’hépatite B et C, le VPH, l’EBV (cause potentielle du lymphome non hodgkinien) et le polyomavirus à cellules de Merkel (cause potentielle du cancer des cellules de Merkel)
  • tous les autres cancers

Voici un profil concis des participant·e·s au début de l’analyse des cas de cancer :

  • 83 % d’hommes, 17 % de femmes
  • âge lors de la survenue du premier cancer : 46 ans
  • premier cancer survenu en 1996 ou plus tôt : 22 %
  • premier cancer survenu après 1996 : 78 %
  • avant de commencer le TAR, 77 % avaient eu un compte de CD4+ inférieur à 200 cellules/mm3 à un moment donné, ce qui était signe d’une immunodéficience prononcée
  • 60 % avaient reçu leur diagnostic de VIH avant 1996
  • 16 % avaient la co-infection au VHC
  • 9 % avaient la co-infection au VHB
  • 32 % avaient fumé dans le passé, et 37 % fumaient encore

Le suivi des participant·e·s a duré neuf ans en moyenne.

Résultats

Sur les 44 642 personnes inscrites à Dat’AIDS, 444 (9 %) ont présenté un premier cancer puis un deuxième de nature différente subséquemment.

À la fin de la période à l’étude, on a constaté que des cancers étaient survenus dans les proportions suivantes :

  • personnes toujours en vie : 55 %
  • personnes décédées : 35 %
  • perte de contact avec leur clinique : 10 %

Premier cancer

Au moment de la survenue du premier cancer primaire (c’est-à-dire un nouveau cancer et non une récurrence ou la propagation d’un cancer situé ailleurs), les participant·e·s avaient en moyenne 46 ans.

Voici la répartition des premiers cancers primaires en fonction des catégories établies :

  • cancers définissant le sida : 269 personnes
  • cancers d’origine virale ne définissant pas le sida : 51 personnes
  • tous les autres cancers : 124 personnes

Deuxième cancer

La moyenne d’âge des participant·e·s au moment de la survenue du deuxième cancer primaire était de 51 ans. En moyenne, le deuxième cancer se déclarait quatre ans après le diagnostic du premier; aucune différence entre les sexes n’a été constatée à cet égard.

Voici la répartition des deuxièmes cancers primaires selon la catégorie :

  • cancers définissant le sida : 130 personnes
  • cancers d’origine virale ne définissant pas le sida : 85 personnes
  • tous les autres cancers : 229 personnes

En comparant les premiers cancers aux deuxièmes, on peut constater que les cancers définissant le sida constituaient la majorité des premiers, alors que « tous les autres cancers » dominaient dans le cas des deuxièmes.

Types de deuxièmes cancers

Par ordre décroissant de fréquence, voici une liste des deuxièmes cancers les plus courants selon le sexe :

Hommes

  • lymphome non hodgkinien
  • cancer de la peau
  • sarcome de Kaposi
  • cancers du tube digestif
  • cancer du poumon
  • cancer anal

Femmes

  • cancer du sein
  • cancer de la peau
  • lymphome non hodgkinien
  • sarcome de Kaposi
  • cancer du poumon
  • cancer du foie

Selon l’équipe de recherche, le cancer du sein est le plus courant des deuxièmes cancers touchant les femmes séronégatives en France. Notons aussi que, comparativement aux hommes, une plus grande proportion des femmes inscrites à Dat’AIDS s’étaient injecté des drogues, un comportement qui les avait probablement exposées au VHC. Comme le cancer du foie est souvent une conséquence de l’infection au VHC, il n’est pas surprenant que ce genre de cancer ait touché plus de femmes que d’hommes.

À retenir

Les données de Dat’AIDS indiquent clairement ce qui suit :

  • 63 % des participant·e·s ont reçu leur diagnostic de VIH avant 1996, année de l’introduction du TAR
  • 77 % des participant·e·s avaient eu un compte de cellules CD4+ inférieur à 200 cellules/mm3 à un moment donné de leur vie

Ces deux points portent à croire que certain·e·s participant·e·s ont vécu une période de grave immunodéficience durant laquelle le VIH s’est reproduit de manière incontrôlable. Il est probable que leur système immunitaire était trop faible durant cette période pour reconnaître et éliminer des co-infections virales persistantes qui causaient le cancer. De plus, au cours de cette période d’immunodéficience grave, il se pourrait que des virus cancérigènes aient transformé certaines cellules infectées en un état anormal. Notons enfin que des données de recherche récentes laissent croire que certaines protéines du VIH peuvent transformer des cellules anormales en états précancéreux et en cancers.

Ce rapport de l’étude Dat’AIDS est important. Il révèle que près de 10 % des personnes séropositives qui ont survécu à un premier cancer finissent par en présenter un deuxième de nature différente subséquemment.

Réduire les risques

Des recherches récentes donnent à penser que le cancer est en général un problème croissant dans le monde de nos jours. Le risque de cancer de chaque personne est différent et dépend de plusieurs facteurs, tels les comportements, la situation socioéconomique, les gènes et d’autres. S’il est possible de modifier certains facteurs de risque, d’autres demeurent immuables (tels les antécédents familiaux ou la génétique). Lorsqu’une personne s’efforce de réduire ses risques modifiables, elle peut généralement améliorer son état de santé général et réduire ses risques de cancer.

Les listes suivantes contiennent des conseils généraux pour avoir un meilleur état de santé, ainsi que des idées précises sur la prévention et le dépistage du cancer que l’on peut discuter avec ses prestataires de soins. Ces listes ne sont pas exhaustives.

Conseils de santé généraux :

  • Obtenir de l’aide pour réduire sa consommation de tabac puis abandonner la cigarette définitivement.
  • Obtenir de l’aide pour réduire sa consommation d’alcool.
  • Consulter un organisme en réduction des méfaits pour connaître les façons de réduire le risque de s’exposer au virus de l’hépatite C.
  • Maintenir un poids santé.
  • Faire de l’exercice régulièrement.
  • Adopter un régime alimentaire riche en fruits et légumes colorés (y compris des légumes crucifères).

Prévention et dépistage du cancer :

En général, dans de nombreux pays à revenu élevé, on vise habituellement à effectuer des tests de dépistage du cancer du sein, du côlon et de la prostate en fonction de l’âge des patient·e·s et d’autres facteurs. Certaines personnes auraient également intérêt à discuter des interventions additionnelles suivantes avec un·e professionnel·le de la santé :

  • dépistage de maladies liées au VPH et vaccination anti-VPH
  • dépistage et traitement (si nécessaire) des virus de l’hépatite B et C; il existe un vaccin contre le VHB pour prévenir l’infection par ce virus
  • les personnes qui fument ou qui ont fumé peuvent se renseigner sur les possibilités de dépistage du cancer du poumon

—Sean R. Hosein

Ressources

Le rapport CD4/CD8 peut-il servir à prédire le risque de cancer anal chez les personnes séropositives?Nouvelles CATIE

La baisse du compte de CD4+ après un traitement contre le cancer écourterait la survie de certaines personnes séropositivesNouvelles CATIE

Société canadienne du cancer

Cancer : Gouvernement du Canada

Cancer : Gouvernement du Québec

RÉFÉRENCES :

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