- Certaines affections médicales semblent accroître le risque de fragilité, selon une étude américaine
- La liste d’affections inclut l’AVC, le diabète et les maladies pulmonaires et hépatiques
- Le dépistage, la prévention et le traitement de ces affections contribueraient à réduire le risque de fragilité
En prenant de l’âge, les personnes vivant avec le VIH deviennent sujettes à des comorbidités, c’est-à-dire à une association d’affections médicales, dont les maladies du cœur, les problèmes pulmonaires, le diabète, la perte de densité osseuse et autres altérations de la santé. Il est important d’étudier l’interaction entre le VIH et le vieillissement afin que les équipes médicales des personnes séropositives puissent mettre à profit les données de recherche pour optimiser la santé de cette population alors qu’elle vieillit.
Des scientifiques de plusieurs universités américaines ont collaboré et analysé des données se rapportant à 219 personnes séropositives d’âge moyen ou plus avancé qu’ils ont suivies pendant plusieurs années. L’équipe a analysé ces données afin de relever des tendances relativement aux comorbidités et à leur incidence sur la fragilité. Selon l’équipe, toutes les personnes figurant dans cette étude « avaient une affection neurologique ou médicale significative » au moment de leur admission.
L’équipe de recherche a constaté que les personnes qui avaient déjà ou qui ont développé subséquemment certaines comorbidités, dont l’AVC, le diabète, la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) ou l’insuffisance hépatique, étaient plus à risque de devenir fragiles.
L’équipe encourage les médecins à envisager des interventions pour prévenir ou traiter ces comorbidités. En plus de réduire potentiellement le risque de fragilité, de telles interventions seraient utiles à maintenir, voire améliorer, l’état de santé général et la qualité de vie de la personne.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a recruté des participant·e·s dans plusieurs villes, dont Los Angeles, New York, San Diego et Galveston, au Texas.
Selon l’équipe, toutes les personnes recrutées avaient « une affection neurologique ou médicale significative » au début de l’étude. Cela n’a rien de surprenant parce que toutes les personnes inscrites à cette étude sur la fragilité ont été sélectionnées d’une étude de plus grande envergure appelée NNTC (National NeuroAIDS Tissue Consortium). À l’heure actuelle, l’étude NNTC suit 541 personnes séropositives et 36 personnes séronégatives.
Pour cette sous-étude sur la fragilité, l’équipe a utilisé des données se rapportant à la santé de 219 personnes séropositives qui se rendaient régulièrement dans les cliniques de l’étude entre 2014 et 2020. Lors de ces visites, qui avaient lieu habituellement tous les six mois, l’équipe effectuait des examens physiques, ainsi que des évaluations médicales et neurologiques.
À propos de la fragilité
Dans le cadre de cette étude, on a classé comme « fragiles » les participant·e·s qui répondaient à trois des critères suivants ou davantage :
- perte de poids non intentionnelle
- épuisement
- faible force de préhension (difficulté à saisir les objets par la main)
- vitesse de marche lente
- faible niveau d’activité physique
Les participant·e·s qui répondaient à un ou deux des critères ci-dessus ont été classé·e·s comme « préfragiles » par l’équipe de recherche. Si aucun des critères n’était satisfait, l’équipe a classé comme « robustes » les participant·e·s en question.
Au début de l’étude, 73 % des participant·e·s ont été classé·e·s comme robustes et 27 % comme préfragiles.
Profil
Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :
- âge : 61 ans
- 73 % d’hommes, 27 % de femmes
- principaux groupes ethnoraciaux : Noirs – 35 %; Blancs – 34 %; Hispaniques – 31 %
- durée de l’infection au VIH : 25 ans
- compte de CD4+ actuel : 500 cellules/mm3
- nadir du compte de CD4+ : 50 cellules/mm3
- TAR en cours : 98 %
- charge virale supprimée : 90 %
- déficience neurocognitive asymptomatique liée au VIH : 8 %
- déficience neurocognitive légère liée au VIH : 27 %
- démence liée au VIH : 15 %
- déficience neurocognitive non liée au VIH : 4 %
- tabagisme actif : 60 %
- utilisation actuelle de marijuana : 33 %
Résultats
Une fois inscrites à l’étude, 40 personnes (18 %) sont devenues fragiles sur une période de 30 mois.
Selon l’équipe de recherche, les personnes qui sont devenues fragiles étaient « plus susceptibles d’avoir été préfragiles que [d’avoir été] robustes » au début de l’étude. Les personnes classées initialement comme robustes avaient tendance à faire la transition vers un état de préfragilité avant de devenir fragiles. Il n’empêche que trois personnes classées comme robustes au début sont tombées directement dans la catégorie des personnes fragiles.
Chez les personnes fragiles, la mort est survenue plus fréquemment dans l’année suivant leur classification comme telle (15 %) que chez les personnes dont l’état est resté robuste ou préfragile (1 %).
Les personnes devenues fragiles étaient plus susceptibles de présenter un certain degré de déficience neurocognitive liée au VIH.
La gravité d’une maladie dépressive n’a pas eu d’incidence sur la transition entre un état de robustesse et un état de préfragilité ou de fragilité.
Comorbidités
L’équipe de recherche a relevé la tendance suivante : plus une personne avait de comorbidités, plus son risque de devenir fragile augmentait.
Une analyse statistique a révélé que la présence de quatre comorbidités ou davantage au début de l’étude était associée à une augmentation de 5,5 fois du risque de devenir subséquemment fragile.
Selon l’équipe de recherche, chez les personnes comptant trois comorbidités ou plus, la présence de n’importe laquelle des comorbidités additionnelles suivantes augmentait significativement le risque de devenir fragile :
- AVC
- diabète
- MPOC
- insuffisance hépatique
Au fil du temps, les personnes dont la force de préhension faiblissait étaient plus susceptibles de devenir fragiles.
À retenir
La présente étude comptait parmi ses participant·e·s des personnes atteintes d’affections neurologiques ou médicales importantes. Il est donc possible que les résultats s’appliquent principalement à cette population.
L’équipe de recherche a souligné qu’aucun facteur lié à la cognition ou au VIH (compte de cellules CD4+, charge virale, etc.) n’était associé à un risque significatif de devenir préfragile ou fragile. Selon l’équipe, l’absence d’un tel risque serait due au fait que la plupart des participant·e·s suivaient un TAR (98 %) et avaient une charge virale supprimée dans 90 % des cas. Rappelons aussi que leur compte de CD4+ moyen au début de l’étude était de 500 cellules/mm3.
Réduire le risque de fragilité
L’équipe de recherche a souligné que la fragilité n’annonçait pas nécessairement un glissement irrémédiable vers le déclin de ses capacités et fonctions. Si elles sont mises en œuvre en temps opportun, plusieurs interventions peuvent prévenir ou même faire reculer un état de préfragilité ou de fragilité, notamment la prescription de médicaments, des modifications alimentaires et un programme d’exercices approuvé par un ou une médecin.
Cette équipe de recherche américaine encourage les cliniques à incorporer des évaluations de la fragilité dans les soins prodigués aux personnes âgées vivant avec le VIH. De telles évaluations pourraient aider les cliniques à déployer des interventions susceptibles d’améliorer la santé des patient·e·s, d’après l’équipe.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Lorenz DR, Mukerji SS, Misra V, et al. Multimorbidity networks associated with frailty among middle-aged and older people with HIV. AIDS. 2021 Dec 15; 88(5):518-527
- Falutz J, Brañas F, Erlandson KM. Frailty: the current challenge for aging people with HIV. Current Opinion in HIV/AIDS. 2021 May 1;16(3):133-140.
- Jones HT, Levett T, Barber TJ. Frailty in people living with HIV: an update. Current Opinion in Infectious Diseases. 2021; sous presse.
- Falutz J, Kirkland S, Guaraldi G. Geriatric syndromes in people living with HIV associated with ageing and increasing comorbidities: Implications for neurocognitive complications of HIV infection. Current Topics in Behavioral Neurosciences. 2021;50:301-327.