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CATIE
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  • De nombreuses personnes séropositives qui suivent un traitement efficace contre le VIH ont une espérance de vie quasi normale
  • À mesure que les personnes séropositives vieillissent, elles ont besoin de soutien pour prévenir et traiter les complications liées à l’âge
  • Une équipe de recherche italienne a souligné la nécessité d’envisager un diagnostic de démence de type Alzheimer pour les personnes éprouvant des problèmes cognitifs

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Lorsque la pandémie du VIH s’est déclarée au début des années 1980, de nombreux·ses médecins et personnes atteintes du VIH se sont aperçu·e·s de l’apparition de problèmes cérébraux liés à la cognition, au raisonnement et à la mémoire. Dans les cas graves, la démence et une perte de personnalité pouvaient se produire. Lorsque le système immunitaire était gravement affaibli (sida), ces problèmes étaient exacerbés par la présence d’autres virus, de bactéries, de champignons et de parasites qui s’attaquaient souvent au cerveau aussi.

Début d’une nouvelle ère

À partir de 1996, des combinaisons de traitements puissants contre le VIH (TAR) devinrent de plus en plus accessibles au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. Grâce à celles-ci, on pouvait supprimer la quantité de VIH dans le corps de nombreuses personnes sous traitement. Cette suppression virale permettait au système immunitaire de commencer à se réparer et, au fil du temps, à empêcher les infections associées au sida de se déclarer. De plus, les cas de démence liée au VIH sont devenus relativement rares.

Les bienfaits à long terme du TAR sont tellement importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes séropositives qui l’utilisent. Or, à mesure que la vie de ces personnes se prolonge, elles risquent de connaître les mêmes problèmes de santé que les personnes séronégatives. La démence non liée au VIH figure au nombre de ces problèmes.

Démence de type Alzheimer et VIH

Une équipe de recherche travaillant dans d’importants centres médicaux de l’Italie a examiné des bases de données cliniques abritant de l’information sur plus de 9 000 personnes vivant avec le VIH. L’équipe a recensé tous les diagnostics de démence de type Alzheimer (DTA) dont ces personnes avaient fait l’objet.

L’équipe a trouvé des détails se rapportant à quatre personnes qui avaient reçu des diagnostics de VIH et de DTA. Les personnes en question avaient entre 60 et 74 ans au moment de recevoir ces diagnostics. Elles suivaient toutes un TAR et avaient une charge virale indétectable en VIH depuis un certain temps. La première caractéristique importante qui a incité les médecins et les participant·e­·s (ou des membres de leur entourage) à soupçonner un problème était une « déficience de mémoire ». Les médecins ont alors lancé une investigation approfondie sur la santé des participant·e·s afin de pouvoir écarter toute autre cause possible de leur problème avant de poser un diagnostic de DTA. L’équipe a également employé des techniques de balayage cérébral comme l’IRM (imagerie par résonance magnétique) et la TEP (tomographie par émission de positons), ainsi que des analyses du liquide céphalorachidien (LCR); ce liquide est présent dans la moelle épinière et sert de « coussin » au cerveau.

La bonne nouvelle est que seulement quatre personnes sur 9 000 personnes séropositives ont fait l’objet d’un diagnostic de DTA. Dans l’idéal, l’équipe de recherche aurait également recruté des personnes séronégatives à des fins de comparaison. L’évaluation d’un tel groupe aurait donné une idée du taux général de DTA chez des personnes de même âge et de même sexe n’ayant pas le VIH. Une telle approche aurait cependant prolongé l’étude et coûté éventuellement trop cher par rapport aux fonds disponibles.

L’équipe italienne a néanmoins procédé à la publication de son rapport dans la revue Neurology: Clinical Practice afin de rappeler aux soignant·e·s des personnes séropositives que la DTA peut être une cause de « déficience neurocognitive chez les personnes âgées vivant avec le VIH ».

Appel à la prudence

Il importe de noter que les problèmes de mémoire peuvent survenir à n’importe quel âge et en présence d’états de santé divers. De plus, les problèmes de mémoire ne sont pas à eux seuls un signe de DTA. De nombreux facteurs peuvent causer des problèmes de mémoire. Il peut s’agir de choses relativement simples comme un manque de sommeil, un rhume ou une grippe ou l’usage de certains médicaments, ou encore de problèmes plus complexes comme l’anxiété, la dépression, le diabète ou une maladie cardiovasculaire. Voilà pourquoi une consultation médicale est essentielle pour déterminer la cause d’un problème de mémoire ou de tout autre problème d’ordre cérébral, surtout lorsque des personnes séropositives sont concernées.

L’équipe de recherche a souligné l’importance de faire appel à une équipe multidisciplinaire pour trouver la cause d’une déficience de mémoire chez les personnes vivant avec le VIH.

Cette étude italienne est un bon point de départ et devrait inciter d’autres équipes à examiner des bases de données d’envergure pour approfondir l’étude de la DTA. De telles investigations permettraient de suivre les tendances au fil du temps chez les personnes séropositives afin de surveiller leur risque de DTA et d’autres sortes de démences non liées au VIH. Ce genre de recherche est important pour aider les systèmes de santé à planifier le déploiement des services dont les personnes séropositives auront besoin en vieillissant.

Détails des cas

Aucune des quatre personnes atteintes de DTA n’avait eu auparavant les problèmes suivants :

  • infection du cerveau et de la moelle épinière
  • traumatisme crânien
  • trouble de consommation de substance
  • AVC

Il importe de signaler que certaines personnes figurant dans ce rapport ont reçu des médicaments additionnels (dans une tentative de ralentir le déclin continu du cerveau). Les médecins se sont également assuré·e·s que la charge virale était indétectable dans le sang et dans le liquide céphalorachidien afin de confirmer que le VIH ne causait pas la neurodégénérescence observée. Comme il est souvent le cas lors des études centrées sur des bases de données, l’équipe ne disposait pas toujours de données détaillées sur les participant·e·s.

Cas 1

Chez cette personne, le diagnostic de VIH est tombé à la fin de la soixantaine. L’homme avait consulté parce qu’il souffrait alors d’essoufflement et présentait une « légère déficience cognitive », selon l’équipe de recherche. L’essoufflement était attribuable à une pneumonie liée au sida. Cette complication pulmonaire a été traitée avec succès et, deux semaines après sa consultation initiale, l’homme s’est fait prescrire la combinaison dolutégravir + 3TC + TDF.

Avant de commencer son TAR, cet homme avait un compte de CD4+ de 25 cellules/mm3 et un rapport CD4 : CD8 de 0,1, ce qui révélait une immunodéficience grave. Le patient avait au même moment une charge virale étonnamment faible, soit près de 3 000 copies/ml.

Peu avant l’amorce du TAR, les médecins ont prélevé et fait analyser un petit échantillon de liquide céphalorachidien pour lancer une investigation sur la cause éventuelle des problèmes de mémoire du patient. L’équipe du laboratoire a trouvé que la charge virale en VIH dans le liquide céphalorachidien était de 841 copies. Elle n’a trouvé aucune autre cause d’une infection ou d’un cancer du cerveau. D’autres tests ont toutefois laissé soupçonner la présence d’inflammation dans l’organe.

Une IRM cérébrale effectuée à peu près à la même période que les tests mentionnés ci-dessus a laissé croire que certaines parties du cerveau du patient se dégénéraient.

Avec le temps, le TAR a supprimé la charge virale et fait augmenter le compte de CD4+ du patient. Cependant, malgré une bonne observance thérapeutique du TAR, ses difficultés neurocognitives ont persisté, notamment des problèmes de mémoire et de concentration. Le patient a également subi un examen TEP de son cerveau qui a confirmé la dégénérescence détectée par l’IRM.

Au cours des deux années suivantes, l’homme a continué de subir des prélèvements du LCR. Les médecins ont observé que l’inflammation dans le LCR (et par conséquent dans le cerveau) baissait au fur et à mesure que la quantité de VIH dans ce liquide atteignait des niveaux indétectables. Les médecins ont toutefois constaté que le taux d’une protéine appelée tau avait augmenté dans le LCR au fil du temps. La protéine tau aide à transporter des substances à l’intérieur des cellules. Lorsque certains troubles neurodégénératifs sont présents, la tau modifie sa forme en se tordant et s’accumule dans les cellules. Selon les neuroscientifiques, l’accumulation de tau modifiée nuit aux cellules cérébrales et en provoque la mort.

Ayant tenu compte de tous les résultats de leur investigation – charge virale indétectable, exclusion d’autres affections, antécédents médicaux, analyses du LCR et examens cérébraux — les médecins de ce patient ont posé un diagnostic de démence de type Alzheimer. Notons que l’homme était vivant au moment de la publication de ce rapport.

Cas 2

Cette personne a reçu son diagnostic de VIH à la fin de la cinquantaine. À ce moment-là, elle avait un compte de CD4+ d’environ 400 cellules/mm3 et une charge virale supérieure à 100 000 copies/ml. La patiente a commencé un TAR peu de temps après son diagnostic et a changé de schéma à plusieurs reprises au fil des années. Comme elle faisait de l’hypertension et avait un taux de cholestérol élevé, la patiente a eu une crise cardiaque à laquelle elle a survécu. Ses antécédents médicaux familiaux incluaient un élément digne de mention, à savoir que deux de ses frères ou sœurs (aucune précision n’a été donnée) avaient fait l’objet d’un diagnostic de DTA.

Selon les médecins, douze ans après le début du TAR, la famille de la patiente a signalé « l’apparition récente et progressive d’irritabilité, de déclin cognitif avec de légers problèmes de mémoire à court terme et des difficultés à avaler ». La patiente était capable de prendre son bain, de faire sa toilette et de s’habiller toute seule.

Des tests n’ont révélé aucun VIH détectable dans le sang ou le LCR de la patiente. Une IRM cérébrale a laissé soupçonner une dégénérescence liée à l’âge. Un examen TEP a toutefois révélé des signes de dégénérescence évocateurs de la DTA. Le neurologue de la patiente lui a prescrit subséquemment le médicament donépézil. Ce dernier réussit parfois à stabiliser ou à inverser temporairement le cours de la TDA, mais il ne peut la guérir. En effet, comme les bienfaits du médicament sont temporaires, la neurodégénérescence risque de se produire à nouveau à l’avenir.

La patiente a connu quelques bienfaits sous l’effet du donépézil, et sa DTA s’est stabilisée. La suppression de la charge virale s’est maintenue, et son compte de CD4+ se situait à près de 500 cellules/mm3. Cependant, la femme est malheureusement décédée plusieurs années après son diagnostic de DTA, mais la cause de décès n’a pas été précisée.

Cas 3

Cet homme avait reçu diverses combinaisons de médicaments pour traiter son VIH depuis 12 ans. Pendant ces années, le patient s’est fait diagnostiquer plusieurs comorbidités, dont l’hypercholestérolémie, l’hypertension, l’insuffisance rénale et l’ostéopénie (amincissement osseux).

Selon les médecins, cet homme avait consulté 12 ans auparavant parce qu’il éprouvait « des difficultés de compréhension et une déficience de la mémoire à court terme ». À l’époque, les médecins ont présumé que ses problèmes neurocognitifs étaient causés par le VIH. Le patient a eu une réponse favorable et soutenue au TAR; sa charge virale a été supprimée et son compte de CD4+ a presque atteint le seuil des 400 cellules/mm3.

Malgré cette bonne réponse au TAR, les médecins ont affirmé que l’homme a connu « un déclin cognitif » additionnel dans les trois ans suivant l’amorce du TAR. Les dossiers médicaux du patient indiquaient qu’il est devenu irritable et anxieux durant cette période.

L’analyse du LCR n’a rien révélé de remarquable. Les médecins ont demandé subséquemment une IRM qui a révélé une dégénérescence cérébrale. Ensuite, ils ont fait faire un examen TEP dont les résultats étaient compatibles avec un diagnostic de DTA. Le neurologue du patient lui a prescrit du donépézil, et le déclin neurocognitif a cessé de progresser. Le compte de cellules CD4+ et la charge virale (indétectable) du patient sont restés stables.

Le patient a eu subséquemment une crise cardiaque pour laquelle il a reçu un traitement. Il est encore en vie et son état est stable, selon les médecins.

Cas 4

Chez cet homme, le diagnostic de VIH est tombé au milieu de la cinquantaine. À l’époque, il avait un compte de CD4+ d’environ 450 cellules, mais sa charge virale n’était pas documentée. Il a commencé un TAR, et des tests subséquents ont révélé une charge virale indétectable. Le patient a changé sa combinaison de TAR à plusieurs reprises et prend actuellement Biktarvy (bictégravir + TAF + FTC). Il n’avait pas d’antécédents familiaux de DTA.

Plusieurs années après l’amorce du TAR, l’homme a vécu un épisode de perte de mémoire et de confusion. Ce dernier a été suivi de plusieurs épisodes de désorientation; durant ceux-ci, le patient ne pouvait se rappeler l’endroit où il se trouvait, ni la date ou l’heure.

Des tests neuropsychologiques ont révélé que l’homme éprouvait plusieurs problèmes, notamment une difficulté à communiquer ses pensées par la parole et une perturbation de ses facultés de concentration et d’apprentissage.

Une IRM a révélé une accumulation de liquide dans le cerveau du patient, ainsi que des signes d’un AVC antérieur.

L’analyse du LCR a permis de constater la suppression du VIH, mais aussi des taux élevés de la protéine tau. Des mesures subséquentes ont révélé que le taux de protéine tau augmentait au fil du temps dans le LCR du patient.

Cet homme a reçu subséquemment un diagnostic de DTA, et on lui a prescrit récemment le médicament rivastigmine. Ce dernier peut ralentir la progression de la DTA. Ce patient sera évalué de nouveau à l’avenir pour déterminer l’efficacité éventuelle de la rivastigmine.

À retenir

Diagnostiquer la DTA peut être difficile, mais les médecins y sont parvenus en utilisant une combinaison d’examens cérébraux, d’analyses du LCR et d’évaluations des symptômes.

L’équipe de recherche a recommandé la coopération entre les spécialistes ci-dessous afin d’accroître la probabilité de poser un diagnostic juste chez les personnes séropositives présentant une déficience neurocognitive :

  • spécialistes des maladies infectieuses
  • neurologues
  • neuropsychologues
  • radiologues

Des études se poursuivent dans le but d’améliorer le diagnostic de la DTA chez les personnes séronégatives. Espérons que cette recherche se révélera également pertinente pour les personnes vivant avec le VIH.

Les quatre cas présentés par cette équipe italienne sont intéressants. Ils mettent en évidence certains problèmes auxquels les personnes vivant avec le VIH pourraient faire face en vieillissant. Cette étude est un bon point de départ, mais d’autres bases de données devront être évaluées et des comparaisons effectuées pour déterminer l’ampleur du risque de DTA chez les personnes séropositives comparativement aux personnes séronégatives.

Récemment aux États-Unis, une équipe de recherche a estimé que 23 % des personnes sous TAR auront 65 ans ou plus d’ici 2030. Une tendance semblable sera sans doute observée au Canada et en Europe aussi. Il est donc clair que l’étude des problèmes liés à l’âge chez les personnes séropositives va prendre plus d’importance dans les années à venir.

Ressource

Société Alzheimer – Société Alzheimer du Canada

—Sean R. Hosein

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