L’acronyme PrEP signifie prophylaxie pré-exposition. La PrEP est une stratégie extrêmement efficace de prévention de la transmission du VIH à laquelle les personnes séronégatives peuvent recourir pour réduire leur risque de contracter le virus. Elle consiste à prendre des médicaments antirétroviraux (anti-VIH) et à consulter régulièrement un·e médecin pour bénéficier d’un suivi et d’un soutien.
La cascade de la PrEP décrit les étapes de l’engagement à l’égard de ce traitement en tant que stratégie de prévention du VIH. Elle ressemble à la cascade de soins du VIH, qui présente les étapes entourant les soins du VIH, allant du dépistage à la réussite du traitement, en passant par le diagnostic. Les étapes de la cascade de la PrEP varient, mais elles vont généralement de la sensibilisation à la PrEP en tant que mode de prévention du VIH à la décision de l’utiliser, d’y accéder, d’amorcer et d’observer le traitement1,2,3,4,5. En évaluant le niveau d’engagement à l’égard de la PrEP, nous pouvons comprendre les obstacles qui se posent à son utilisation, notamment les freins au sein du système de santé comme le manque de connaissances des professionnel·le·s du domaine. Il sera ensuite possible de créer des programmes et des services pour surmonter ces obstacles.
Cet article résume une revue systématique ayant utilisé des variables clés de la cascade de la PrEP pour évaluer le recours à ce traitement chez les personnes qui s’injectent des drogues6.
La PrEP et les personnes qui s’injectent des drogues
En plus de son rôle pour prévenir la transmission sexuelle du VIH, la PrEP peut également servir à se prémunir contre le VIH lors de la consommation de drogues injectables7,8,9.
La PrEP n’est que l’une des méthodes de prévention de la transmission du VIH pour les personnes qui s’injectent des drogues. En effet, elle doit être utilisée en association avec les services locaux de réduction des méfaits, comme les programmes d’aiguilles et de seringues et les sites de consommation supervisée.
Quels types d’études de recherche sont inclus dans la revue systématique?
La revue systématique s’est penchée sur six variables qui reflètent les différentes étapes de la cascade de la PrEP chez les personnes qui s’injectent des drogues :
- Sensibilisation à la PrEP comme stratégie de prévention du VIH
- Connaissance de la PrEP
- Perception de son propre risque de contracter le VIH
- Volonté d’utiliser la PrEP pour prévenir le VIH
- Accès aux prestataires de soins entourant le VIH
- Début de la prise de la PrEP et observance du traitement
Vingt-trois articles ont été inclus dans la revue. Pour qu’une étude soit retenue, elle devait présenter des résultats quantitatifs ou qualitatifs concernant l’une ou plusieurs des six variables et inclure des résultats concernant des personnes qui s’injectent des drogues aux États-Unis. Toutes ont été publiées entre 2013 et 2020. La plupart d’entre elles incluent des participant·e·s qui avaient déclaré s’être injecté des drogues au cours des six mois précédents et qui prenaient à ce moment de la méthadone.
Quel est le degré d’engagement des personnes qui s’injectent des drogues à l’égard de la PrEP?
Sensibilisation à la PrEP comme stratégie de prévention du VIH
Le fait de savoir que la PrEP est un moyen de prévenir la transmission du VIH est un point d’entrée important dans la cascade. Dix-neuf études se sont penchées sur la sensibilisation à la PrEP chez les personnes qui s’injectent des drogues. Les pourcentages de sensibilisation variaient de 1 à 57 %.
Connaissance de la PrEP
La connaissance de la PrEP implique d’avoir obtenu de l’information précise sur le sujet, notamment sur son efficacité pour prévenir la transmission du VIH et la façon de prendre le traitement. Cinq études ont examiné la connaissance de la PrEP chez les personnes qui s’injectent des drogues. Moins de 40 % des participant·e·s à ces études ont déclaré la connaître.
Perception de son propre risque de contracter le VIH
Le recours à la PrEP et à d’autres stratégies de prévention du VIH dépend de la perception personnelle du risque de contracter le VIH. Cinq études ont examiné la perception de ce risque chez les personnes qui s’injectent des drogues. Selon l’étude, de 1,1 à 66 % des participant·e·s se considéraient comme exposé·e·s au risque d’infection par le VIH.
Volonté d’utiliser la PrEP pour prévenir le VIH
Les auteur·trice·s de la revue ont retenu l’acceptabilité de la PrEP et l’intention d’y recourir comme des indicateurs de la volonté d’utiliser ce traitement. Quatorze études ont examiné la volonté des participant·e·s à faire usage de la PrEP à l’aide d’analyses qualitatives. Elles ont révélé qu’une série de caractéristiques étaient associées à l’augmentation de cette volonté, mais la revue n’a toutefois pas pu en dégager de généralisation, car chaque étude a obtenu des résultats différents. Parmi les caractéristiques, notons le fait d’avoir une perception élevée du risque de contracter le VIH, de bénéficier de services de soutien (p. ex. soutien social, soutien de la part de professionnel·le·s de la santé), d’être une femme, d’être en situation d’itinérance et d’avoir moins de 50 ans.
Accès aux prestataires de soins contre le VIH
Onze études ont étudié l’accès des participant·e·s aux services liés au VIH. Dans neuf d’entre elles, les organismes communautaires, les programmes d’aiguilles et de seringues et les services de traitement de la dépendance étaient les principaux lieux où ils ou elles obtenaient des services de prévention du VIH (c.-à-d. là où la PrEP pouvait être offerte). Une seule étude s’est intéressée aux endroits où les gens l’obtiennent. Elle a révélé que 55 % des personnes sous PrEP et traitement d’entretien à la méthadone ont reçu leur prescription de PrEP dans le cadre d’un traitement de la dépendance, et que 14 % ont déclaré l’avoir obtenue d’une fourgonnette offrant des services de santé.
Dans l’une des études, parmi les personnes qui s’injectent des drogues et qui étaient sensibilisées à la PrEP, seulement 18,4 % avaient discuté de ce traitement avec un·e professionnel·le de la santé.
Enfin, 86 % des participant·e·s à la seule étude ayant examiné la préférence pour le dépistage du VIH ont déclaré qu’ils ou elles préféraient l’obtenir par un programme d’aiguilles et de seringues plutôt que par un programme de prévention des infections transmissibles sexuellement (ITS).
Début de la prise de la PrEP et observance du traitement
Dix études ont examiné l’utilisation de la PrEP chez les personnes qui s’injectent des drogues. Le recours au traitement était faible dans ces études, allant d’aucun·e participant·e sous PrEP à 3 %.
L’observance du traitement est essentielle à l’efficacité de la PrEP, mais aucune étude ayant mesuré cette variable auprès de la population cible n’a été retenue dans la revue.
Quels sont les points à retenir de la revue pour les prestataires de services?
Cette revue systématique démontre que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour inciter les personnes qui s’injectent des drogues à recourir à la PrEP, notamment en les sensibilisant davantage à ce traitement, en renforçant leurs connaissances, en accroissant leur volonté d’y recourir, en leur facilitant l’accès et en favorisant son utilisation et l’observance du traitement. Les recherches montrent que les personnes qui s’injectent des drogues ont la volonté d’y recourir, mais qu’elles en font peu usage.
Les prestataires de services ont un rôle à jouer pour accroître le recours à la PrEP chez cette population. Il faut notamment mieux faire connaître ce traitement au sein de la communauté et diriger les gens vers des lieux qui l’offrent. Il est préférable d’offrir la PrEP dans les endroits où les personnes qui s’injectent des drogues obtiennent déjà des services de prévention du VIH, comme les centres locaux de santé et les programmes d’aiguilles et de seringues.
D’autres facteurs qui influencent l’engagement des personnes qui utilisent des drogues à l’égard de la PrEP doivent également être pris en considération.
- Beaucoup d’obstacles à l’utilisation de la PrEP se dressent devant les personnes qui s’injectent des drogues. Il est nécessaire de s’attaquer aux obstacles individuels, comme l’itinérance, le manque d’accès aux professionnel·le·s de la santé et la stigmatisation qui entoure la consommation de drogues et le VIH.
- Bien que la revue se concentre sur les nombreuses variables individuelles, il faut aussi considérer celles qui se situent au niveau des prestataires de services. On parle ici de leur degré de connaissances sur la PrEP, de leur capacité à offrir ce traitement et de l’accessibilité des services qu’ils offrent10,11. Pour stimuler l’engagement des personnes qui s’injectent des drogues à l’égard de la PrEP, les prestataires de services doivent prendre conscience des lacunes dans leurs propres connaissances et collaborer avec ces personnes pour comprendre les obstacles et les éliminer.
- Il faut également prendre en compte les autres stratégies pour prévenir la transmission du VIH lors de la consommation de drogues et les préférences personnelles en matière de prévention. Certaines personnes qui s’injectent des drogues ont entre autres critiqué l’allocation de ressources à la PrEP alors que d’autres stratégies efficaces de réduction des méfaits, comme l’offre de matériel d’injection sécuritaire, sont limitées et sous-financées12.
- La PrEP ne prévient pas les autres méfaits associés à l’injection de drogues, comme la transmission de l’hépatite C, ni les autres méfaits liés aux activités sexuelles, comme les ITS. Pour répondre à ces préoccupations, il est important de combiner des stratégies de prévention.
Il convient de noter quelques caractéristiques de cette revue systématique :
- La revue se concentre surtout sur les premières étapes de la cascade de la PrEP. Cinq des six variables concernent la décision d’une personne de commencer le traitement et sa capacité à l’obtenir. Seule la dernière variable évalue le début et l’acceptation du traitement, et une seule étude se penche sur l’observance de la PrEP. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour mieux comprendre la rétention dans les soins, l’observance du traitement et l’utilisation continue de la PrEP chez les personnes qui s’injectent des drogues.
- Les études de cette revue portent essentiellement sur les personnes qui s’injectent des drogues aux États-Unis, surtout en milieu urbain. Les résultats ne reflètent pas nécessairement la réalité canadienne ou en milieu rural.
Qu’est-ce qu’une revue systématique?
Une revue systématique est une importante méthode de recherche documentaire servant à éclairer les programmes fondés sur des données probantes. Une revue systématique est un résumé critique des données probantes disponibles sur un sujet précis. Elle utilise un processus rigoureux de recherche de toutes les études liées à une question de recherche précise. Elle permet ensuite d’évaluer la qualité des études pertinentes et de résumer leurs résultats afin de relever et de présenter les principales observations et limites des études. Si les études d’une revue systématique contiennent des données numériques, ces données peuvent être combinées de façons stratégiques de manière à pouvoir calculer des estimations sommaires (« données regroupées »). La combinaison de données pour produire des estimations groupées peut fournir une meilleure vue d’ensemble du sujet à l’étude. Le processus de regroupement des estimations issues de différentes études est appelé méta-analyse.
Références
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À propos de l’auteur
Erica Lee est gestionnaire, Contenu du site Web et évaluation chez CATIE. Depuis l’obtention de sa maîtrise en sciences de l’information, Erica a travaillé dans le domaine des bibliothèques de la santé, soutenant les besoins en information des prestataires de services de première ligne et des usagers et usagères de ces services. Avant de se joindre à CATIE, Erica était la bibliothécaire de l’organisme AIDS Committee of Toronto (ACT).