Recommandations structurelles
Les recommandations suivantes décrivent les approches et les mécanismes à l’échelon des programmes qui sont des facteurs clés dans l’élaboration de modèles de soins intégrés accessibles, pertinents et efficaces pour aborder l’hépatite C.
Recommandation structurelle no 1 : Élaborer un plan d’action national pour aborder l’hépatite C en ayant recours à différentes approches conçues par et pour chaque population prioritaire
Un important facteur structurel pour lutter avec succès contre l’hépatite C à l’échelle nationale est l’élaboration de politiques de santé publique fondées sur des preuves. Il est essentiel d’avoir des stratégies nationales et provinciales qui incluent des cibles claires et des engagements financiers pour aborder l’hépatite C. Afin d’élaborer des stratégies efficaces et pertinentes pour aborder l’hépatite C dans les populations prioritaires, les membres de ces populations doivent jouer un rôle central dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation d’approches spécifiques à ces populations. Les populations prioritaires, y compris les personnes qui s’injectent des drogues, les détenus, les peuples autochtones, les jeunes de la rue, les immigrants et les nouveaux arrivants au Canada provenant de pays à prévalence élevée, les adultes âgés et les hommes séropositifs ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, doivent être invités à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies nationales et locales en matière d’hépatite C. Par exemple, des interventions dirigées par des Autochtones et conçues spécifiquement pour eux sont essentielles pour joindre ces personnes et leur offrir des soins; sans elles, ces individus tomberont souvent entre les mailles du filet.
Recommandation structurelle no 2 : Veiller à ce que des options optimales en matière de dépistage, de suivi et de traitement pour l’hépatite C soient disponibles et accessibles pour toutes les personnes vivant avec l’hépatite C affectées par et celles qui sont à risque d’être infectées
Les meilleures options en matière de dépistage, de suivi et de traitement doivent être accessibles à tous, peu importe l’endroit où ils vivent, leur statut socio-économique et les dommages subis par leur foie.
L’admissibilité au traitement doit être fondée sur l’état de préparation du client et son désir d’entamer le traitement, et non sur les exigences cliniques ou d’admissibilité financière traditionnelle.
Investir dans la mise au point d’outils de diagnostic et des technologies de suivi de la maladie plus rationnalisés, moins dispendieux et accessibles devrait être prioritaire. Des tests de détection rapide des anticorps de l’hépatite C sont disponibles, mais l’accès à la détection rapide de l’ARN demeure un défi important. Le dépistage de l’hépatite C aux points de service est actuellement disponible aux États-Unis, mais pas au Canada. La technique FibroScan est non invasive et permet un suivi rapide de l’évolution de la maladie, mais sa disponibilité est extrêmement limitée.
Recommandations structurelles no 3 : Rehausser la surveillance et le bassin de données épidémiologiques pour des populations prioritaires
Une surveillance rehaussée et des données épidémiologiques sont essentielles pour mieux comprendre l’incidence de l’hépatite C dans des populations prioritaires et pour élaborer des politiques, des programmes et des interventions qui sont fondés sur les meilleures données possibles.
Recommandation structurelle no 4 : Veiller à intégrer l’hépatite C aux stratégies plus vastes sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang aux échelons municipal, provincial et national
Un engagement à intégrer l’hépatite C à des stratégies et des structures de financement plus vastes pour les infections transmissibles sexuellement et par le sang est essentiel. Certaines stratégies provinciales liées au VIH élaborées pour les personnes qui s’injectent des drogues n’ont pas inclus de services liés à l’hépatite C dans les efforts visant à offrir des tests de dépistage et des traitements à plus grande échelle. Cette omission représente une importante occasion ratée.
Recommandation structurelle no 5 : Faciliter l’élaboration et la mise en œuvre d’approches axées sur les soins primaires et dirigées par un personnel infirmier pour l’hépatite C
Un facteur structurel clé dans la prestation de soins de qualité aux communautés et aux populations mal desservies consiste à intégrer les soins dans les milieux de soins primaires et à investir dans des modèles dirigés par un personnel infirmier. Le renforcement des capacités des fournisseurs de soins primaires et des infirmières à fournir des services relatifs à l’hépatite C est un facteur clé dans la prestation de services intégrés dans les zones à faible densité de population. L’accès limité à des soins spécialisés pose problème non seulement dans les régions à faible densité de population, mais également dans certaines villes. Il est important d’élaborer des lignes directrices professionnelles et des activités éducatives pour les fournisseurs de soins primaires afin de les aider à offrir des services de dépistage, de traitement et de soins en matière d’hépatite C. Faciliter et privilégier des occasions de formation sur l’hépatite C pour le personnel infirmier et investir dans des modèles de traitement et de soins est également utile. Un important exemple mis en œuvre dans une réserve est le modèle établi à Ahtahkakoop, en Saskatchewan. En vertu de ce modèle collaboratif dirigé par des Autochtones, une infirmière gestionnaire provenant de l’extérieur de la communauté se rend régulièrement au centre de santé et met les clients en contact avec un médecin par l’entremise d’une technologie appelée « Doc in the box » (soins d’urgence), où un spécialiste est mis immédiatement en contact avec un client grâce à des technologies en ligne. L’infirmière gestionnaire amène aussi un appareil FibroScan dans la réserve afin d’effectuer des tests de dépistage rapide.
Recommandation structurelle no 6 : Élaborer des politiques nationales de réduction des méfaits, y compris la réduction des méfaits en milieu carcéral et investir dans des programmes liés à l’hépatite C dans les prisons
La réduction des méfaits doit être un élément central de la stratégie nationale sur l’hépatite C. Un engagement envers la réduction des méfaits est une approche de santé fondée sur des preuves pour les personnes qui s’injectent des drogues.
Il existe de vastes lacunes dans les stratégies et les interventions destinées à la population carcérale. Il est essentiel que les autorités gouvernementales (à tous les niveaux) et carcérales reconnaissent que les personnes s’injectent des drogues en prison et qu’elles appuient des interventions de réduction des méfaits, y compris la distribution de matériel d’injection ou de tatouage sécuritaire.
Recommandation structurelle no 7 : Élaborer des modèles de financement qui appuient la rémunération fondée sur le salaire et promouvoir la fourniture de ressources aux fournisseurs de soins de santé non traditionnels comme des guérisseurs, des Aînés et des pairs autochtones
Les modèles de financement actuels conviennent mal à l’instauration de soins intégrés, centrés sur les clients et axés sur l’équité en matière de santé pour l’hépatite C. Les modèles fondés sur la rémunération à l’acte et les ressources limitées pour les pairs et le personnel non traditionnel, y compris les guérisseurs et aînés autochtones, limitent la capacité d’offrir des soins culturellement sécuritaires et centrés sur les clients. Il est essentiel de fournir un financement pour des modèles axés sur le salaire et de veiller à ce qu’il y ait des ressources pour les pairs et les fournisseurs de services non traditionnels, dont les guérisseurs et aînés autochtones.
Recommandation structurelle no 8 : Associer l’admissibilité au financement et les mesures d’évaluation aux résultats relatifs à l’équité en matière de santé
Il est important d’associer l’admissibilité au financement et les mesures d’évaluation aux résultats liés à l’équité en matière de santé. L’établissement de cibles pour le dépistage, le traitement et les résultats de santé pour les populations prioritaires au lieu d’avoir des cibles pour l’ensemble de la population, encouragera la mise en place de services destinés aux populations prioritaires.
Recommandation structurelle no 9 : Investir dans des réformes du système de santé qui favorisent l’équité en matière de santé, y compris des pratiques d’embauche axées sur l’équité, la formation antiracisme et anti-oppression et le transfert de pouvoir aux utilisateurs de services dans la conception des soins
Il est essentiel que, grâce à des politiques sur la santé, nos systèmes de santé soient restructurés de manière à être accessibles et efficaces pour les personnes marginalisées, opprimées et exclues dans la société. Il est important d’élaborer des politiques qui permettent de s’assurer que la main-d’œuvre des soins de santé soit diversifiée, avec une forte représentation des populations marginalisées. Par exemple, l’élaboration de politiques qui exigent la mise en place de conseils consultatifs en santé dirigés par les personnes qui sont systématiquement mal desservies par nos systèmes de santé sont un moyen de s’assurer que nos établissements de santé et nos professionnels de la santé soient redevables envers les populations qui sont systématiquement mal desservies.
Recommandation structurelle no 10 : Investir dans des stratégies qui abordent les déterminants sociaux de la santé, y compris des initiatives de lutte contre la pauvreté et élaborer des politiques pour lutter contre le racisme, la stigmatisation et la discrimination dans la société.
Le fait d’avoir un système de santé qui dessert adéquatement les personnes marginalisées et exclues de la société est un pas important, mais il ne constitue, en fin de compte, qu’une solution de fortune aux problèmes plus vastes et plus fondamentaux que sont l’exclusion sociale et la marginalisation.
Il est essentiel d’investir dans des politiques et des programmes qui améliorent les conditions de vie socioéconomiques des populations opprimées et marginalisées. Investir dans le logement, l’emploi, l’éducation, la réduction des méfaits et les initiatives de renforcement des capacités de la communauté permet de créer des communautés saines et sécuritaires. Investir dans les prisons, les forces policières et autres institutions axées sur la punition contribue à retraumatiser les gens et à renforcer l’exclusion sociale, la marginalisation, des questions personnelles de sécurité et une mauvaise santé.
L’oppression sociétale historique et continue sous forme de racisme, de colonialisme, d’homophobie et de transphobie est à l’origine de l’exclusion sociale et de la marginalisation. Il est important pour les gouvernements à tous les niveaux et les autorités locales de forger des partenariats avec des groupes et des individus qui ont vécu la discrimination d’investir dans des campagnes de sensibilisation du public et d’élaborer des politiques exigeant que les écoles, les centres de santé et les milieux de travail adoptent des stratégies décolonisées, anti-oppressives et antiracistes. En plus des éléments éducatifs, les stratégies doivent inclure des initiatives de partage et de restructuration des pouvoirs qui mettent le pouvoir entre les mains des personnes et des populations ayant une expérience vécue de la racialisation et de la discrimination.
Recommandation structurelle no 11 : Investir dans des initiatives de renforcement des systèmes, y compris la défense des intérêts et les relations inter-mouvements
Il y a un besoin urgent d’établir des partenariats collaboratifs pour assurer une défense efficace des intérêts et la réussite des initiatives de changement des systèmes. Action Hépatites Canada a commencé à fournir un leadership en défense des intérêts pour l’hépatite C à l’échelon national. Il y aurait aussi lieu de réexaminer les initiatives existantes, y compris le Cadre stratégique pour l’action de l’Agence de la santé publique du Canada (2009). Le financement pour l’accès au traitement pourrait devenir un sujet de dissension, avec divers groupes se livrant concurrence pour obtenir un traitement de faveur, mais il est important de s’unir et de se mobiliser pour préconiser l’accès aux soins et aux traitements.
Il est également primordial d’investir dans les relations inter-mouvements avec des groupes qui œuvrent dans des domaines autres que l’hépatite C. Ces initiatives d’établissement de relations inter-mouvements et de partenariats exigent un financement et des ressources spéciaux.