Les statines peuvent-elles aider à réduire le risque de cancer?

En 2012, une vaste étude par observation menée au Danemark a comparé près de 19 000 personnes traitées par statines à 277 000 personnes qui n’avaient jamais utilisé ces médicaments. Tous les participants étaient séronégatifs. Les chercheurs ont constaté que les participants recevant des statines couraient un risque plus faible de mourir de complications causées par une gamme de cancers. Comme il s’agissait d’une étude par observation, les chercheurs ne pouvaient prouver que la prise de statines causait la réduction du risque de cancer. En effet, il est possible que les chercheurs n’aient pas tenu compte d’autres facteurs lors de l’analyse des données, tels que le tabagisme, la taille des tumeurs et la réponse au traitement anticancéreux. De tels facteurs auraient pu fausser leurs conclusions par inadvertance.

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Il n’empêche que les résultats danois sont intéressants, même s’il faut qu’ils soient confirmés par les bases de données importantes d’autres pays.

Des études antérieures avaient laissé croire que les personnes séropositives traitées par statines semblaient courir un risque réduit de présenter des cancers liés au VIH, y compris le lymphome non hodgkinien.

Des chercheurs de Milan, en Italie, ont fouillé les dossiers médicaux de patients séropositifs utilisant la TAR afin d’explorer le potentiel anticancéreux des statines. Sur près de 5 357 participants, l’équipe a constaté que 740 personnes (14 %) utilisaient ou avaient utilisé une statine. Parmi ce groupe traité par statines, 12 cas de cancer s’étaient produits (2 %), comparativement à 363 cas (8 %) parmi les participants n’ayant jamais utilisé de statine. Les chercheurs ont estimé que les statines aidaient à réduire le risque de cancer d’environ 55 %. Les cancers en question figuraient parmi les variétés observées chez certaines personnes séropositives, soit le lymphome, le sarcome de Kaposi (SK) et le cancer du col utérin.

Détails de l’étude

Des chercheurs de l’Institut scientifique San Raffaele et de l’hôpital affilié ont revu les données recueillies auprès des participants entre janvier 1991 et octobre 2012. Les diagnostics de cancer avaient été confirmés par un pathologiste qui avait examiné les tumeurs.

Résultats

Au cours de la période à l’étude, 375 personnes avaient présenté un cancer, selon les chercheurs. Les cas se répartissaient comme suit :

  • 194 cancers liés au VIH
  • 191 cancers non liés au VIH

Douze cancers (2 %) s’étaient produits chez des utilisateurs de statines. Ces 12 cas de cancer n’étaient pas liés au VIH.

Un total de 363 cancers (8 %) s’étaient produits chez les personnes n’ayant jamais utilisé de statines, comme suit :

  • 194 cancers liés au VIH
  • 169 cancers non liés au VIH

Cette différence entre le nombre de cancers chez les utilisateurs de statines et les non-utilisateurs est significative du point de vue statistique, c’est-à-dire non attribuable au seul hasard.

La statine la plus utilisée était la rosuvastatine (Crestor) à raison de 10 mg/jour, suivie de la pravastatine à raison de 20 mg/jour.

Dans l’ensemble, les participants avaient commencé à utiliser des statines à peu près 11 ans après leur diagnostic de VIH.

Les chercheurs ont affirmé que les utilisateurs de statines étaient « plus âgés, plus fréquemment des fumeurs, [avaient un surplus de poids et avaient commencé l’étude avec une tension artérielle, des taux de cholestérol et de triglycérides et une glycémie supérieurs à la normale] ». Ainsi, les utilisateurs de statines présentaient dès le début de nombreux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.

L’équipe italienne a également constaté que les utilisateurs de statines avaient tendance à avoir un compte de CD4+ pré-TAR plus élevé et étaient moins susceptibles d’être co-infectés par le virus de l’hépatite C que les non-utilisateurs de statines.

Point à retenir

Cette étude italienne est une étude par observation. Il est très risqué de tirer des conclusions fermes de ce genre d’étude à cause de la possibilité de facteurs de confusion. Autrement dit, les chercheurs ne peuvent jamais écarter définitivement la présence de facteurs non mesurés qui pourraient fausser les résultats. En effet, l’équipe de recherche a fait cette déclaration à ce propos :

« Il est possible… que les utilisateurs de statines avaient un statut VIH plus favorable [tel un compte de CD4+ pré-TAR plus élevé] et des comportements différents par rapport à la santé qui pourraient causer des différences dans le risque de cancer au fil du temps, comparativement aux [participants] auxquels on n’avait pas prescrit de statines. »

Quelle est la signification de ces résultats?

Des chercheurs aux États-Unis et en France ont commenté la recherche italienne dans un éditorial publié dans la revue AIDS :

« Il est possible (même probable) que les utilisateurs de statines fréquentaient plus souvent la clinique [de l’étude] et étaient par conséquent plus susceptibles d’avoir une [charge virale en VIH] supprimée et un compte de CD4+ plus élevé au fil du temps. Ces facteurs auraient réduit le risque de [cancer] pour les utilisateurs de statines. »

À l’époque de l’austérité

Analyser les études par observation se fait relativement plus facilement, plus rapidement et plus économiquement que d’analyser les essais cliniques prospectifs randomisés d’envergure. De nos jours, les demandes de financement se multiplient dans le domaine de la recherche. Or, à cause de la croissance économique stagnante et des politiques d’austérité dans les pays à revenu élevé, les fonds alloués à la recherche scientifique n’augmentent pas de façon importante et sont même à la baisse dans certains pays. À moins que des sommes colossales soient débloquées pour financer la recherche scientifique, les méthodes moins coûteuses pour aborder les questions de recherche deviendront plus courantes, même si elles risquent de ne pas donner de réponses concluantes. Par conséquent, l’incertitude pourrait continuer de compromettre la recherche et les tentatives de résoudre les questions cliniques.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Nielsen SF, Nordestgaard BG, Bojesen SE. Statin use and reduced cancer-related mortality. New England Journal of Medicine. 2012 Nov 8;367(19):1792-802.
  2. Galli L, Spagnuolo V, Poli A, et al. Use of statins and risk of AIDS-defining and non-AIDS-defining malignancies among HIV-1 infected patients on antiretroviral therapy. AIDS. 2014 Oct 23;28(16):2407-15.
  3. Riedel DJ, Jourdain G. Potential impact of statins on cancer incidence in HIV-infected patients. AIDS. 2014 Oct 23;28(16):2475-6.