Une revue d’envergure de trois études françaises ne découvre aucun lien entre les AAD et la récurrence du cancer du foie
Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, des médecins de Barcelone et de Vienne ont publié des rapports suggérant que l’exposition aux antiviraux à action directe (AAD) pourrait être associée à un risque accru de cancer du foie ou de sa récurrence chez un faible nombre de patients et ce, pour une raison inconnue. Rappelons toutefois que les analyses des petites bases de données de ce genre produisent par inadvertance des conclusions faussées dans certains cas.
Pour jeter une lumière sur l’éventuelle association entre l’usage d’AAD et le risque de cancer du foie ou de sa récurrence, des chercheurs de France s’intéressant à l’évaluation des risques de cancer du foie ont effectué une revue d’envergure de trois études prospectives. Pour des raisons différentes, chacune des études avait recueilli des données auprès de 6 000 personnes traitées par AAD. Une analyse portant sur un si grand nombre de personnes donne des résultats très probants. Les analyses de grande envergure aident à réduire le risque d’interprétations faussées des résultats, comme il peut arriver par inadvertance lors des analyses portant sur un nombre beaucoup plus faible de personnes.
Les chercheurs ont trouvé que les taux de récurrence du cancer du foie étaient relativement faibles. De plus, ils n’ont constaté aucune augmentation du risque de cancer du foie et de sa récurrence parmi les personnes traitées par AAD.
Détails et résultats de l’étude
ANRS CO22 HEPATHER
À la fin de 2015, cette étude avait recruté plus de 14 000 personnes ayant une infection active ou antérieure au VHC. Un total de 5 458 personnes ont commencé un traitement par AAD. Les chercheurs se sont concentrés sur 267 participants atteints d’une infection chronique active au VHC qui avaient reçu antérieurement un traitement contre le cancer du foie. Les chercheurs ont réparti ces 267 personnes en deux groupes : 189 d’entre elles ont été traitées subséquemment par AAD, et 78 n’ont pas été traitées. L’équipe de recherche a constaté trois différences statistiquement significatives entre les deux groupes. Spécifiquement, les utilisateurs d’AAD étaient plus susceptibles de présenter les caractéristiques suivantes :
- ils étaient légèrement plus jeunes (62 ans contre 66)
- ils étaient plus susceptibles d’être des hommes (78 % contre 73 %)
- ils étaient plus susceptibles d’avoir subi une cicatrisation du foie (78 % contre 63 %)
Malgré ces différences, il n’y avait pas de différence significative entre les taux de récurrence du cancer du foie des deux groupes.
Les chercheurs ont également souligné cinq cas de récurrence du cancer du foie parmi les personnes recevant une combinaison de sofosbuvir + interféron + ribavirine. Selon les chercheurs, ce résultat affaiblit l’argument selon lequel l’interféron offrirait une certaine protection contre l’apparition subséquente du cancer du foie.
ANRS CO12 CIRVIR
Cette étude, pour laquelle on avait recruté 1 822 personnes atteintes de cirrhose (cicatrisation grave du foie), mettait l’accent sur l’évaluation des complications de la cirrhose. L’équipe de recherche française a revu les données recueillies auprès de 1 354 participants atteints d’une cirrhose causée par l’infection au VHC. Il est important de souligner que la présence de cirrhose augmentait le risque de cancer du foie pour ces participants.
L’équipe de recherche a trouvé 77 personnes dont le cancer du foie était en rémission. Treize d’entre elles ont subséquemment reçu des AAD. Une personne sur 13 (8 %) a vécu une récurrence du cancer du foie trois ans plus tard. À titre de comparaison, notons que parmi les 66 autres participants qui n’ont pas reçu d’AAD, 31 récurrences du cancer du foie (41 %) se sont produites.
ANRS CO23 CUPILT
Les participants à cette étude avaient été recrutés afin que les médecins puissent surveiller l’impact d’une greffe de foie sur leur santé. Les chercheurs se sont concentrés sur 314 personnes qui avaient subi une greffe de foie et qui ont subséquemment reçu des AAD. Une récurrence du cancer du foie s’est produite chez sept participants (2 %). Sur ces sept personnes, cinq sont mortes dans les cinq ans suivant la transplantation du foie. Selon les chercheurs, à en juger par l’analyse des tumeurs survenues lors du premier épisode de cancer du foie, la récurrence de celui-ci était probable dans cinq cas sur sept.
Points clés
Après avoir décortiqué les dossiers médicaux et analysé les données des trois études, qui incluaient des personnes cirrhotiques et non cirrhotiques ainsi que des receveurs d’une greffe de foie, les chercheurs n’ont trouvé aucun indice probant d’une augmentation du risque de récurrence du cancer du foie parmi les patients qui avaient été traités par AAD.
Cette conclusion devrait rassurer les patients, les médecins, les infirmières et les pharmaciens quant à l’innocuité des AAD. De plus, ces résultats font écho à d’autres études dont nous avons rendu compte dans TraitementActualités 215.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Pol S. Lack of evidence of an effect of direct acting antivirals on the recurrence of hepatocellular carcinoma: The ANRS collaborative study group on hepatocellular carcinoma (ANRS CO22 HEPATHER, CO12 CIRVIR and CO23 CUPILT cohorts). Journal of Hepatology. 2016; in press.
- Lawitz E, Ruane P, Stedman C, et al. Long-term follow-up of patients with chronic HCV infection following treatment with direct-acting antiviral regimens: maintenance of SVR, persistence of resistance mutations and clinical outcomes. The International Liver Congress, 13-17 April 2016, Barcelona. Abstract 166.