Facteurs liés aux chutes chez les femmes d’âge moyen

Grâce à la grande accessibilité des combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (TAR) au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, les personnes séropositives vivent plus longtemps de nos jours, et un grand nombre d’entre elles feront probablement de vieux os. Cependant, comme tout le monde, à mesure que les personnes séropositives vieillissent, leurs risques d’éprouver des complications liées à l’âge augmentent. Une telle complication est celle des chutes. Un événement inattendu de ce genre, où une personne perd son équilibre, glisse ou trébuche et tombe à terre (parfois en se heurtant contre un meuble), peut avoir de graves conséquences chez certaines personnes.

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Des chercheurs d’un peu partout aux États-Unis ont interrogé 650 femmes d’âge moyen qui couraient un risque élevé de contracter le VIH, ainsi que 1 412 femmes séropositives, au sujet des chutes éventuelles survenues au cours des six mois précédents. L’équipe a également prélevé des échantillons de sang afin de les analyser. Les chercheurs ont constaté que les taux de chute étaient semblables, soit environ 19 %, peu importe le statut VIH. L’analyse de plusieurs facteurs a permis aux chercheurs de confirmer que l’infection au VIH n’était pas un facteur de risque de chute. En revanche, on a découvert que les facteurs suivants faisaient augmenter le risque de chute :

  • âge plus avancé
  • usage actuel de marijuana
  • problèmes de mémoire et de cognition (problèmes neurocognitifs)
  • nerfs endommagés dans les pieds, les jambes et/ou les mains (neuropathie périphérique)

Détails de l’étude

La Women’s Interagency HIV Study (WIHS, prononcée comme le mot anglais wise) est une étude en cours qui suit la santé de femmes atteintes de l’infection au VIH ou à risque. On inclut des femmes séronégatives dans l’étude WIHS parce qu’elles viennent des mêmes collectivités que les participantes séropositives et servent de comparaison utile lorsqu’on effectue des tests de laboratoire et d’autres évaluations. Les femmes recrutées pour la WIHS viennent de cliniques situées dans les villes suivantes :

  • Atlanta, Géorgie
  • Birmingham, Alabama
  • Brooklyn, New York
  • Le Bronx, New York
  • Chapel Hill, Caroline du Nord
  • Chicago, Illinois
  • Miami, Floride
  • San Francisco, Californie
  • Washington, D.C.

Au fil des années, les chercheurs affiliés à l’étude WIHS ont publié de nombreux rapports utiles sur la santé des femmes atteintes du VIH. L’une des forces de l’étude WIHS réside dans le fait qu’elle recrute des femmes de milieux socioéconomiques semblables. Dans ce rapport, nous nous concentrons sur les résultats se rapportant aux femmes séropositives.

Les participantes avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à la WIHS :

  • âge : 48 ans; la majorité des femmes (74 %) avaient entre 40 et 59 ans
  • 37 % avaient des antécédents de sida
  • nadir du compte de CD4+ : 274 cellules/mm3
  • compte de CD4+ actuel : près de 600 cellules/mm3
  • 65 % avaient une charge virale indétectable
  • 49 % avaient une tension artérielle supérieure à la normale
  • 19 % avaient le diabète de type 2
  • 12 % avaient la co-infection au virus de l’hépatite C
  • 11 % souffraient de dysfonction rénale

Autres problèmes de santé :

  • 47 % étaient obèses
  • 21 % avaient des nerfs endommagés dans les pieds, les jambes et/ou les mains
  • 12 % avaient des problèmes de mémoire et de cognition (faculté de penser clairement)

En ce qui concerne la consommation de drogues/d’alcool et la santé mentale :

  • 38 % fumaient actuellement du tabac
  • 17 % utilisaient actuellement de la marijuana
  • près de 90 % prenaient moins de trois breuvages alcoolisés par semaine
  • 32 % avaient des symptômes de dépression

Les participantes prenaient des médicaments touchant le cerveau (appelés « médicaments SNC » par les chercheurs) dans les proportions suivantes :

  • 27 % utilisaient des antidépresseurs
  • 13 % utilisaient des anticonvulsivants
  • 12 % utilisaient des sédatifs
  • 10 % utilisaient des antipsychotiques
  • 4 % utilisaient des relaxants musculaires

Résultats : la peur de tomber

Après avoir interrogé les femmes séropositives au sujet de leur peur de tomber, les chercheurs ont regroupé les réponses comme suit :

  • aucune peur : 62 %
  • un peu : 21 %
  • moyen : 7 %
  • très peur : 10 %

Voici la répartition des chutes signalées par les femmes en ce qui concerne les six mois précédents :

Aucune chute

  • séropositives : 81 %
  • séronégatives : 82 %

Une chute

  • séropositives : 9 %
  • séronégatives : 8 %

Deux chutes ou plus

  • séropositives : 9 %
  • séronégatives : 10 %

(Remarque : comme ces chiffres sont arrondis, la somme n’est pas forcément 100 %.)

Ces différences entre les taux de chutes chez les femmes séropositives et séronégatives ne sont pas significatives du point de vue statistique.

Facteurs de risque de chutes multiples

Compte tenu de plusieurs facteurs possibles, les chercheurs ont constaté que les enjeux de santé suivants étaient associés à un risque accru de tomber :

  • âge entre 50 et 59 ans
  • consommation actuelle et passée de marijuana
  • problèmes neurocognitifs
  • nerfs endommagés dans les pieds, les jambes et/ou les mains
  • usage de médicaments SNC touchant le cerveau (plus le nombre de tels médicaments était élevé, plus le risque de chute augmentait)
  • diabète de type 2

Les facteurs suivants n’ont pas été associés à un risque accru de chute :

  • infection au VIH
  • compte de CD4+
  • charge virale
  • médicaments anti-VIH spécifiques (notons, par exemple, que l’éfavirenz, vendu sous les noms Sustiva et Stocrin et présent dans Atripla, peut causer des étourdissements et de nombreux autres effets secondaires d’ordre cérébral)

Comparaison et contraste

Les chercheurs ont souligné que près du tiers des personnes séronégatives âgées faisaient des chutes chaque année aux États-Unis. De plus, ils ont affirmé que « 10 % de ces chutes [provoquent] des blessures qui nécessitent un secours médical ». À titre de comparaison, les chercheurs ont fait valoir que, « parmi nos 198 participantes de 60 ans ou plus, environ 25 % ont fait état [de chutes survenues] au cours des six mois précédents ».

Points à retenir

1. Les chutes et leurs conséquences, dont les fractures osseuses dans certains cas, font partie d’un groupe de problèmes que les chercheurs appellent des « syndromes gériatriques ». Il s’agit d’affections/problèmes relativement répandus parmi les personnes âgées. Selon l’équipe WIHS, les syndromes gériatriques sont « associés à des conséquences défavorables, y compris l’incapacité, la fragilité, la réduction de la qualité de vie, la perte de l’autonomie et [un risque accru de mortalité] ».

Comme les personnes séropositives ont tendance à avoir une densité osseuse réduite, les chutes pourraient accroître leur risque de fractures.

2. L’analyse WIHS a trouvé un lien entre la consommation de drogues qui touchent le cerveau et un risque accru de chutes. D’autres études menées auprès de personnes séronégatives âgées ont permis d’observer la même association entre drogues et chutes.

3. Cette étude était fondée sur l’autodéclaration des chutes survenues au cours des six mois précédents par les participantes elles-mêmes. Il est possible que certaines participantes aient sous-estimé le nombre de leurs chutes car certaines d’entre elles avaient des problèmes de mémoire.

4. Il aurait été utile que les responsables de cette étude aient recueilli des données sur d’autres facteurs couramment associés aux chutes, tels que les antécédents des affections suivantes :

  • problèmes de vue
  • AVC
  • crise cardiaque
  • hypotension orthostatique (baisse soudaine de la tension artérielle qui se produit lorsqu’une personne se redresse, se lève ou sort du lit rapidement et qui provoque une sensation d’étourdissement et de vertige, une vue brouillée et une perte de connaissance)

5. Les chercheurs n’ont analysé que les données recueillies au sujet des chutes survenues depuis six mois dont les participantes se souvenaient. L’équipe WIHS a commencé à interroger les participantes au sujet des chutes en 2014. Il serait utile si, à l’avenir, les chercheurs continuaient à documenter les chutes et à surveiller les changements éventuels qui se produisent au fil du temps. Une telle documentation serait d’autant plus utile que le nombre de personnes séropositives qui vieillissent ne cesse d’augmenter.

6. Les chercheurs affirment avoir déterminé « plusieurs facteurs de risque de chute modifiables, y compris l’usage de plusieurs médicaments agissant dans le SNC et la consommation de drogues/d’alcool, lesquels pourraient devenir des cibles importantes des efforts visant la prévention des chutes chez les femmes vieillissantes ».

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Sharma A, Hoover DR, Shi Q, et al. Falls among middle-aged women in the Women's Interagency HIV Study. Antiviral Therapy. 2016; in press.