Sofosbuvir + velpatasvir + voxilaprévir (Vosevi) pour le retraitement du VHC
La plupart des personnes vivant avec l'infection chronique au virus de l'hépatite C (VHC) ont de très bonnes chances de guérir lorsqu'elles prennent un traitement entièrement oral moderne (c'est-à-dire un traitement par antiviraux à action directe ou AAD) contre cette infection. Les combinaisons d'AAD donnent habituellement lieu à des taux de guérison allant de 90 % à 95 %. Cependant, la proportion restante de patients non guéris auront besoin d'être traités de nouveau. La meilleure combinaison pour le retraitement de ces personnes n'est pas encore claire.
Les AAD agissent en inhibant l'activité des protéines et/ou des enzymes dont les cellules infectées par le VHC ont besoin pour faire d'autres copies du virus. Une des protéines du VHC dont l'activité est freinée par les AAD s'appelle la NS5A. Dans les cas où le traitement a échoué, le VHC de la personne concernée risque d'avoir acquis une résistance aux inhibiteurs de la NS5A. La liste d'inhibiteurs de la NS5A inclut les médicaments suivants :
- daclatasvir (Daklinza)
- elbasvir (dans Zepatier)
- lédipasvir (dans Harvoni)
- ombitasvir (dans Holkira Pak)
Les compagnies pharmaceutiques sont en train de mettre au point des combinaisons de médicaments qui pourraient convenir au retraitement des personnes dont le régime d'AAD initial a échoué. Une des combinaisons expérimentales est fabriquée par Gilead Sciences et consiste en les médicaments suivants en un seul comprimé :
- sofosbuvir : 400 mg
- velpatasvir : 100 mg
- voxilaprévir (anciennement GS-9857) : 100 mg
Comme le nom de marque de ce trio n'est pas encore connu, nous utilisons ici l'abréviation sof-vel-vox.
À en croire les résultats d'essais cliniques bien conçus menés auprès de personnes dont le régime anti-VHC précédent avait échoué, il semble que ce trio de médicaments soit efficace contre une large gamme de génotypes lorsqu'elle est prise une fois par jour pendant 12 semaines consécutives, les taux de guérison allant de 96 % à 98 %. Les effets indésirables couramment signalés ont inclus maux de tête, fatigue, diarrhées et nausées.
On s'attend à ce que ce trio de médicaments soit homologué au Canada d'ici la fin de l'été 2017.
Détails de l'étude
Des chercheurs du Canada, d'Europe occidentale, de Nouvelle-Zélande, d'Australie et des États-Unis ont recruté des participants pour un essai portant le nom de Polaris-1. Pour cette étude, les participants ont été répartis au hasard pour recevoir un des traitements quotidiens suivants :
- sof-vel-vox : 263 participants
- placebo : 152 participants
Lors de leur admission à l'étude, les participants avaient le profil moyen suivant :
- 80 % d'hommes, 20 % de femmes
- âge : fin cinquantaine
- cicatrisation grave du foie : 40 % des participants
- charge virale en VHC : 2 millions d'UI/ml
- génotypes : le plus courant était le génotype 1 (60 %), suivi du génotype 3 (30 %); des proportions plus faibles de participants avaient les génotypes 2, 4, 5 ou 6
- 67 % des participants avaient suivi dans le passé un traitement comportant des médicaments différents
- environ 50 % des participants avaient utilisé auparavant un inhibiteur de la NS5A en combinaison avec un inhibiteur de la NS5B
- la plupart des participants traités (80 %) avaient vécu une rechute de l'infection au VHC sous l'effet de leur régime précédent
Les participants ont fait l'objet d'analyses de laboratoire et d'évaluations cliniques exhaustives avant, pendant et après le traitement.
Résultats : vue d'ensemble
Douze semaines après la cessation de la prise des comprimés, les taux de guérison étaient les suivants :
- sof-vel-vox : 96 % avaient guéri
- placebo : 0 %
La plupart des personnes guéries par le trio sof-vel-vox (253 participants sur 263) sont retournées 24 semaines après la fin du traitement pour passer des tests sanguins qui ont de nouveau révélé qu'elles étaient guéries.
Résultats : accent sur les sous-groupes
Il est possible de subdiviser le génotype 1 en différentes souches ou génotypes, tels que le 1a et le 1b. En général, de ces deux souches, le sous-type 1a ne répond pas bien au traitement. Voici les taux de guérison obtenus selon le génotype :
- 1a : 96 %
- 1b : 100 %
Résultats : accent sur la cirrhose
Lors des essais cliniques menés dans le passé sur les AAD plus anciens auprès de personnes présentant une cicatrisation étendue du foie, des cas d'échec thérapeutique se sont produits. L'étude Polaris-1 incluait des participants atteints de cirrhose, mais aucun d'entre eux n'éprouvait les symptômes graves qui peuvent accompagner cette maladie. Lors de la présente étude, les taux de guérison ont été les suivants :
- aucune cirrhose : 99 %
- présence de cirrhose : 93 %
Résultats : accent sur la résistance préexistante
L'équipe de Polaris-1 disposait de données sur la résistance virale recueillies auprès de 248 participants traités par le trio sof-vel-vox. Les chercheurs ont constaté que, au début de l'étude, 205 (83 %) de ces personnes avaient une souche du VHC qui était résistante à des inhibiteurs de la NS3 ou de la NS5A précédemment utilisés. La plupart de ces participants (97 %) ont guéri après avoir suivi leur traitement par sof-vel-vox. Cela se compare au taux de guérison de 98 % obtenu auprès des personnes qui n'avaient pas de telles résistances virales lors de leur admission à l'étude.
Résultats : questions d'innocuité
En général, la combinaison sof-vel-vox a été bien tolérée par les participants.
Le terme effets indésirables est utilisé par les chercheurs pour décrire des événements malheureux qui se produisent durant un essai clinique. Il peut s'agir de problèmes et de symptômes qui surviennent à cause de l'exposition au traitement (effets secondaires) et/ou du processus pathologique sous-jacent ou encore de facteurs n'ayant rien à voir avec l'essai clinique, tels que des accidents, des blessures ou d'autres traumatismes.
Voici la répartition globale des effets indésirables signalés par les participants :
- sof-vel-vox : 78 %
- placebo : 70 %
Les effets indésirables les plus courants signalés par les participants recevant le trio sof-vel-vox ont été les suivants :
- maux de tête : 25 %
- fatigue : 21 %
- diarrhées : 18 %
- nausées : 14 %
Les effets indésirables les plus courants signalés par les participants recevant le placebo ont été les suivants :
- fatigue : 20 %
- maux de tête : 17 %
- diarrhées : 12 %
- étourdissements : 9 %
À en juger par les symptômes signalés, il est probable que certains effets indésirables étaient attribuables au processus pathologique sous-jacent, alors que d'autres étaient causés par les médicaments. À titre d'exemple, notons que certains des symptômes suivants étaient liés à l'exposition aux médicaments à l'étude :
- maux de tête
- fatigue
- diarrhées
Des effets secondaires semblables ont été observés sous l'effet d'autres combinaisons de médicaments anti-VHC. Les effets secondaires sont habituellement temporaires et s'estompent après plusieurs semaines ou, au pire des cas, après la cessation du traitement.
Des effets indésirables classés comme graves ne se sont produits que chez sept personnes (2 %) traités par le trio sof-vel-vox. Des effets indésirables graves se sont également produits chez sept personnes du groupe placebo.
Résultats des tests de laboratoire
Les résultats très anormaux aux tests de laboratoire ont été peu courants durant cette étude et n'ont concerné que 7 % des participants traités par sof-vel-vox. Notons qu'un total de 14 % des participants du groupe placebo ont reçu des résultats de laboratoire anormaux semblables. Les tests sanguins anormaux ou très anormaux se rapportaient aux mesures des substances suivantes :
- créatine kinase (un taux élevé de cette enzyme peut laisser soupçonner des dommages musculaires)
- glycémie (un taux élevé de sucre sanguin persistant peut indiquer l'émergence d'un pré-diabète ou l'aggravation d'un diabète existant)
- lipase (un taux élevé de cette enzyme peut laisser soupçonner une inflammation du pancréas)
Malgré ces résultats de laboratoire, aucun participant n'a éprouvé de symptômes liés aux problèmes typiquement associés à ces tests.
Points à retenir
Dans l'ensemble, les résultats de Polaris-1 révèlent que la combinaison sof-vel-vox est hautement efficace pour guérir les personnes atteintes du VHC chronique dont le régime antérieur a échoué. Dans cet essai clinique et d'autres, le trio sof-vel-vox a été efficace contre une gamme de génotypes différents chez la vaste majorité des personnes qui ont reçu cette combinaison.
Cette étude compte plusieurs limitations, comme suit :
Seule une faible proportion des participants avaient été traités par les AAD les plus récents, tels que Zepatier (combinaison à doses fixes d'elbasvir et de grazoprévir) ou Epclusa (combinaison à doses fixes de sofosbuvir et de velpatasvir). Pour cette raison, il n'est pas clair dans quelle mesure le trio sof-vel-vox serait efficace contre les souches du VHC ayant acquis une résistance à ces médicaments.
Certaines populations ont été exclues de cette étude, notamment les personnes co-infectées par le VIH ou le virus de l'hépatite B et les personnes éprouvant des symptômes de la cirrhose. Alors il n'est pas clair dans quelle mesure le trio sof-vel-vox serait efficace chez ces populations.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Bourlière M, Gordon SC, Flamm SL, et al. Sofosbuvir, velpatasvir, and voxilaprevir for previously treated HCV infection. New England Journal of Medicine. 2017; in press.