Biktarvy chez les femmes séropositives
Biktarvy est un nouveau régime thérapeutique en un seul comprimé qui contient les médicaments anti-VIH suivants :
- bictégravir : 50 mg
- TAF (ténofovir alafénamide) : 25 mg
- FTC (emtricitabine) : 200 mg
De ces trois médicaments, le bictégravir est nouveau. Il appartient à une classe de médicaments appelés inhibiteurs de l’intégrase. Les principales lignes directrices des pays à revenu élevé recommandent de commencer le traitement du VIH par une combinaison incluant un inhibiteur de l’intégrase parce que ces médicaments sont généralement bien tolérés et très efficaces. Les combinaisons à base d’inhibiteurs de l’intégrase sont également recommandées pour les traitements de deuxième intention.
Au cours des huit dernières années, la plupart des essais cliniques clés (phase III) sur les inhibiteurs de l’intégrase n’ont pas inclus de grandes proportions de femmes séropositives. Les compagnies pharmaceutiques ont conséquemment mené des essais cliniques auxquels elles ont inscrit exclusivement des femmes afin de leur donner une combinaison de traitements fondée sur un inhibiteur de l’intégrase.
Pour un essai clinique mené sous l’égide de la compagnie Gilead Sciences, fabricant de Biktarvy, des chercheurs dans plusieurs pays ont recruté 470 femmes qui prenaient un traitement anti-VIH (TAR) et qui avaient une charge virale supprimée (moins de 50 copies/ml). Les chercheurs ont réparti au hasard les participantes soit pour continuer à prendre leur régime en cours soit pour remplacer ce dernier par Biktarvy. Après 48 semaines, l’étude a révélé que Biktarvy était aussi efficace et aussi bien toléré que les autres régimes des participantes. Les taux d’effets secondaires ont été relativement faibles parmi les femmes recevant Biktarvy. Les chercheurs ont recensé un faible nombre de grossesses sans aucun impact négatif apparent de Biktarvy sur le bébé. Des études de plus grande envergure seront toutefois nécessaires avant que les chercheurs puissent affirmer avec certitude que Biktarvy est sans danger durant la grossesse.
Détails de l’étude
Des chercheurs dans plusieurs pays ont recruté des femmes pour cette étude (les pays sont énumérés dans l’ordre décroissant selon le nombre de femmes inscrites) :
- Ouganda
- Fédération russe
- Thaïlande
- États-Unis
- République dominicaine
Les femmes avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :
- âge : 40 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : Noirs : 37 %; Blancs : 36 %; Asiatiques : 21 %; Hispaniques : 16 %
- compte de CD4+ : 700 cellules/mm3
- 90 % des femmes n’avaient aucun symptôme de l’infection au VIH
- DFGe (débit de filtration glomérulaire, une mesure générale de la santé rénale) : 100 ml/min
La plupart des participantes (95 %) prenaient un des régimes suivants offerts dans un seul comprimé :
- Genvoya (elvitégravir + cobicistat + TAF + FTC)
- Stribild (elvitégravir + cobicistat + TDF + FTC)
TDF (disoproxil fumarate de ténofovir) est l’ancienne formulation du ténofovir qui peut causer des lésions rénales et l’amincissement des os chez certaines personnes. TAF est la formulation plus récente du ténofovir qui est généralement plus sûre.
Résultats
À la 48e semaine de l’étude, les proportions de participants ayant une charge virale indétectable (moins de 50 copies/ml) étaient les suivantes :
- Biktarvy : 96 %
- autres régimes : 95 %
L’analyse statistique a révélé que l’efficacité de Biktarvy était semblable à celle des autres régimes. Le terme technique pour désigner cette équivalence est « non inférieur ».
Aucun des participants n’a acquis de résistance aux médicaments présents dans Biktarvy.
Trois femmes ont cessé de prendre Biktarvy; elles ont quitté l’étude et remplacé ce régime par un autre.
Effets indésirables
Dans les essais cliniques, le terme effet indésirable est utilisé pour décrire les événements malheureux qui risquent de se produire. Certains d’entre eux sont attribuables au processus pathologique sous-jacent, d’autres aux médicaments à l’étude et d’autres encore n’ont rien à voir avec l’essai clinique.
Grossesse
Selon le protocole de l’étude, les femmes qui tombaient enceintes pendant qu’elles prenaient Biktarvy étaient censées quitter l’étude et remplacer leur régime par un traitement choisi par leur médecin. Les femmes qui ne prenaient pas Biktarvy et qui tombaient enceintes durant l’étude recevaient un régime choisi par les chercheurs responsables de l’étude.
Les grossesses ont eu les résultats suivants durant l’étude :
- Biktarvy : cinq grossesses (une naissance vivante, deux avortements, deux aboutissements non documentés)
- autres régimes : sept grossesses (deux naissances vivantes, deux fausses couches, une grossesse toujours en cours, deux aboutissements non documentés)
Aucune anomalie congénitale n’a été signalée dans les deux groupes. Notons toutefois que cette étude n’avait pas été conçue pour évaluer l’innocuité de Biktarvy pendant et après la grossesse. De nombreuses années seront nécessaires pour accumuler des données sur l’innocuité de Biktarvy pendant la grossesse. Les données en question seront recueillies à l’aide de rapports de cas et d’autres études.
Les reins
Aucune différence significative n’a été constatée entre les différents régimes en ce qui concerne les mesures du DFGe. D’autres évaluations plus complexes de la santé rénale n’ont révélé que des améliorations modestes, particulièrement chez les femmes qui avaient pris antérieurement l’ancienne formulation du ténofovir (TDF) et qui l’avaient remplacée par TAF (ingrédient de Biktarvy) lors de leur admission à cette étude.
Autres effets indésirables
La plupart des effets indésirables signalés dans cette étude ont été d’intensité légère à modérée. Les effets indésirables que l’on a attribués aux médicaments utilisés dans cette étude incluaient les suivants :
- Biktarvy – deux cas d’anémie; deux cas de nausées et de vomissements; un cas de chacun des effets indésirables suivants : maux de tête; somnolence durant la journée, diarrhées, diabète de type 2, prédiabète, anxiété, problèmes de sommeil et « trouble émotionnel » non spécifié
- autres régimes – un cas de chacun des effets indésirables suivants : taux supérieur à la normale du produit de déchets bilirubine dans le sang, dépression et douleurs osseuses/articulaires
Une personne utilisant le régime Biktarvy est morte durant l’étude. Son décès était attribuable aux complications d’une grippe grave.
À retenir
Les résultats de cette étude laissent croire que Biktarvy est généralement sans danger pour les femmes séropositives. Toutefois, des études plus grandes seront nécessaires pour évaluer l’innocuité de Biktarvy chez les femmes enceintes. Plusieurs années pourraient être nécessaires pour accumuler de telles données parce que Biktarvy est nouveau, et les femmes séropositives pourraient hésiter à utiliser ce régime en un seul comprimé à cause de leurs préoccupations concernant le risque éventuel d’effets nuisibles sur le fœtus.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Kityo C. Hagins D, Koenig K, et al. Switching to bictegravir/emtricitabine/tenofovir alafenamide in women. Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, 4-7 March 2018. Boston, Massachusetts. Abstract 500.