Le VIH, la survie et la santé mentale et émotionnelle
L’épidémie du VIH est associée depuis toujours à l’apparition de profonds problèmes émotionnels. Entre autres, cela est attribuable à la façon dont le nouveau syndrome appelé sida a fait son entrée dans les pays à revenu élevé au début des années 1980 — soudainement et mystérieusement, d’étranges infections potentiellement mortelles commençaient à apparaître chez de jeunes hommes précédemment en bonne santé, dont un grand nombre d’hommes gais ou bisexuels. Des cas se sont rapidement produits chez des personnes qui s’injectaient des drogues et, plus tard, chez d’autres populations. Déjà méprisées par la société au sens large et, dans le cas des hommes gais, luttant contre la restriction de leurs droits, les communautés touchées ne pouvaient guère résoudre le problème d’une épidémie émergente toutes seules. L’arrivée du sida s’est largement heurtée à l’indifférence des gouvernements partout dans le monde, et les communautés touchées par la nouvelle épidémie éprouvaient un profond sentiment d’isolement et d’abandon.
L’association apparemment inévitable entre le sida et la mort et l’incertitude initiale concernant les personnes à risque et les modes de propagation précis du nouveau syndrome étaient suffisamment troublantes pour provoquer une gamme d’émotions compréhensibles chez les personnes atteintes du sida, dont l’anxiété, la peur, le désespoir et la dépression. La peur a aussi déclenché des réactions d’un autre ordre chez certains membres du public, comme la panique, l’hystérie et la haine.
Témoin de l’impact de l’arrivée de la pandémie du VIH, le médecin américain Richard Glass laissait entendre que « l’intensité des réponses émotionnelles au sida serait due en partie à ses liens avec deux expériences figurant parmi les plus puissantes de la vie — le sexe et la mort ».
Au mieux, la réponse initiale au sida des autorités de la santé en 1980 et 1981 était indifférente, comparativement aux réactions provoquées à la même époque par la maladie du légionnaire, le syndrome de choc toxique et d’autres problèmes de santé publique. L’indifférence des gouvernements et des institutions a provoqué la stupéfaction et la colère de nombreux citoyens et les a incités à créer le mouvement de lutte contre le sida. Grâce à ce dernier, les communautés et les scientifiques se sont mobilisés pour trouver des moyens de répondre aux besoins des personnes vivant avec le VIH en matière de santé et de recherche.
Accent sur le cerveau
Au milieu des années 1980, les chercheurs et les médecins ont réussi à mieux comprendre l’impact que le VIH exerçait sur le cerveau. Pour eux, il était probable que ce virus était à l’origine des effets parfois subtils, parfois graves qui se produisaient dans le cerveau des personnes séropositives. L’impact du virus pouvait causer des changements d’humeur et de personnalité, en plus de perturber la mémoire et la capacité de penser clairement.
Changement énorme pour le mieux
En 1996, des combinaisons puissantes de médicaments anti-VIH (couramment appelés thérapies antirétrovirales ou TAR) ont vu le jour dans les pays à revenu élevé, et les chances de survivre plus longtemps en bonne santé avec le VIH se sont considérablement améliorées. La puissance de la TAR est telle que les chercheurs estiment que les jeunes adultes qui contractent le VIH aujourd’hui et qui commencent sans tarder le traitement ont des chances de vivre jusqu’à l’âge de 80 ans ou plus, pourvu qu’ils s’impliquent dans leurs soins et qu’ils n’aient pas d’autre problème de santé non diagnostiqué ou mal traité (tel qu’une grave co-infection par un microbe nuisant au foie, une dépendance ou un grave problème de santé mentale ou émotionnelle).
La santé mentale et émotionnelle et la stigmatisation
Bien que la TAR soit disponible dans les pays à revenu élevé et que le risque global de mortalité due aux infections liées au sida ait considérablement diminué, certaines personnes séropositives, même parmi celles qui suivent fidèlement leur traitement et dont le compte de CD4+ augmente significativement, font face à des défis en ce qui concerne leur bien-être émotionnel. De nombreuses personnes séropositives qui ont survécu à la première vague du sida dans les années 80 et 90 ont encore des problèmes non résolus, dont le fardeau émotionnel causé par la perte d’amis et d’êtres chers. Nombre de difficultés peuvent se produire, dont la culpabilité du survivant et le trouble de stress post-traumatique. De plus, comme la TAR permet aux gens d’atteindre un âge plus avancé, ils risquent de voir leur réseau d’amis s’amenuiser graduellement et de se retrouver seuls et isolés, ce qui peut déclencher la dépression. Toujours bien répandue, la stigmatisation du VIH impose un fardeau psychologique additionnel aux personnes atteintes, et nombre d’entre elles ne peuvent le supporter sans un soutien adéquat. En outre, comme les problèmes de santé mentale et émotionnelle sont stigmatisés dans la société au sens large, les personnes séropositives touchées peuvent avoir de la difficulté à reconnaître les perturbations de leur santé mentale et à chercher de l’aide pour soulager la détresse causée par les problèmes émotionnels. Les personnes séropositives qui utilisent des drogues (injectées ou non injectées) ont également des besoins particuliers en matière de santé mentale.
Sexe
La recherche porte à croire que certaines femmes vivant avec le VIH de nos jours courent un risque accru de dépression et d’anxiété. Les raisons sont parfois d’ordre psychosocial et parfois d’ordre biologique; dans certains cas, un mélange de facteurs est en jeu. En voici quelques exemples :
- Une équipe de recherche albertaine a déterminé que les femmes séropositives qui étaient victimes de violence couraient un risque accru de dépression et de mauvaise santé.
- Une équipe américaine a trouvé que certaines femmes séropositives étaient plus à risque de souffrir d’anxiété que les femmes séronégatives.
- Des chercheurs en Colombie-Britannique ont trouvé que certaines femmes séropositives, particulièrement celles des communautés marginalisées, ne recevaient pas de soins de qualité.
- Des chercheurs ontariens ont découvert que certaines femmes séropositives étaient plus susceptibles de vivre des épisodes de dépression intense que les hommes séropositifs.
Un changement pour le mieux
Les chances de vivre longtemps en bonne santé n’ont jamais été meilleures pour les personnes vivant avec le VIH. Les personnes séropositives (et celles courant un risque élevé de contracter le VIH) ont besoin d’examens et de dépistages psychologiques réguliers pour assurer leur bonne santé mentale et émotionnelle. La détection des problèmes de santé mentale est le premier pas menant au renforcement de la capacité des patients à comprendre, à s’adapter et à vaincre les problèmes qui peuvent surgir dans la vie.
Dans ce numéro de TraitementSida, nous continuons d’explorer les enjeux liés au fonctionnement du cerveau, ainsi que quelques préoccupations de santé mentale et émotionnelle mentionnées dans TraitementSida 203.
—Sean R. Hosein
Ressources
Le VIH et le bien-être émotionnel – Guide de CATIE sur comment les personnes vivant avec le VIH peuvent cultiver leur bien-être émotionnel
Association canadienne pour la santé mentale
Renforcer le cerveau vieillissant – TraitementSida
Bon pour le cerveau — conseils des neuroscientifiques – TraitementSida
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