On établit un registre international des cas de VIH et de COVID-19

Dans une tentative d’évaluer l’impact de la COVID-19 sur les personnes séropositives, une équipe de chercheurs des États-Unis, d’Espagne et de Singapour ont regroupé des données relatives à la santé. Les chercheurs ont identifié 286 personnes atteintes à la fois du VIH et de la COVID-19 dans leurs bases de données. Environ 94 % d’entre elles suivaient un traitement antirétroviral (TAR) au moment du diagnostic de COVID-19. Sur 286 personnes, près de 60 % ont été hospitalisées dans les 30 jours suivant le diagnostic de COVID-19, et près de 9 % d’entre elles sont décédées subséquemment. Ces chiffres semblent élevés, mais il faut les interpréter avec prudence. Ainsi, nos lecteurs ne devraient pas supposer qu’une proportion aussi élevée de personnes séropositives atteintes de COVID-19 seraient hospitalisées et mourraient dans d’autres contextes. En effet, des études menées aux États-Unis et dans d’autres pays n’ont pas révélé de taux d’hospitalisation et de mortalité aussi élevés parmi les personnes séropositives souffrant de COVID-19.

Recevez TraitementActualités dans votre boîte de réception :

Détails de l’étude

Les participants ont été recrutés entre le 1er avril et le 1er juillet 2020 dans trois pays à revenu élevé. Ils avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :

  • âge : 51 ans
  • 75 % d’hommes, 25 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : Noirs – 48 %; Hispaniques – 28 %; Blancs – 17 %, Asiatiques/autres – 8 % (la somme des chiffres n’est pas 100 parce qu’ils ont été arrondis)
  • la plupart vivaient avec le VIH depuis plus de cinq ans
  • compte CD4+ : 531 cellules/mm3
  • proportion ayant une charge virale supprimée : 89 %
  • la plupart des personnes sous TAR (61 %) suivaient un régime fondé sur un inhibiteur de l’intégrase, en combinaison avec deux analogues nucléosidiques; d’autres personnes suivaient un régime fondé sur un analogue non nucléosidique (INTI) ou un inhibiteur de la protéase
  • la majorité des personnes (90 %) vivaient aux États-Unis

De nombreuses personnes souffraient d’affections médicales sous-jacentes, également appelées comorbidités :

  • obésité : 32 %
  • diabète : 21 %
  • maladie pulmonaire chronique (y compris l’asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique) : 17 %
  • insuffisance rénale chronique : 17 %
  • maladie cardiovasculaire : 11 %
  • insuffisance hépatique chronique : 10 %
  • cancer actif : 5 %

Environ 38 % des participants fumaient du tabac.

Seulement 14 % des participants n’avaient pas de comorbidité.

Symptômes de la COVID-19

Les symptômes suivants couramment associés à la COVID-19 se sont manifestés dans les 72 heures suivant le test de dépistage positif :

  • toux
  • fièvre
  • fatigue

Les personnes qui n’ont pas été hospitalisées avaient tendance à présenter les symptômes suivants :

  • mal de gorge
  • congestion nasale
  • maux de tête

Environ 60 % des personnes ont été hospitalisées et, selon les chercheurs, elles étaient plus susceptibles d’éprouver les symptômes suivants :

  • fièvre
  • fatigue
  • difficulté à respirer
  • symptômes gastro-intestinaux
  • « altération de l’état mental »

Chez la plupart des personnes hospitalisées, les radiographies thoraciques ou les examens tomodensitométriques ont révélé des anomalies.

Accent sur l’hospitalisation

Dans l’ensemble, 164 personnes ont été hospitalisées, dont 29 % dans un service de soins intensifs. Après l’admission aux soins intensifs, 23 % des personnes ont eu besoin de ventilation mécanique. Vingt-sept personnes hospitalisées (17 %) sont mortes dans les huit à 24 jours suivant leur test positif au SRAS-CoV-2.

Compte tenu de nombreux facteurs, les personnes présentant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes étaient plus susceptibles d’être hospitalisées :

  • âge avancé
  • faible compte de CD4+
  • insuffisance rénale chronique
  • maladie pulmonaire chronique

Résultats graves

Les médecins ont défini comme « résultat grave » tout événement suivant : l’admission aux soins intensifs, la nécessité de ventilation mécanique ou la mort.

Au total, 18 % des participants ont connu un tel résultat. Notons aussi que les résultats graves ont été plus courants parmi les personnes hospitalisées (31 %).

Selon les chercheurs, la présence de l’un des facteurs suivants ou de plusieurs étaient associée de façon significative à un résultat grave :

  • âge avancé
  • faible compte de CD4+
  • maladie pulmonaire chronique
  • hypertension
  • présence de plus d’une comorbidité

Survie

À la lumière des données portant sur 47 personnes admises aux soins intensifs et 27 personnes décédées durant cette étude, les chercheurs ont laissé entendre que le compte de CD4+ pourrait avoir une incidence sur des résultats importants, notamment l’admission aux soins intensifs et la survie. La logique intuitive de cette suggestion est claire parce que, en général, les personnes séropositives ayant un compte de CD4+ élevé sont en meilleure santé globalement que les personnes ayant un compte plus faible. De fait, une analyse a révélé que les personnes comptant moins de 200 cellules CD4+ étaient plus susceptibles d’être admises aux soins intensifs ou de mourir subséquemment que les personnes ayant plus de 500 cellules CD4+.

À retenir

Cette étude a permis de constater que les symptômes de la COVID-19 chez les personnes séropositives ressemblent aux symptômes signalés à propos des personnes séronégatives.

Selon les chercheurs, les personnes de couleur, et plus particulièrement les Noirs et les Hispaniques, étaient plus à risque d’éprouver des symptômes graves de la COVID-19. Il reste que la race ou l’ethnie n’ont pas été reconnues comme des facteurs contribuant à une évolution défavorable de la COVID-19 dans cette étude.

Il semble que les personnes séropositives atteintes de COVID-19 affichent des taux d’affections sous-jacentes relativement élevés. Notons que ces affections sont un facteur de risque d’hospitalisation, autant pour les personnes séronégatives que pour les personnes séropositives.

« À la lumière de nos analyses, les taux d’admission aux soins intensifs, l’usage de ventilateurs mécaniques et la mortalité chez [les personnes séropositives atteintes de COVID-19] étaient comparables aux données générales se rapportant aux États-Unis », ont précisé les chercheurs.

L’infection au VIH non traitée ne s’est pas révélée un facteur de risque de symptômes graves de la COVID-19. Selon les chercheurs, ce résultat tiendrait au fait que la proportion de personnes non traitées était relativement faible et, par conséquent, sans signification statistique.

Dans la présente étude, on a trouvé qu’un faible compte de CD4+ (moins de 200 cellules) était un facteur de risque de mauvais résultats. Bien que l’on ait déploré quelques décès parmi les personnes ayant plus de 200 cellules CD4+/mm3, la plupart des personnes décédées avaient moins de 200 cellules CD4+.

À l’instar de presque toutes les études menées depuis le début de la pandémie du coronavirus, il manque des données ici. Par exemple, il aurait été utile d’évaluer le nadir du compte de cellules CD4+ (le plus faible compte depuis toujours) parce qu’on aurait pu utiliser cette information pour estimer l’ampleur des dommages immunologiques antérieurs. La détermination du rapport CD4/CD8 des patients aurait été utile aussi. Rappelons qu’un rapport normal se situe à 1,0 au minimum. Un rapport plus faible, phénomène relativement courant même chez les utilisateurs du TAR, laisse soupçonner une faiblesse immunologique. Ces données manquantes auraient pu aider les chercheurs à mieux comprendre l’impact immunologique de la COVID-19 chez les personnes vivant avec le VIH.

Voici quelques autres informations que les chercheurs n’ont pas glanées :

  • cause précise des décès
  • données socioéconomiques
  • toute comparaison formelle avec des personnes séronégatives atteintes de COVID-19

Malgré ces mises en garde, la présente étude brosse le portrait de ce qui s’est passé chez certaines personnes séropositives hospitalisées pour la COVID-19, surtout aux États-Unis. Il sera intéressant de voir les données plus nombreuses d’études futures à mesure que la pandémie suivra son cours.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Dandachi D, Geiger G, Montgomery MW, et al; HIV-COVID-19 consortium. Characteristics, comorbidities, and outcomes in a multicenter registry of patients with HIV and coronavirus disease-19. Clinical Infectious Diseases. 2020; sous presse.