L’ARN messager : une approche novatrice en matière de vaccins contre la COVID-19

À la fin de 2019, le nouveau coronavirus SRAS-CoV-2 est apparu en Asie orientale puis s’est propagé rapidement dans le reste du monde. Chez certaines personnes, ce virus provoquait une affection appelée maladie à coronavirus 19 (COVID-19) qui nécessitait l’hospitalisation. Face à l’évidence que des vaccins seraient nécessaires pour combattre ce virus qui menaçait la planète, des chercheurs, décideurs politiques et compagnies pharmaceutiques ont entrepris de créer, d’éprouver et de fabriquer des vaccins contre le SRAS-CoV-2. Nous explorons certains de ces vaccins dans ce numéro de TraitementActualités.

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L’ARN messager

Les deux premiers vaccins approuvés au Canada, aux États-Unis et dans plusieurs autres pays à revenu élevé sont fabriqués par les compagnies pharmaceutiques Moderna et Pfizer-BioNTech.

Les chercheurs affiliés à ces compagnies ont employé une technologie appelée ARN messager (ARNm) que l’on n’avait pas utilisée pour les vaccins auparavant. Ce genre d’ARN encode les instructions nécessaires à la fabrication d’une protéine essentielle du SRAS-CoV-2. Lorsqu’une solution contenant de l’ARNm est injectée dans des animaux ou des humains, les cellules absorbent l’ARNm et se mettent à fabriquer des protéines du SRAS-CoV-2. Ces protéines virales entrent dans la circulation, où elles se font remarquer par des cellules du système immunitaire. Ces cellules capturent les protéines virales et les transportent vers les ganglions lymphatiques et les tissus lymphoïdes. Une fois rendues, les protéines virales sont exposées à de nombreuses cellules du système immunitaire.

Ensuite, un groupe de cellules immunitaires appelées cellules B se mettent à produire des anticorps contre les protéines virales. Les cellules T, et plus particulièrement les cellules CD8+, apprennent à reconnaître les protéines et à produire des substances antivirales en guise de réponse. Le système immunitaire fabrique ensuite de nombreuses copies de ces cellules B et T, dont certaines quittent les ganglions et tissus lymphatiques et entrent dans la circulation. Lorsqu’elles rencontreront le SRAS-CoV-2 à l’avenir, ces cellules B et T pourront le combattre avec des anticorps et des substances antivirales et réduire ainsi considérablement le risque de tomber malade de la COVID-19.

Lors des essais cliniques menés auprès de dizaines de milliers de volontaires, les résultats obtenus avec les vaccins à ARNm ont été très étonnants. Dans l’ensemble, après deux injections, les vaccins ont réduit le risque de COVID-19 de 95 %. Le fait que les chercheurs aient réussi à créer des vaccins très efficaces contre un nouveau microbe en moins d’un an est sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Des obstacles à prévoir

Malgré ce succès, il reste beaucoup de travail à faire dans le domaine des vaccins anti-SRAS-CoV-2. À l’heure actuelle, aucune compagnie pharmaceutique ne possède à elle seule la capacité de fabrication pour produire tous les vaccins nécessaires à une région comme l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale ou l’Asie orientale. Il est donc probable qu’il faudra utiliser plus d’un vaccin dans ces régions, où certains recevront le vaccin de Moderna et d’autres celui de Pfizer-BioNTech, par exemple.

Étant donné l’insuffisance de la fabrication par rapport à l’immense demande mondiale, le déploiement des vaccins à ARNm sera cahoteux, et les retards et les ruptures de stock temporaires seront inévitables. Il se pourrait donc que la majorité de la population des régions nommées ci-dessus ne soit pas vaccinée avant la deuxième moitié de 2021.

De nombreuses incertitudes

Les études indiquent que les vaccins sont généralement sûrs et très efficaces, mais il reste des incertitudes par rapport aux questions suivantes :

La surveillance de l’innocuité

Les vaccins à ARNm sont généralement sans danger, mais des réactions allergiques graves très rares se sont produites. Nous parlons davantage de l’innocuité des vaccins plus loin dans ce numéro de TraitementActualités. Les fabricants des vaccins et les agences de réglementation suivent de près le déploiement des vaccins afin de déterminer si d’autres risques existent.

Pendant combien de temps la protection conférée par les vaccins va-t-elle durer?

En raison de l’urgence de santé publique causée par la pandémie mondiale, les essais cliniques des vaccins n’ont duré que deux ou trois mois avant l’homologation. Par conséquent, personne ne sait pendant combien de temps la protection va se maintenir. Moderna et Pfizer-BioNTech continueront de suivre des milliers de personnes vaccinées pendant plusieurs années afin d’en apprendre plus sur la durée de la protection.

Quels sont les éléments de la réponse protectrice contre le virus?

Il est probable que le système immunitaire a besoin d’une combinaison d’anticorps et de réponses par les cellules T pour combattre efficacement le virus. Pour le moment, on ignore quel équilibre relatif de ces deux éléments du système immunitaire est nécessaire pour prévenir la COVID-19. Est-ce que les anticorps sont plus importants que les réponses lancées par les cellules T, ou vice versa?

Après la vaccination, il est normal que le nombre d’anticorps et de cellules T antivirales diminue dans le sang. Ce déclin ne veut pas dire nécessairement que l’organisme ne soit plus protégé contre le SRAS-CoV-2. Dans le cas de nombreuses autres infections, nous savons que des cellules qui vivent longtemps et qui savent produire des anticorps et des substances virales contre un microbe particulier persistent en faible quantité dans la circulation ou les ganglions lymphatiques. On appelle les cellules de ce genre des cellules B ou T à mémoire. Dans le cas du SRAS-CoV-2, lorsque l’organisme d’une personne vaccinée rencontrera ce virus à l’avenir, ses cellules à mémoire seront activées et reproduites à des milliards d’exemplaires. Ces nouvelles cellules à mémoire produiront alors des anticorps et des substances antivirales en quantité suffisante pour réduire le risque de COVID-19. Hélas, à l’heure actuelle, personne n’est certain pendant combien de temps cette mémoire immunologique restera efficace.

Un virus changeant

Tous les virus finissent par muter, ce qui veut dire changer. Ils modifient subtilement leur forme ou leur structure ou encore la nature des protéines qu’ils produisent. Les mutations résultent d’erreurs de fabrication ou de réplication virale commises par des cellules infectées. Certaines mutations confèrent un avantage au virus : soit le système immunitaire a de la difficulté à le reconnaître, soit la réponse antivirale (déploiement d’anticorps et de signaux chimiques antiviraux) perd de son efficacité habituelle, sinon les deux. Les mutations qui confèrent un avantage au virus ont tendance à se reproduire dans les copies futures du virus.

L’aboutissement du conflit entre le virus et la réponse immunitaire repose sur le genre et le nombre de mutations. Une mutation légère n’aura vraisemblablement pas d’impact appréciable sur la réponse immunitaire. En revanche, les mutations qui causent des changements importants dans la structure du virus ou qui rehaussent la puissance de certaines protéines virales pourraient aider le virus à éluder les anticorps et/ou les cellules T.

Les vaccins à ARNm fabriqués par Moderna et Pfizer-BioNTech sont conçus pour inciter des cellules de l’organisme à produire des protéines virales sous une forme qui permet vraisemblablement au système immunitaire de les reconnaître plus facilement. Cela veut dire que, dans certains cas, les mutations virales devraient rester vulnérables aux anticorps et aux cellules T dont les vaccins ont stimulé la production.

Depuis sa découverte, le SRAS-CoV-2 semble subir des mutations de temps en temps. Certains variants du virus, notamment celui appelé B117, découvert en premier au Royaume-Uni, peuvent se propager plus rapidement (ils sont plus infectieux) que la version originale du virus. D’autres variants préoccupants ont été découverts au Brésil, en Afrique du Sud, aux États-Unis et dans d’autres pays. Il faudra mener des expériences de laboratoire sur des cellules, et peut-être des animaux, pour déterminer si les vaccins anti-COVID-19 pourront déclencher une réponse protectrice et durable contre ces variants.

Comme d’autres variants du SRAS-CoV-2 vont sans doute apparaître à l’avenir, les laboratoires de santé publique doivent continuer à surveiller les variants viraux qui circulent, et les compagnies pharmaceutiques doivent s’apprêter à améliorer les vaccins existants ou encore à en créer des nouveaux selon les besoins.

Avec ou sans symptômes

Les essais cliniques des vaccins de première génération contre le SRAS-CoV-2 ont été conçus pour évaluer la capacité des vaccins à prévenir les symptômes de la maladie causée par ce virus, soit la COVID-19. Ces essais n’ont pas été conçus pour déterminer si les vaccins prévenaient l’infection par le SRAS-CoV-2. Voilà une distinction importante. Avant l’arrivée des vaccins, les chercheurs estimaient que 40 % à 50 % des personnes qui contractaient ce virus n’en présentaient aucun symptôme. Il reste donc de la recherche à faire pour déterminer si les vaccins à ARNm et d’autres vaccins éventuels pourront prévenir l’infection par le SRAS-CoV-2.

—Sean R. Hosein

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