Fluvoxamine : historique et description d’une étude préliminaire
Depuis au moins 20 ans, des scientifiques s’intéressent à l’interaction entre l’inflammation, la dépression et les effets des antidépresseurs. Certaines recherches portent à croire que l’inflammation excessive peut contribuer à de nombreuses affections chroniques, dont la dépression.
Les antidépresseurs agissent en aidant les cellules cérébrales à accumuler des signaux chimiques, appelés neurotransmetteurs, qu’elles utilisent pour communiquer entre elles. Des données récentes laissent penser que les antidépresseurs exercent aussi une activité anti-inflammatoire modeste. Il est possible que cette propriété explique partiellement les bienfaits de ces médicaments.
La fluvoxamine appartient à une classe d’antidépresseurs appelés ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). Outre son activité anti-inflammatoire, il se peut que la fluvoxamine réduise le risque de coagulation sanguine excessive.
COVID-19
Chez certaines personnes, l’infection par le SRAS-CoV-2 (virus à l’origine de la COVID-19) ne cause que des symptômes légers, voire aucun. Cependant, chez d’autres personnes infectées, des protéines produites par les cellules infectées par ce virus perturbent le fonctionnement du système immunitaire, ce qui peut provoquer une inflammation excessive. Si celle-ci n’est pas maîtrisée, l’état du système immunitaire peut se dégrader. De plus, comme les cellules immunitaires patrouillent différentes régions du corps, elles risquent de libérer des messagers chimiques inflammatoires qui déclenchent de l’inflammation dans les tissus. Toute cette inflammation induite par le SRAS-CoV-2 peut causer de graves lésions tissulaires chez des personnes vulnérables.
Face à cette réalité, des équipes de recherche mettent à l’essai des médicaments dotés de propriétés anti-inflammatoires chez des personnes éprouvant des symptômes de la COVID-19. La fluvoxamine figure parmi ces médicaments. Des expériences de laboratoire sur la fluvoxamine et le SRAS-CoV-2 laissent croire que ce médicament possède des effets antiviraux et anti-inflammatoires. Il semble aussi que la fluvoxamine entrave l’activité du SRAS-CoV-2, de sorte que le virus n’est plus capable de produire de nouvelles copies de lui-même.
Ces expériences de laboratoire sont intéressantes. Elles ne peuvent toutefois reproduire la complexité de l’organisme humain et de l’interaction de ses nombreux systèmes organiques. Rappelons aussi que de nombreux composés qui semblent prometteurs dans les expériences de laboratoire sur des cellules ou des animaux se révèlent subséquemment inutiles lors des études chez des humains. Il est normal que ce genre d’échec se produise au cours de la mise au point des médicaments, et cela met en évidence la nécessité de mener des essais cliniques rigoureusement conçus pour explorer les bienfaits potentiels des médicaments expérimentaux.
Des recherches sur la fluvoxamine sont prévues ou en cours auprès de personnes atteintes de la COVID-19 de stade précoce aux États-Unis et à l’Université McGill de Montréal.
Étude préliminaire
Une étude randomisée et contrôlée contre placebo de petite envergure sur la fluvoxamine a été menée aux États-Unis auprès d’adultes non hospitalisés. Le recrutement pour cette étude a eu lieu dans l’est du Missouri et le sud de l’Illinois.
Au moment de leur admission à l’étude, les participant·e·s avaient récemment contracté le SRAS-CoV-2, mais n’avaient pas été hospitalisé·e·s. Les symptômes courants de la COVID-19 incluaient la fatigue et la perte de l’odorat. Après la randomisation, les interventions suivantes ont été administrées pendant 15 jours consécutifs :
- fluvoxamine 100 mg trois fois par jour : 80 personnes
- placebo trois fois par jour : 72 personnes
L’étude comptait 72 % de femmes et 28 % d’hommes, et la moyenne d’âge était de 46 ans.
Résultats
Aucune personne dans le groupe fluvoxamine n’a vu son état se détériorer. En revanche, dans le groupe placebo, l’état de santé s’est détérioré chez 8 % des participant·e·s. Aux fins de cette étude, l’équipe de recherche a défini le terme détérioration comme le fait d’éprouver n’importe lequel des symptômes suivants :
- essoufflement
- essoufflement nécessitant l’hospitalisation
- pneumonie nécessitant l’hospitalisation
Quatre des six participant·e·s dont l’état s’est détérioré ont dû être hospitalisé·e·s, mais personne n’est mort.
À retenir
Cette étude ressemble à une étude de phase II bien conçue. Elle a porté sur un faible nombre de personnes, et peu d’entre elles ont connu une détérioration de leur santé. Il est donc important de considérer les résultats comme prometteurs, mais préliminaires. Les résultats de cette étude pourraient inspirer la conception d’un essai de plus grande envergure afin d’éclairer les effets de la fluvoxamine lors du stade précoce de la COVID-19. Dans la prochaine section, nous rendons compte d’une étude bien conçue de grande envergure sur la fluvoxamine pour la COVID-19.
—Sean R. Hosein
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