Cabotégravir à longue durée d’action : point de mire sur les femmes trans
Dans ce numéro de TraitementActualités, nous avons déjà rendu compte des résultats globaux de l’essai HPTN 083. Lors de cette étude, l’équipe de recherche a comparé les effets protecteurs de l’association quotidienne orale ténofovir DF + FTC (vendue sous le nom de Truvada et offerte en versions génériques; appelée désormais TDF + FTC dans ce rapport) à ceux du cabotégravir injectable à longue durée d’action (cab LDA). Une analyse a révélé que le cab LDA était sans danger et réduisait très efficacement le risque d’infection par le VIH.
Pour l’essai HPTN 083, on a recruté 570 femmes transgenres, dont 304 ont reçu l’association TDF + FTC et 266, le cabotégravir injectable.
Au moment de leur admission à l’étude, les participantes avaient en moyenne autour de 23 ans. Près de la moitié des participantes faisaient l’objet de violence conjugale émotionnelle, et près du tiers d’entre elles se disaient victimes de violence conjugale physique. Près de 30 % des femmes trans affirmaient ne pas être à risque de contracter le VIH. Presque 25 % des participantes trans disaient éprouver des symptômes « cliniquement significatifs » de dépression.
Résultats
Neuf nouvelles infections par le VIH ont été diagnostiquées durant l’étude, comme suit :
- TDF + FTC : sept infections
- cab LDA : deux infections
L’équipe de recherche a constaté des taux de TDF très faibles ou indétectables dans le sang des participantes du groupe TDF + FTC qui ont contracté le VIH. Autrement dit, ces femmes n’avaient pas pris leurs médicaments en quantité suffisante. De fait, chez cinq des sept participantes diagnostiquées séropositives, aucune trace de TDF n’était décelable dans leurs échantillons de sang.
Chez une participante, l’infection par le VIH a été détectée à la quatrième semaine de l’étude, alors qu’elle devait encore prendre la formulation orale du cabotégravir avant de passer à la forme injectable. Comme l’observance thérapeutique n’était pas surveillée directement, l’équipe de recherche ne peut affirmer avec certitude si cette participante suivait fidèlement sa prophylaxie orale par cabotégravir. Selon l’équipe de recherche, « il est possible que la participante ait contracté le VIH peu après son inscription et que l’infection n’ait pas été détectée avant la consultation de la quatrième semaine [dans la clinique où l’étude était menée] ».
Les autres participantes séropositives ont contracté le VIH plusieurs années après leur dernière injection de cabotégravir. Les analyses effectuées près du moment de l’infection n’ont pas détecté de cabotégravir dans leurs échantillons de sang.
Hormones
Lors de leur admission à l’étude, 44 % des femmes trans disaient utiliser des hormones d’affirmation de genre. Une autre tranche de 14 % des participantes ont subséquemment dévoilé qu’elles y avaient recours aussi.
Les hormones d’affirmation de genre couramment utilisées par les participantes à cette étude incluaient les suivantes :
- valérate d’estradiol
- spironolactone
- estradiol
- acétate de cyprotérone
Le choix d’hormones d’affirmation de genre ne différait pas selon que les participantes recevaient l’association TDF + FTC ou le cabotégravir LDA.
Notons que le recours aux hormones d’affirmation de genre n’a provoqué aucune prise de poids significative chez les participantes trans durant cette étude.
À en juger par les données d’une sous-étude menée auprès de 53 femmes trans, les hormones d’affirmation de genre n’ont pas eu d’impact sur les taux de cabotégravir dans le sang.
Effets indésirables
Le terme effet indésirable est utilisé dans le contexte des essais cliniques pour désigner n’importe quelle manifestation fâcheuse qui se produit. Les effets indésirables peuvent être causés par les médicaments à l’étude, par une maladie ou une infection sous-jacente ou encore par des facteurs n’ayant aucun lien avec l’étude elle-même.
Les effets indésirables étaient semblables dans les deux groupes, c’est-à-dire chez les femmes recevant l’association TDF + FTC et chez celles recevant le cab LDA. Ils étaient semblables chez les femmes trans et les hommes cis (les données se rapportant à ceux-ci proviennent de l’analyse globale de l’étude dont nous avons rendu compte plus tôt).
Deux personnes trans sont décédées durant l’étude, mais leurs décès n’ont pas été attribués aux médicaments de l’étude. L’équipe de recherche n’a pas publié de détails à ce sujet.
À l’avenir
Selon l’analyse des données se rapportant aux femmes trans, l’équipe de recherche a affirmé qu’« une injection [de cabotégravir à longue durée d’action] tous les deux mois se fait de façon commode et discrète et peut aider à surmonter les obstacles associés à la prise quotidienne de comprimés, telles les priorités conflictuelles de la vie, la stigmatisation du VIH, la discrimination et la violence » auxquels les femmes trans font face.
Dans cette étude, l’équipe de recherche a recueilli des données auprès d’un nombre relativement faible de femmes trans afin d’explorer la possibilité d’interactions entre les hormones d’affirmation de genre et le cabotégravir. Elle souhaite maintenant la tenue d’autres études pour mieux éclaircir cette question.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Marzinke MA, Hanscom B, Wang Z et al. Efficacy, safety, tolerability, and pharmacokinetics of long-acting injectable cabotegravir for HIV pre-exposure prophylaxis in transgender women: a secondary analysis of the HPTN 083 trial. Lancet HIV. 2023 Nov;10(11):e703-e712.