Innocuité et efficacité du cabotégravir à longue durée d’action pour la prévention du VIH chez les femmes cis

Des scientifiques ont mené un essai clinique nommé HPTN 084 auprès de femmes cisgenres courant un risque élevé de contracter le VIH. Les participantes ont été recrutées dans des pays de l’Afrique subsaharienne. L’étude était conçue d’une manière semblable à celle menée auprès d’hommes cisgenres et de femmes transgenres dont nous avons parlé dans la section précédente, soit l’essai clinique HPTN 083.

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Les participantes à l’essai HPTN 084 étaient des adultes auxquelles le sexe féminin avait été assigné à la naissance, c’est-à-dire des femmes cisgenres. Les participantes ont été réparties au hasard pour recevoir soit le cabotégravir par voie orale, soit l’association ténofovir DF + FTC par voie orale (vendue sous le nom de Truvada et en versions génériques; appelée désormais TDF + FTC dans cet article). Dans les deux cas, les participantes prenaient les comprimés tous les jours.

Dans un premier temps, les participantes sous cabotégravir en prenaient un comprimé de 30 mg tous les jours pendant cinq semaines consécutives. Après cette période, elles passaient à la formulation liquide à longue durée d’action du cabotégravir, c’est-à-dire le cab LDA. Des professionnel·le·s de la santé effectuaient une injection profonde de celle-ci dans le fessier des participantes une fois par mois pendant deux mois afin que des taux élevés de cabotégravir soient atteints et maintenus dans le sang. Après cette période, les injections avaient lieu tous les deux mois.

Pour ajouter à la complexité de l’étude, les participantes ne savaient pas si elles recevaient le cabotégravir ou l’association TDF + FTC, car les femmes recevant des injections de cab LDA recevaient également des comprimés factices (placebo) de TDF + FTC, et celles qui recevaient l’association TDF + FTC se faisaient injecter un placebo de cab LDA.

L’équipe de recherche a inscrit 3 224 femmes, dont 1 614 se sont vues assigner le cabotégravir et 1 610, l’association TDF + FTC.

Les participantes avaient en moyenne 25 ans lors de leur admission à l’étude et vivaient dans les sept pays suivants :

  • Afrique du Sud
  • Botswana
  • Eswatini
  • Kenya
  • Malawi
  • Ouganda
  • Zimbabwe

Résultats

L’équipe de recherche a détecté 40 nouveaux cas d’infection par le VIH durant l’étude, lesquels se répartissaient comme suit selon les médicaments utilisés :

  • cabotégravir : quatre femmes
  • TDF + FTC : 36 femmes

Selon l’équipe de recherche, ces résultats révèlent que, « même si les deux [interventions] pour la prévention du VIH étaient généralement sécuritaires, bien tolérées et efficaces, le cabotégravir s’est révélé supérieur à l’association TDF + FTC dans la prévention de l’infection par le VIH chez des femmes ».

Point de mire sur les infections par le VIH : cabotégravir

Selon l’équipe de recherche, parmi les quatre femmes du groupe cabotégravir qui ont contracté le VIH, deux « n’avaient reçu aucune injection de cabotégravir ». Qui plus est, lorsque l’équipe a analysé les échantillons de sang de ces deux participantes, elle n’y a décelé aucune trace de cabotégravir au moment où le VIH a été détecté.

Chez la troisième femme, l’infection par le VIH a été détectée lorsqu’elle commençait à recevoir des injections de cabotégravir. On a cependant décelé subséquemment du VIH dans les échantillons de sang prélevés chez cette femme au moment de son admission à l’étude. Il est donc possible que cette participante ait contracté le VIH quelques jours avant de s’inscrire à l’étude. Dans un tel cas, un test de dépistage du VIH effectué si tôt dans le cours de l’infection n’aurait pas détecté le virus.

Chez la quatrième femme, l’infection par le VIH s’est produite durant la période suivant son passage aux injections de cabotégravir. Des dossiers cliniques ont cependant révélé que les injections avaient été effectuées en retard et que la quantité de cabotégravir dans son sang était inférieure au niveau nécessaire pour la protéger contre l’infection.

Notons que le VIH contracté par ces quatre femmes n’avait pas acquis de résistance importante aux inhibiteurs de l’intégrase, soit la classe de médicaments à laquelle appartient le cabotégravir. Les autres inhibiteurs de l’intégrase que l’on utilise couramment pour le traitement du VIH incluent les suivants :

  • bictégravir (ingrédient d’un comprimé appelé Biktarvy)
  • dolutégravir (Tivicay et offert en coformulation avec d’autres médicaments anti-VIH vendus sous les noms de Dovato, Juluca et Triumeq)
  • raltégravir

Point de mire sur les infections par le VIH : TDF + FTC

Chez les femmes randomisées pour recevoir l’association TDF + FTC, toutes les infections par le VIH (36) se sont produites après leur admission à l’étude. Selon l’équipe de recherche, « dans aucun de ces cas, [les taux de TDF] n’étaient compatibles avec la prise de six ou sept doses par semaine ». Autrement dit, les participantes qui ont contracté le VIH ne prenaient pas leur traitement comme il se devait.

Une participante qui a contracté le VIH avait des antécédents de mauvaise observance d’une prophylaxie par TDF + FTC. Dans son cas, le VIH avait acquis une résistance au FTC et au 3 TC.

Effets indésirables

Le terme effet indésirable est utilisé dans le contexte des essais cliniques pour désigner n’importe quelle manifestation fâcheuse qui se produit. Certains effets indésirables sont causés par l’intervention à l’étude (soit des médicaments dans ce cas). D’autres sont attribuables à une maladie ou à une infection sous-jacente. D’autres encore sont causés par des facteurs n’ayant aucun lien avec les médicaments à l’étude.

En général, l’équipe de recherche a constaté que la fréquence des effets indésirables modérés ou plus graves était semblable dans les groupes recevant le cabotégravir ou l’association TDF + FTC.

Selon l’équipe de recherche, « la plupart » des effets indésirables graves étaient associés à des anomalies temporaires des résultats de laboratoire, mais ils étaient « rarement significatifs sur le plan clinique ».

Une très faible proportion de participantes a quitté l’étude prématurément, comme suit :

  • cabotégravir : 1,1 %
  • TDF + FTC : 1,4 %

L’équipe de recherche a classé comme modérée ou pire l’intensité des effets indésirables suivants :

Nausées et/ou diarrhées

  • cabotégravir : 21 %
  • TDF + FTC : 23 %

Saignements utérins anormaux

  • cabotégravir : 19 %
  • TDF + FTC : 19 %

Maux de tête

  • cabotégravir : 17 %
  • TDF + FTC : 17 %

Point de mire sur les réactions aux points d’injection

Les femmes recevant le cab LDA ont signalé plus fréquemment (38 %) des réactions aux points d’injection que les femmes recevant l’association TDF + FTC (11 %). Rappelons à cet égard que les femmes traitées par TDF + FTC ont également reçu des injections de cab LDA factice, c’est-à-dire un placebo.

Des réactions aux points d’injection d’intensité modérée ou pire se sont produites chez 13 % des femmes du groupe cab LDA et chez 2 % des femmes du groupe TDF + FTC.

La réaction aux points d’injection la plus courante a été la douleur.

Selon l’équipe de recherche, « la plupart des réactions aux points d’injection ont été signalées après la première injection, puis leur nombre a diminué au fil du temps ». Notons, à titre d’exemple, que les femmes recevant des injections de cab LDA ont signalé des réactions dans une proportion de 29 % après la première injection, comparativement à seulement 2 % après la quatrième. D’autres essais cliniques ont également permis de constater une diminution du risque de réactions aux points d’injection au fil du temps lorsque le cab LDA était utilisé. Aucune participante n’a abandonné l’étude à cause de réactions aux points d’injection.

Point de mire sur la grossesse

Au début de l’étude, toutes les participantes prenaient des contraceptifs à longue durée d’action. Malgré cela, 49 grossesses ont été confirmées au cours de l’étude dans les proportions suivantes :

  • cabotégravir : 29 grossesses
  • TDF + FTC : 20 grossesses

Au moment de l’analyse des données, l’équipe de recherche disposait de renseignements sur l’issue de 31 grossesses sur 49 (les autres femmes n’avaient pas encore accouché). Selon l’équipe, « la plupart des grossesses ont donné lieu à une naissance vivante », comme suit :

  • cabotégravir : 13 naissances vivantes sur 18 grossesses
  • TDF + FTC : 10 naissances vivantes sur 13 grossesses

Selon l’équipe de recherche, les autres femmes au sujet desquelles elle disposait de données ont fait une fausse couche ou mis fin volontairement à leur grossesse.

Aucun bébé n’est né avec des anomalies congénitales.

Effets indésirables graves et décès

Dans la vaste majorité, les effets indésirables n’ont pas été classés comme graves. De fait, l’équipe de recherche a qualifié de grave les effets indésirables survenus dans les six cas suivants seulement :

  • Cabotégravir : Deux femmes ont éprouvé des effets indésirables graves; la première a été hospitalisée pour un cas de « détresse fœtale » et l’autre pour une « infection des voies respiratoires ».
  • TDF + FTC : Quatre femmes ont éprouvé des effets indésirables graves; l’une d’entre elles a subi des effets toxiques dans le foie, deux autres ont présenté des lésions hépatiques et la dernière a fait une crise convulsive.

Trois décès sont survenus durant l’étude, dont chacun concernait une femme affectée au groupe cabotégravir. L’équipe de recherche a toutefois déterminé qu’aucun de ces décès n’avait été causé par l’usage de ce médicament. L’équipe a attribué plutôt les décès à une hypertension et à une maladie cardiaque (une femme), à un AVC (une femme), et à « un mal de tête inexpliqué que l’on ne pouvait évaluer davantage ».

Point de mire sur la prise de poids

De façon générale, les études révèlent que les adultes de la population générale prennent du poids au fil du temps. Des études menées auprès de personnes séropositives sous traitement antirétroviral indiquent que certaines d’entre elles prennent du poids aussi.

Dans la présente étude, l’équipe de recherche a constaté que les participantes prenaient initialement une faible quantité de poids, soit moins d’un demi-kilogramme, mais elles prenaient subséquemment environ 2 kg par année, soit 2,4 kg chez les femmes du groupe cabotégravir et 2,1 kg chez les femmes du groupe TDF + FTC.

Il importe de noter qu’une certaine proportion des participantes ont connu ce que l’équipe de recherche a qualifié de « perte pondérale anormale », comme suit :

  • cabotégravir : 5 %
  • TDF + FTC : 7 %

Chez la plupart des participantes en question, la perte pondérale a été modérée. Cependant, une faible proportion de femmes ont connu une perte de poids plus importante, comme suit :

  • cabotégravir : 1 %
  • TDF + FTC : 2 %

À retenir

Dans l’ensemble, l’équipe de recherche a constaté que le cab LDA offrait « un avantage par rapport à la prise quotidienne de comprimés en matière d’observance thérapeutique. Une injection toutes les huit semaines se fait de façon commode et discrète et peut aider à surmonter les difficultés associées à l’ingestion de comprimés, à la stigmatisation du VIH, à la violence conjugale et à la discrimination ».

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Delany-Moretlwe S, Hughes JP et al. Cabotegravir for the prevention of HIV-1 in women: results from HPTN 084, a phase 3, randomised clinical trial. Lancet. 2022 May 7;399(10337):1779-1789.