Innocuité et efficacité du cabotégravir à longue durée d’action pour la prévention du VIH chez les hommes cis et les femmes trans
Des essais cliniques ont révélé que le cabotégravir à longue durée d’action (cab LDA) réduisait très efficacement le risque de contracter le VIH. De plus, au moins un essai à double insu avec randomisation (nom de code HPTN 083) a permis de constater que, en matière de prévention du VIH, le cab LDA faisait preuve d’une supériorité statistique par rapport au traitement quotidien oral reposant sur des comprimés de ténofovir DF et de FTC (association vendue sous le nom de Truvada et offerte en versions génériques; appelée désormais TDF + FTC dans ce rapport). Environ un an et demi après le début de l’essai HPTN 083, les responsables de l’étude ont levé l’insu lorsqu’une analyse statistique a révélé que le cab LDA était hautement efficace. Après la levée de l’insu, les participant·e·s ont appris quels médicaments on leur donnait depuis le début. À ce moment-là, les participant·e·s avaient l’option de recevoir désormais la prophylaxie de leur choix. Dans le rapport qui suit, nous résumons des données se rapportant à l’essai après la levée de l’insu. Il est important d’examiner les résultats obtenus durant cette phase parce qu’ils ressemblent davantage à ce qui se passe dans les cliniques où les patient·e·s savent quel médicament leur est administré.
Un total de 3 290 personnes ont participé à la phase de l’étude suivant la levée de l’insu. Durant cette phase, l’équipe de recherche a constaté que l’usage de cab LDA était encore associé à un plus faible risque d’infection par le VIH que l’association orale quotidienne TDF + FTC. Plus précisément, les personnes recevant le cab LDA couraient un risque deux fois moins élevé de contracter le VIH.
À sa surprise, l’équipe de recherche a constaté que l’observance thérapeutique des interventions était plus faible chez certain·e·s participant·e·s après la levée de l’insu. Dans le cas du cab LDA (qui doit être injecté profondément dans les muscles du fessier par un·e prestataire de soins de santé), certaines personnes ne se présentaient pas à la clinique dans les délais prévus pour recevoir les injections, lesquelles doivent se faire tous les deux mois une fois la prophylaxie en cours.
À propos de l’étude sur le cab LDA : phase suivant la levée de l’insu
Aux fins de la présente étude, le cabotégravir était administré initialement sous forme d’un comprimé oral unique (dosé à 30 mg) tous les jours pendant cinq semaines consécutives. Si leur tolérance et leur observance thérapeutique s’avéraient bonnes, les participant·e·s pouvaient passer au cab LDA injectable (600 mg de médicament dans 3 ml de liquide). Dans un premier temps, on effectuait une seule injection de cab LDA toutes les quatre semaines pendant deux mois, puis toutes les huit semaines par la suite.
Les participant·e·s qui devaient recevoir des injections toutes les huit semaines, mais qui ne se présentaient pas à la clinique (et ne recevaient donc pas les injections dans les délais prévus) devaient repasser temporairement aux injections aux quatre semaines pendant deux mois, après quoi on les autorisait à reprendre le calendrier habituel des injections, soit toutes les huit semaines. Ce schéma posologique est nécessaire pour s’assurer que les taux de cabotégravir dans le sang demeurent assez élevés pour inhiber le VIH si jamais une exposition au virus a lieu. Les rendez-vous retardés donnent lieu à des taux de cabotégravir sous-optimaux, ce qui rend nécessaires de procéder temporairement à des injections plus fréquentes (toutes les quatre semaines).
Lors de leurs consultations à la clinique, les participant·e·s se faisaient prélever des échantillons de sang, dont certains servaient à des tests de dépistage du VIH et à d’autres évaluations. D’autres échantillons de sang étaient entreposés en prévision de tests et d’analyses ultérieurs (pour mesurer les taux de cabotégravir, par exemple).
Si un test de dépistage se révélait positif pour le VIH dans la clinique, on envoyait l’échantillon à un laboratoire central pour qu’il fasse l’objet d’autres analyses et de mesures du taux de cabotégravir (ou du taux de TDF pour les personnes recevant l’association TDF + FTC).
Après la levée de l’insu, on a analysé des données se rapportant à 1 663 personnes recevant le cab LDA et à 1 627 recevant l’association TDF + FTC. Cette phase a duré près d’un an.
Un total de 87 % des participant·e·s s’identifiaient comme des hommes gbHARSAH, c’est-à-dire des hommes gais, bisexuels ou d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. La plupart des autres s’identifiaient comme femmes transgenres qui avaient des relations sexuelles avec des hommes. Quatre personnes n’ont pas dévoilé leur identité sexuelle. L’âge moyen était de 26 ans.
L’essai HPTN 083 avait lieu dans les pays suivants :
- Afrique du Sud
- Argentine
- Brésil
- États-Unis
- Pérou
- Thaïlande
- Vietnam
Résultats : infections par le VIH
Après la levée de l’insu, des infections par le VIH se sont produites comme suit durant l’étude :
- Cab LDA : 12 nouvelles infections
- TDF + FTC : 32 nouvelles infections
Lorsque l’équipe de recherche a combiné les données se rapportant aux phases de l’étude avant et après la levée de l’insu, elle a constaté le nombre suivant d’infections par le VIH :
- Cab LDA : 25 nouvelles infections
- TDF + FTC : 73 nouvelles infections
Après la levée de l’insu, certaines infections se sont produites dans les circonstances suivantes chez des personnes recevant le cab LDA :
- Une personne a reçu ses injections dans les délais prévus, et ses taux de cabotégravir dans le sang correspondaient aux prévisions la plupart du temps.
- Une personne a reçu ses injections dans les délais prévus, mais ses taux de cabotégravir ont chuté rapidement et de façon inattendue entre les injections; comme l’équipe de recherche n’a détecté aucune interaction médicamenteuse ou difficulté avec les injections, ce résultat la laissait perplexe.
- Trois personnes ont laissé passer au moins 10 semaines avant de se présenter pour recevoir leurs injections à au moins une occasion.
- D’autres infections par le VIH se sont produites plus de six mois après la dernière injection de cab LDA.
À cause des infections par le VIH survenues durant l’étude, certain·e·s participant·e·s ont contracté une souche virale présentant une certaine résistance aux inhibiteurs de l’intégrase, soit la classe de médicaments à laquelle appartient le cabotégravir.
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, durant la phase de l’étude suivant la levée de l’insu, deux personnes ont contracté l’infection par le VIH malgré le fait qu’elles avaient reçu leurs injections de cab LDA dans les délais prévus. Durant la phase à double insu de l’étude, quatre autres personnes ont contracté l’infection par le VIH malgré des injections effectuées dans les temps. Selon l’équipe de recherche, cela s’est produit chez six personnes sur 2 282 qui recevaient le cab LDA avant et après la levée de l’insu, ce qui représente 0,26 % des participant·e·s. Ces six personnes ont ensuite reçu un traitement associant divers médicaments, dont des INNTI (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse), des inhibiteurs de la protéase et des analogues nucléosidiques. Toutes ces personnes ont vu leur charge virale devenir indétectable sous l’effet du traitement.
Chez ces six personnes, le VIH avait acquis une certaine résistance aux inhibiteurs de l’intégrase à cause de l’exposition au cabotégravir. L’équipe de recherche ne pouvait affirmer si la charge virale de ces personnes aurait été inhibée si leur traitement avait inclus un des inhibiteurs de l’intégrase les plus utilisés, soit le bictégravir (ingrédient de Biktarvy) ou le dolutégravir (ingrédient de Dovato, Juluca et Triumeq).
Effets indésirables
Le terme effet indésirable est utilisé dans le contexte des essais cliniques pour désigner n’importe quelle manifestation fâcheuse qui se produit. Certains effets indésirables sont causés par l’intervention à l’étude (soit des médicaments dans ce cas). D’autres sont attribuables à une maladie ou à une infection sous-jacente. D’autres encore sont causés par des facteurs n’ayant aucun lien avec les médicaments à l’étude. Voici la répartition de divers effets indésirables survenus chez les participant·e·s à cette étude :
Hausse de la tension artérielle
- cab LDA : 19 personnes
- TDF + FTC : deux personnes
Hausse des taux de cholestérol
- cab LDA : 33 personnes
- TDF + FTC : 14 personnes
Hausse des taux de « mauvais » cholestérol (C-LDL)
- cab LDA : 41 personnes
- TDF + FTC : 23 personnes
Prise de poids
- cab LDA : 0,84 kg par année
- TDF + FTC : 0,80 kg par année
La différence entre les deux groupes concernant la prise de poids était faible et sans signification statistique.
Chez les personnes recevant le cab LDA, 23 % ont eu des réactions aux points d’injection, mais celles-ci avaient tendance à se produire moins fréquemment au fil du temps. Aucune personne n’a quitté l’étude à cause d’une telle réaction.
À retenir
Les cas de hausse de la tension artérielle chez les personnes sous cab LDA étaient inattendus, et cette question doit être étudiée plus en profondeur. Il est possible que ces cas soient attribuables au fait que le cabotégravir appartient à la classe des inhibiteurs de l’intégrase. Notons que des rapports antérieurs ont fait état d’augmentations des risques d’hypertension, d’anomalies glycémiques et de maladies cardiovasculaires chez certaines personnes recevant ces médicaments. Il importe toutefois de souligner que seules 19 personnes sur les 1 627 recevant le cab LDA après la levée de l’insu ont fait de l’hypertension, ce qui représente un taux faible de 2 %. Ce résultat est encourageant. Cependant, au fur et à mesure que le cab LDA sera utilisé par plus de gens à l’avenir, y compris par des personnes âgées ou atteintes de maladies cardiovasculaires préexistantes, les médecins et infirmier·ère·s devront suivre leurs patient·e·s de près afin de détecter tout problème de ce genre.
Infections chez des personnes utilisant la PrEP orale quotidienne
Selon l’équipe de recherche, lorsque le taux d’observance de l’association quotidienne TDF + FTC est élevé, les nouveaux cas d’infection par le VIH sont rares. Dans la présente étude, « presque toutes les infections constatées dans le groupe recevant la PrEP quotidienne par voie orale… se sont produites chez des participant·e·s faisant preuve d’une mauvaise observance thérapeutique ou ne présentant aucun indice d’une prise de médicaments [à en juger par les analyses de sang] ». Ces participant·e·s se sont fait offrir subséquemment un traitement qui a réussi à inhiber le VIH.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Landovitz RJ, Hanscom BS, Clement ME et al. Efficacy and safety of long-acting cabotegravir compared with daily oral tenofovir disoproxil fumarate plus emtricitabine to prevent HIV infection in cisgender men and transgender women who have sex with men 1 year after study unblinding: a secondary analysis of the phase 2b and 3 HPTN 083 randomised controlled trial. Lancet HIV. 2023 Dec;10(12) :e767-e778.
- Landovitz RJ, Donnell D, Clement ME et al. Cabotegravir for HIV Prevention in Cisgender Men and Transgender Women. New England Journal of Medicine. 2021 Aug 12;385(7):595-608.