Vitamine D : controverse à propos de la dose

Comme l'intérêt que suscite la vitamine D s'est beaucoup accru depuis la publication de plusieurs études à ce sujet au cours de la dernière décennie, les médecins et les patients cherchent des sources crédibles d'information afin d'orienter leurs choix de doses quotidiennes. En novembre 2010, l'Institute of Medicine (IOM), un groupe sans but lucratif affilié à la prestigieuse US National Academy of Sciences, a publié un rapport qui exprimait un point de vue très conservateur à l'égard de la vitamine D. Essentiellement, le rapport affirmait que les taux élevés de vitamine D que préconisaient beaucoup de médecins et de chercheurs n'étaient pas nécessaires. De plus, le rapport laissait croire que la plupart des adultes devraient se satisfaire d'une dose quotidienne de vitamine D entre 400 et 600 UI.

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En juin 2011, l'American Endocrine Society (AES) — association regroupant 14 000 chercheurs, médecins et professionnels du domaine scientifique — a publié des lignes directrices exhaustives, fondées sur des preuves, portant spécifiquement sur l'utilisation de la vitamine D, non seulement par les personnes en santé, mais aussi par les personnes atteintes de maladies chroniques. L'analyse et les recommandations de la société font l'objet de plusieurs articles dans ce numéro de TraitementSida. Si nous avons choisi de mettre l'accent sur les lignes directrices de l'AES, c'est dû partiellement au fait que la société passe régulièrement en revue la littérature sur la vitamine D et parce qu'elle tient compte des besoins spécifiques des personnes vivant avec le VIH en ce qui a trait à leur santé. De plus, comme les personnes séropositives semblent courir un risque accru d'amincissement osseux, l'AES aborde partiellement cette question. En outre, les recommandations de l'AES quant à la posologie font écho aux résultats obtenus par les chercheurs menant des essais cliniques auprès de personnes vivant avec le VIH, à savoir que, de façon générale, il faut des doses plus élevées que la normale pour faire augmenter les taux de vitamine D jusqu'à des niveaux associés à une bonne santé, et plus particulièrement une bonne santé osseuse. En effet, se référant à leur expérience d'un essai randomisé sur la supplémentation en vitamine D chez des enfants atteints du VIH, des chercheurs de l'Hospital for Sick Children de Toronto ont laissé entendre que des doses plus élevées que celles recommandées par l'IOM pourraient être nécessaires aux adultes et aux enfants vivant avec le VIH et, peut-être, d'autres maladies chroniques aussi.

D'ordinaire, les rapports de l'IOM sont pris très au sérieux, car ils établissent la marche à suivre dans un domaine donné, particulièrement en Amérique du Nord et ailleurs. Toutefois, au lieu d'atténuer la confusion entourant la vitamine D, le rapport de l'IOM a créé un malaise voire de l'agitation dans certains cas, ce qui est inhabituel dans le cas des rapports de l'IOM.

« L'IOM a formulé des recommandations trop définitives », a affirmé le Dr Michael Holick, chercheur et endocrinologue dans la faculté de médecine de la Boston University. Partisan de la médecine fondée sur des preuves, le chercheur et professeur canadien Gordon Guyatt de l'Université McMaster a pour sa part déclaré ce qui suit : « Dans le fond, les recommandations [de l'IOM] sur la vitamine D sont fondées sur des preuves de faible qualité. Je crois qu'un aveu en ce sens aurait fait disparaître beaucoup d'anxiété. »

Comme la vitamine D est associée à plusieurs problèmes de santé depuis une décennie, les « communautés médicales et scientifiques se préoccupent de savoir comment elle pourrait prévenir des maladies chroniques », a affirmé la revue scientifique Nature. Cette publication a également souligné que certains médecins « recommandent des doses allant jusqu'à 6 000 UI/jour pour compenser les heures passées à l'intérieur. Cette dose est inférieure à celle qu'une personne au teint clair fabriquerait si elle passait une demi-heure sous le soleil de midi en plein été sans écran solaire. »

Pas pour tout le monde

Selon Nature, l'IOM avait pour mandat de « fixer les taux [de vitamine D] qui protègent la plupart des gens, mais pas tous. » De plus, selon des chercheurs allemands et suisses se spécialisant dans les os, ainsi que des biostatisticiens de la Californie, l'IOM aurait fait une erreur mathématique lorsqu'il calculait le taux sanguin idéal de vitamine D pour renforcer les os. L'IOM a choisi un taux de 50 nmol/litre. Cependant, l'examen des données laisse croire qu'un taux de vitamine D de 75 nmol/litre (taux établi par l'American Endocrine Society) protégerait vraisemblablement plus de personnes.

Les membres de l'IOM restent fermes par rapport à leurs calculs, affirmant que leur méthodologie constitue « la procédure normalisée en ce qui concerne les recommandations nutritionnelles. »

Tension à l'égard de la toxicité

Entre autres critiques visant le rapport de l'IOM, on déplore le fait qu'il fasse référence à un essai clinique où des femmes âgées recevant 500 000 UI de vitamine D annuellement, en une seule dose, subissaient plus de chutes et de fractures que les femmes d'âge semblable recevant un placebo. Selon Nature, de nombreux chercheurs ont trouvé l'étude en question « ridicule ». Voici ce qu'en a dit Edward Giovannucci, épidémiologiste nutritionnel dans la faculté de santé publique de l'Université Harvard : « Personne n'absorbe 500 000 UI par jour à partir du soleil, alors pourquoi donner une telle dose en suppléments? ». Toutefois, selon JoAnn Manson, autre épidémiologiste de Harvard, l'essai clinique sur la méga-dose devrait être pris en compte relativement aux préoccupations concernant la toxicité. « Dans les trois premières semaines de l'essai, alors que les taux sériques atteignaient 100 nmol/litre ou plus, il y avait des risques accrus de chutes et de fractures. »

Essais cliniques à la rescousse

Beaucoup d'essais cliniques sont en cours pour évaluer différentes doses et posologies de vitamine D (certains d'entre eux sont mentionnés plus tard dans ce numéro de TraitementSida). JoAnn Manson de l'Université Harvard est l'une des chercheurs qui dirige une étude de cinq ans, menée auprès de 20 000 personnes, dont l'objectif consiste à évaluer l'impact de la supplémentation en vitamine D sur le cancer et les maladies cardiovasculaires.

Tous les chercheurs ne font pas preuve de patience en ce qui a trait au rythme actuel des essais cliniques sur la vitamine D. Reinhold Vieth, PhD, scientifique de renommée internationale se spécialisant dans la vitamine D à l'Université de Toronto, qualifie de « dérobade » (cop-out) la demande d'essais cliniques immenses. Il affirme qu'il existe des preuves solides que les doses élevées de vitamine D réduisent les taux de sclérose en plaques, mais un essai clinique pour le confirmer prendrait des milliers de personnes et une trentaine d'années.

Experts contre données

Dans la revue Nature, on laisse entendre que le panel de l'IOM « a sous-estimé la passion qui existe dans le domaine de la vitamine D. » Le Dr Clifford Rosen, membre du panel de l'IOM et membre respecté de la communauté de chercheurs se spécialisant dans les os, a résumé comme suit la controverse persistante au sujet du rapport de l'IOM :

« C'est le début d'une phase entièrement nouvelle… Dans le vieux temps de la médecine, on croyait les experts; de nos jours, on dit "Montrez-nous les données". »

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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