Des chercheurs américains constatent une augmentation des cas d’hypertension parmi les personnes vivant avec le VIH
Des chercheurs à l’Université de la Caroline du Nord ont évalué les risques de maladies cardiovasculaires chez 3 612 personnes séropositives suivies entre 1996 et 2013. Au cours de cette période, les chercheurs ont trouvé que les cas de tension artérielle supérieure à la normale (hypertension) ont triplé. Chose peu surprenante, les personnes souffrant d’obésité, de diabète de type 2 ou d’insuffisance rénale couraient un risque accru d’hypertension. Les chercheurs ont cependant constaté une association intéressante entre le moment de l’amorce du traitement antirétroviral (TAR) et la tension artérielle. Selon les chercheurs, les participants qui ont commencé le TAR avant que leur compte de CD4+ tombe sous la barre des 500 cellules étaient moins sujets à l’hypertension.
Détails de l’étude
Les chercheurs ont passé en revue des données de santé recueillies auprès de 3 612 participants. Leur profil moyen au début de l’étude était le suivant :
- âge : 36 ans
- 71 % d’hommes, 29 % de femmes
- nadir du compte de CD4+ : 173 cellules/mm3
- 41 % étaient des fumeurs actuels ou anciens
- 18 % avaient la co-infection au virus de l’hépatite C
Résultats : hypertension au début de l’étude
Après que tous les participants ont subi des tests et évaluations médicaux, on a recensé 471 diagnostics d’hypertension au début de l’étude. Les participants en question avaient tendance à présenter les facteurs de risque suivants :
- obésité
- taux élevés de cholestérol et de triglycérides dans le sang
- diabète de type 2
Résultats : hypertension au cours de l’étude
On a suivi les 3 141 participants restants qui n’avaient pas l’hypertension pendant six ans en moyenne. Au cours de cette période, 756 nouveaux cas d’hypertension ont été diagnostiqués. Au fil du temps, le taux de diagnostics d’hypertension a augmenté d’environ trois fois.
Facteurs de risque dans les nouveaux cas d’hypertension
Les chercheurs ont trouvé une association significative entre les facteurs suivants et un risque accru d’hypertension :
- âge avancé (en fonction de chaque tranche d’âge de 10 ans)
- obésité
- insuffisance rénale
- diabète de type 2
Connexion immunologique
Après avoir tenu compte des facteurs déjà mentionnés, les chercheurs ont constaté que les participants qui avaient 500 cellules CD4+ ou davantage semblaient moins susceptibles de présenter l’hypertension. Nous disons « semblaient » parce qu’il s’agit d’une tendance statistique qui approchait de la signification mais sans pour autant l’atteindre. Les participants qui avaient une charge virale indétectable couraient un risque réduit d’hypertension qui était significatif du point de vue statistique.
Des expériences sur des souris portent à croire qu’il existe un lien entre un système immunitaire dysfonctionnel ou affaibli et un risque accru d’hypertension. Cependant, il faudra mener des études bien conçues auprès des humains afin de prouver le lien éventuel entre les problèmes immunologiques et le risque d’hypertension.
Selon les chercheurs, une charge virale supprimée pourrait être un signe de « comportements favorables sur le plan de la santé », et ces comportements pourraient favoriser une amélioration de la santé globale et une réduction du risque d’hypertension. La prudence est donc indiquée pour interpréter ce résultat indiquant un lien apparent entre la suppression de la charge virale et la réduction du risque d’hypertension.
Quels facteurs pourraient causer une augmentation des diagnostics d’hypertension au fil du temps?
L’une des raisons de l’augmentation des taux d’hypertension au cours de cette étude réside dans le vieillissement des participants. Cependant, même après que l’équipe de recherche a ajusté ses résultats en fonction de l’âge auquel l’hypertension a été diagnostiquée, le nombre de cas de cette maladie semblait excessif. Cela indique probablement que des facteurs autres que l’âge étaient en jeu, comme l’atteste l’explication possible suivante avancée par les chercheurs :
Dans les premières années de l’étude, il est probable que certains participants se portaient mal à cause d’« un faible poids corporel, d’un mauvais état de santé général » et d’une déficience immunitaire. Il est également probable que certaines personnes avaient une faible tension artérielle. Lorsqu’elles ont commencé le TAR, les personnes aux prises avec une grave immunodéficience ont vécu un retour à la santé qui était « souvent présagé par une prise de poids rapide et d’autres changements métaboliques dynamiques qui pourraient démasquer des prédispositions de longue date (génétiques, démographiques ou comportementales) à l’hypertension ».
On n’a constaté aucun lien statistique clair entre un risque accru de diabète de type 2 et les facteurs suivants liés au TAR :
- prise d’inhibiteurs de la protéase du VIH
- durée du TAR
L’équipe de recherche affirme qu’elle effectuera d’autres analyses à l’avenir dans le but d’évaluer l’impact de médicaments anti-VIH spécifiques sur le risque d’hypertension.
Points à retenir
Il s’agit ici d’une étude par observation. De telles études permettent de trouver des associations mais ne peuvent prouver de lien causal, par exemple qu’un facteur spécifique provoque le diabète. Cependant, en ce qui concerne les facteurs de risque traditionnels (obésité, diabète, insuffisance rénale), les résultats de l’étude sont logiques, et les mêmes liens ont été observés chez des personnes séronégatives.
Les résultats de cette étude concernant le lien entre le maintien de la santé du système immunitaire (maintenir un compte de CD4+ élevé) et un risque réduit d’hypertension sont intéressants. Une étude néerlandaise dont nous avons rendu compte plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités a découvert un lien entre l’immunodéficience et un risque accru de raideur artérielle (facteur de risque de maladies cardiovasculaires). Ensemble, les résultats de ces études américaine et néerlandaise soulignent l’importance de commencer le TAR dès les stades précoces de l’infection au VIH, avant que l’immunodéficience ne survienne. Les deux études soulignent également l’importance de dépister les facteurs de risques de maladies cardiovasculaires chez les personnes séropositives et de les réduire lorsqu’ils sont présents.
Une autre analyse effectuée par l’équipe néerlandaise que nous venons de mentionner a révélé que l’hypertension était plus susceptible de se produire chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives. Les chercheurs néerlandais ont trouvé que « l’obésité abdominale » était associée à un risque accru d’hypertension. Il est possible que l’augmentation du risque associée à l’obésité abdominale soit partiellement attribuable à l’exposition antérieure au médicament anti-VIH plus ancien d4T (stavudine, Zerit), qui est maintenant reconnu comme cause notoire de changements dans la forme corporelle, notamment l’accumulation de dépôts de graisse dans les profondeurs de l’abdomen.
Ressource :
Le VIH et la maladie cardiovasculaire — Feuillet d’information de CATIE
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Okeke NL, Davy T, Eron JJ, et al. Hypertension among HIV-infected patients in clinical care, 1996-2013. Clinical Infectious Diseases. 2016 Jul 15;63(2):242-8.
- Kooij KW, Schouten J, Wit FW, et al. Difference in aortic stiffness between treated middle-aged HIV Type 1-infected and uninfected individuals largely explained by traditional cardiovascular risk factors, with an additional contribution of prior advanced immunodeficiency. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2016 Sep 1;73(1):55-62.
- van Zoest RA, Wit FW, Kooij KW, et al. Higher prevalence of hypertension in HIV-1-infected patients on combination antiretroviral therapy is associated with changes in body composition and prior stavudine exposure. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2016 Jul 15;63(2):205-13.