L’arrêt du tabagisme : l’impact sur le risque de cancer

Peu de temps après être entré dans le corps et après avoir infecté les cellules immunitaires qu’il rencontre, le VIH provoque des changements profonds dans le système immunitaire. La prise d’une combinaison de traitements anti-VIH (TAR) réduit généralement la quantité de VIH dans le sang jusqu’à un niveau très faible (couramment qualifié d’ « indétectable »); cela augmente aussi le nombre de cellules CD4+ dans le sang et améliore l’état de santé global de la personne. Les bienfaits du TAR sont tellement importants que les chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que de nombreuses personnes sous TAR aient une espérance de vie quasi normale.

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L’un des problèmes causés par l’infection au VIH réside dans l’inflammation et l’activation persistantes du système immunitaire. Les effets du VIH ne diminuent que partiellement sous l’effet du TAR, alors l’inflammation et l’activation immunitaires deviennent chroniques. Comme les cellules immunitaires sont dispersées dans le corps et peuvent se déplacer et se loger dans différents tissus et systèmes organiques, l’inflammation et l’activation causées par le VIH peuvent avoir un impact à l’extérieur du système immunitaire. À titre d’exemple, notons que les chercheurs ont trouvé des indices que l’inflammation chronique peut jouer un rôle dans les affections suivantes chez les personnes séronégatives :

  • maladies cardiovasculaires
  • troubles dégénératifs du cerveau (tels que la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson)
  • diabète de type 2
  • maladies inflammatoires du tractus digestif (telle la maladie de Crohn)
  • arthrite
  • psoriasis

Il est également possible que l’activation immunitaire chronique attribuable à l’infection au VIH cause l’affaiblissement graduel et le vieillissement prématuré du système immunitaire.

Certains chercheurs laissent entendre que l’inflammation et l’activation immunitaires excessives chez les utilisateurs du TAR pourraient accroître le risque de croissance de cellules anormales, d’états précancéreux et de cancers relativement courants chez les personnes séropositives de nos jours, dont le cancer du poumon.

Tabagisme

Le tabagisme peut causer de nombreux méfaits, notamment l’augmentation du risque de cancer du poumon et d’autres cancers. Nombre de sondages ont révélé que les taux de tabagisme sont relativement élevés parmi les personnes séropositives. Et des études menées à l’époque actuelle ont révélé que les fumeurs séropositifs ont tendance à avoir une espérance de vie écourtée à cause de complications liées au tabagisme et non au VIH.

Bienfaits de l’arrêt tu tabagisme

Parmi les personnes séronégatives, on a trouvé que la cessation du tabagisme procurait de nombreux bienfaits pour la santé, notamment la réduction du risque de cancer du poumon et d’autres cancers liés au tabac et la réduction du risque de décès. Cependant, ces bienfaits peuvent mettre du temps à apparaître. À titre d’exemple, selon les estimations des chercheurs, les personnes séronégatives qui arrêtent de fumer doivent attendre de cinq à neuf ans pour connaître une réduction significative de leur risque de cancer du poumon.

DAD

Les chercheurs affiliés à une grande base de données appelée DAD recueillent des informations relatives à la santé de personnes séropositives en Australie, en Europe et aux États-Unis. Les chercheurs évaluent ces données et publient des rapports sur une variété de questions liées au VIH. Dans leur analyse la plus récente, les chercheurs ont comparé les taux de cancers chez les anciens fumeurs à ceux des personnes n’ayant jamais fumé.

Les chercheurs ont trouvé que le risque de tous les cancers, y compris les cancers liés au tabagisme, était le plus élevé dans l’année suivant l’arrêt du tabagisme. Le risque subséquent de certains cancers a diminué, mais le risque de cancer du poumon était encore élevé cinq ans après la cessation du tabagisme. Pour réduire les complications liées au tabagisme, les chercheurs recommandent d’augmenter les efforts pour empêcher les gens de commencer à fumer et pour faciliter la cessation du tabagisme chez les fumeurs séropositifs.

Bien que la base de données DAD compte quelque 50 000 participants, les chercheurs se sont concentrés sur les données recueillies auprès de 35 442 personnes dont le profil convenait à cette étude. Les données ont été analysées entre janvier 2004 et février 2016.

Les chercheurs se sont concentrés sur les résultats suivants :

  • diagnostics de nouveaux cas de cancer
  • diagnostics d’un premier épisode de cancer du poumon
  • diagnostics de n’importe quel cancer lié au tabagisme, dont les suivants : cancers de la tête et du cou, de la gorge, de l’estomac, du pancréas, du foie, de la vessie, du rein et des voies urinaires, du côlon et du rectum, du col utérin et de l’ovaire, ainsi que la leucémie myéloïde aiguë et la leucémie myéloïde chronique
  • cancers non liés au tabagisme

Dans l’ensemble, les participants ont été suivis pendant jusqu’à 10 ans.

Les participants avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 40 ans
  • 73 % d’hommes, 27 % de femmes
  • compte de CD4+ : 444 cellules/mm3
  • 52 % des participants suivaient un TAR et la plupart avaient une charge virale indétectable

Voici la répartition des participants en fonction du tabagisme :

  • 49 % de fumeurs actifs
  • 21 % d’anciens fumeurs
  • 30 % de personnes n’ayant jamais fumé

Résultats

Tous les cancers

Durant la première année suivant la cessation du tabagisme, les taux de tous les cancers ont augmenté de 28 % chez les fumeurs, par rapport aux non-fumeurs. Subséquemment, plus le temps écoulé depuis l’arrêt du tabagisme était long, plus le risque de présenter n’importe quel cancer diminuait.

Cancer du poumon

Dans la première année suivant la cessation du tabagisme, le taux de cancer du poumon était 19 fois plus élevé chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Subséquemment, le taux de cancer du poumon a diminué, mais il était encore huit fois plus élevé chez les fumeurs cinq ans après l’arrêt du tabagisme. Après cette période, le nombre de cancers du poumon était trop insuffisant pour tirer des conclusions significatives.

Autres cancers liés au tabagisme

Comme dans le cas des cancers déjà mentionnés, les taux des autres cancers liés au tabagisme étaient élevés durant la première année suivant la cessation du tabagisme, mais ont diminué ensuite pour atteindre les mêmes niveaux que chez les non-fumeurs.

Cancers non liés au tabagisme

Les chercheurs n’ont pas trouvé de lien entre le tabagisme et les taux de cancers non liés au tabagisme.

La première année après la cessation

Les recherches menées auprès de personnes séronégatives ont révélé que les taux de cancer du poumon étaient élevés chez cette population aussi durant la première année suivant la cessation du tabagisme. Les chercheurs ont laissé entendre que les cancers observés durant la première année suivant l’arrêt du tabagisme étaient la culmination de la croissance et du développement de tumeurs. Cependant, ils ont également souligné que les facteurs suivants ont probablement joué un rôle dans la première année suivant l’arrêt du tabagisme.

Il est possible que certaines personnes, voire de nombreuses personnes, inscrites à cette étude aient arrêté de fumer parce qu’elles se sentaient « malades à cause d’un cancer non diagnostiqué (subclinique) ou d’une autre affection (telle la maladie pulmonaire obstructive chronique ou MPOC), ce qui pourrait entraîner subséquemment un diagnostic de cancer en raison de l’intensification de la surveillance médicale ». Les chercheurs ont laissé entendre que, même parmi les personnes sans MPOC qui avaient arrêté de fumer, il y avait peut-être plus de contact avec le système médicosanitaire à cause d’autres maladies. Ce contact aurait pu mener finalement à la découverte d’une tumeur.

Cas de cancer

Les cas de cancer étaient répartis comme suit dans l’étude DAD :

  • nombre total de cancers : 2 183 personnes
  • nombre de cas de cancer du poumon : 271 personnes
  • nombre de cas d’autres cancers liés au tabagisme : 622 personnes
  • nombre de cas de cancers non liés au tabagisme : 1 290 personnes

À retenir

Les chercheurs ont souligné que seulement 12 cas de cancer ont été diagnostiqués plus de cinq ans après la cessation du tabagisme. Ce chiffre est insuffisant pour pouvoir tirer des conclusions solides concernant le risque de cancer à long terme chez les anciens fumeurs.

Les chercheurs ont affirmé que d’autres facteurs pourraient contribuer au risque accru de cancer de poumon chez les fumeurs séropositifs, tels les suivants :

  • Les taux d’inflammation sont généralement élevés en présence de l’infection au VIH, et plus particulièrement dans les poumons. Cela pourrait accroître le risque de croissance de cellules anormales.
  • Le fonctionnement du système immunitaire est partiellement affaibli par l’inflammation et l’activation chroniques associées au VIH. Cela pourrait avoir un impact sur la capacité du système immunitaire à détecter et à détruire les cellules cancéreuses.
  • La faible production de VIH et de protéines associées dans les régions profondes du corps, y compris les poumons, pourrait contribuer au risque accru de cancer du poumon.

Vers l’avenir

Cette analyse des données DAD est imparfaite, car elle n’a pas inclus d’information sur le nombre de cigarettes fumées chaque jour ou le nombre d’années que les participants avaient fumé avant de présenter un cancer. Malgré ces bémols, les résultats constituent un pas en avant.

Pour les médecins, les infirmières et les pharmaciens, les résultats de cette analyse soulignent la nécessité d’aider les patients séropositifs à cesser de fumer. Sur le plan sociétal, ces résultats servent de rappel aux autorités de la santé publique et aux politiciens, qui doivent faire davantage pour empêcher les personnes vulnérables de commencer à fumer.

Cette analyse peut aussi servir à orienter la recherche, les soins et le traitement à l’avenir. Il est encore nécessaire de sensibiliser les fumeurs et les anciens fumeurs à l’importance du dépistage du cancer du poumon.

Comme plus de chercheurs s’attendent maintenant à ce que les personnes séropositives connaissent une longévité quasi normale, les agences scientifiques qui financent la recherche doivent allouer des fonds à la surveillance à long terme afin que des études par observation comme celle-ci et des études de moins grande envergure peuvent continuer dans les pays à revenu élevé.

Ressources

Tabagisme, dépendance et cessation

Cancer

—Sean R. Hosein

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