Est-ce qu’on peut utiliser le dolutégravir à dose élevée comme traitement de sauvetage?

Le dolutégravir est un médicament anti-VIH puissant qui se vend sous les noms de marque suivants :

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  • Tivicay : dolutégravir seul
  • Juluca : dolutégravir + rilpivirine
  • Triumeq : dolutégravir + abacavir + 3TC

Le dolutégravir appartient à une classe de médicaments anti-VIH appelés inhibiteurs de l’intégrase. Pour les adultes n’ayant jamais utilisé d’inhibiteur de l’intégrase, le fabricant du dolutégravir, ViiV Soins de santé, recommande la dose de 50 mg une fois par jour dans le cadre d’une combinaison de médicaments (traitement antirétroviral ou TAR).

Pour les personnes ayant déjà utilisé des inhibiteurs de l’intégrase dont le VIH est encore sensible à l’effet du dolutégravir, la dose recommandée est de 50 mg deux fois par jour (pour un total de 100 mg quotidiennement) dans le cadre d’un TAR.

On peut prendre le dolutégravir avec ou sans nourriture.

Bien que le dolutégravir soit un médicament puissant, il peut arriver dans certains cas que le taux de dolutégravir chute jusqu’à un niveau inefficace dans le sang, peut-être à cause d’une mauvaise observance thérapeutique. Lorsque cela arrive, le VIH acquiert la capacité d’éluder l’effet du dolutégravir (et d’autres médicaments anti-VIH). Dans de tels cas, le virus subit des mutations, c’est-à-dire des changements de structure qui lui permettent de résister au médicament. Les mutations en question sont ensuite transférées aux nouvelles copies du VIH.

Expérience italienne

Des médecins de Milan ont fait état des cas de cinq patients séropositifs (quatre hommes et une femme) qui avaient déjà suivi de nombreux traitements. L’analyse des échantillons de sang a révélé que le VIH de ces patients avait acquis la capacité de résister à plusieurs classes de médicaments.

Tous les patients avaient une charge virale détectable qui se situait  entre 800 copies/ml et près de 100 000 copies/ml. Deux patients avaient un compte de CD4+ extrêmement faible, soit moins de 10 cellules/mm3, alors que les trois autres comptaient entre 350 et 640 cellules/mm3. L’âge des patients allait de 32 à 52 ans.

Les médecins ont effectué de nombreux tests sur les échantillons de sang des patients afin de pouvoir concevoir ce qu’ils appelaient un « régime de base optimisé » (RBO). Les régimes de ce genre sont personnalisés : ils sont conçus pour mettre à profit les médicaments anti-VIH qui possèdent encore un peu d’activité antivirale contre la souche du VIH dont la personne particulière est atteinte. Pour déterminer quels médicaments ont des chances de réussir, on effectue des tests de résistance.

Les équipes d’autres laboratoires ont mesuré les taux de médicaments dans les échantillons de sang des patients pour écarter la possibilité que la malabsorption ait causé l’échec thérapeutique.

Tenant compte de toutes ces informations, les médecins ont décidé de doubler la dose du dolutégravir qui est prescrite normalement aux personnes séropositives déjà traitées. Cette mesure était risquée parce que la dose de 100 mg deux fois par jour n’était approuvée dans aucun pays du monde. De plus, les chercheurs étaient peu certains des effets secondaires qui pourraient survenir et ne savaient pas si le dolutégravir à dose élevée serait absorbé. Qui plus est, trois patients sur cinq avaient déjà utilisé des régimes contenant du dolutégravir à raison de 50 mg deux fois par jour, et ces régimes avaient échoué.

Les régimes finaux

Les médecins ont prescrit un régime de base optimal qui consistait habituellement en la combinaison des inhibiteurs de la protéase atazanavir ou darunavir, chacun en association avec une faible dose de ritonavir, et de Truvada (ténofovir DF + FTC). De plus, chaque patient recevait du dolutégravir à raison de 100 mg deux fois par jour.

Résultats

Après que les patients ont commencé leur nouveau régime, les chercheurs ont effectué de nombreux tests sanguins et ont trouvé que le dolutégravir à dose élevée était bien absorbé. En général, la concentration du médicament dans le sang des patients était près de quatre fois plus élevée que ce qui s’observe lorsque la dose de 50 mg une fois par jour est utilisée.

Quatre patients sur cinq ont réussi à atteindre et à maintenir une charge virale supprimée (moins de 40 copies/ml) pendant près de deux ans, soit toute la durée de la période d’observation figurant dans le rapport des médecins milanais.

Toutefois, la charge virale du cinquième patient n’a pas bien  répondu au nouveau régime et est restée détectable pendant 60 semaines, soit la durée de sa participation à l’étude. Selon les médecins, lorsque cette personne a commencé l’étude, son VIH avait déjà acquis « de nombreuses résistances médicamenteuses ». Ces antécédents de résistance au traitement auraient largement « aboli » les effets antiviraux du régime à l’étude, ont fait valoir les médecins.

Chez quatre patients sur cinq, les comptes de cellules CD4+ ont augmenté.

Effets secondaires

Selon les rapports issus de certaines études par observation, le dolutégravir serait associé à ce que les chercheurs qualifient d’effets secondaires « neuropsychiatriques », dont les suivants :

  • problèmes de sommeil
  • anxiété
  • dépression
  • problèmes de concentration

Certains de ces problèmes ont également été signalés en association avec d’autres inhibiteurs de l’intégrase. Cependant, dans la présente étude, aucun effet neuropsychiatrique ou effet secondaire grave ne s’est produit.

À retenir

Cette étude est très intéressante dans la mesure où elle explore un régime novateur incluant une dose élevée du dolutégravir. Cependant, comme elle a porté sur un très faible nombre de participants, les résultats de cette étude italienne ne peuvent pas être généralisés pour inclure d’autres patients séropositifs présentant d’importantes résistances au TAR. Il reste que ces résultats sont prometteurs et pourront être examinés par d’autres chercheurs afin de concevoir un essai clinique pour mettre à l’épreuve des régimes contenant du dolutégravir à dose élevée.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Ferrari D, Spagnuolo V, Manca M, et al. Increased dose of dolutegravir as a potential rescue therapy in multi-experienced patients. Antiviral Therapy. 2019; in press.