Dovato (dolutégravir + 3TC) pour le traitement initial du VIH
À la fin août 2019, un comprimé appelé Dovato (qui contient la combinaison dolutégravir + 3TC) a été approuvé pour le traitement du VIH au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. L’approbation de Dovato a été fondée sur les données d’un essai clinique appelé Gemini mené par ViiV Healthcare, fabricant de Dovato.
L’étude Gemini se poursuit et vise à déterminer l’efficacité d’une combinaison de deux médicaments pour le traitement initial du VIH, soit l’inhibiteur de l’intégrase dolutégravir et l’analogue nucléosidique 3TC. À la fin de la première année de l’étude, les résultats indiquaient que le régime de deux médicaments avait un profil d’efficacité et d’innocuité semblable à celui d’une trithérapie standard. Les données détaillées recueillies après deux ans de l’étude Gemini révèlent que la combinaison dolutégravir + 3TC continue de faire preuve d’une efficacité et d’une innocuité semblables à celles de la trithérapie standard.
Détails de l’étude
Aux fins de l’étude Gemini, des médecins et des infirmières ont recruté des personnes séropositives qui n’avaient jamais reçu de traitement anti-VIH (TAR) auparavant. Les participants vivaient à Taïwan, en Afrique du Sud et dans divers pays d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud et d’Europe.
Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :
- âge : 32 ans
- 85 % d’hommes, 15 % de femmes
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 68 %; Noirs – 13 %; Asiatiques – 10 %
- charge virale : 32 000 copies/ml (environ 20 % des participants avaient une charge virale supérieure à 100 000 copies/ml)
- compte de CD4+ : 433 cellules/mm3 (environ 9 % des participants avaient un compte de CD4+ de 200 cellules/mm3 ou moins)
- aucun participant n’avait l’infection au virus de l’hépatite B
- aucun participant n’avait une souche du VIH qui avait acquis une résistance significative aux médicaments comme 3TC, FTC (emtricitabine) ou aux inhibiteurs de la protéase
Les participants ont été répartis au hasard pour recevoir un des régimes suivants :
- dolutégravir + 3TC (bithérapie à base de dolutégravir)
- dolutégravir + ténofovir DF + FTC (trithérapie à base de dolutégravir)
Il s’agit ici d’un essai clinique à double insu, ce qui veut dire que ni les participants ni la majorité de l’équipe de recherche ne savaient quels participants recevaient quelle combinaison. Le secret au sujet des médicaments utilisés a été maintenu jusqu’à la 96e semaine de l’étude.
Résultats : charge virale
Les participants ont atteint et maintenu une charge virale indétectable (moins de 50 copies/ml) dans les proportions suivantes :
Semaine 96
- bithérapie à base de dolutégravir : 86 % (616 participants sur 716)
- trithérapie à base de dolutégravir : 90 % (642 participants sur 717)
Cette différence entre la charge virale des deux groupes à la semaine 96 n’est pas significative du point de vue statistique. On considérait que le régime de deux médicaments était plus ou moins équivalent au régime de trois médicaments. Dans le langage technique, on parle dans un tel cas de « non-infériorité ».
Les participants avaient une charge virale de 50 copies/ml ou plus dans les proportions suivantes :
- bithérapie à base de dolutégravir : 3 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 2 %
Les proportions de participants pour lesquelles on ne disposait pas de données virologiques étaient les suivantes :
- bithérapie à base de dolutégravir : 11 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 9 %
(Notons que la somme des pourcentages n’est pas 100 parce que les chiffres ont été arrondis.)
La principale raison pour l’absence de données virologiques réside dans le retrait de l’étude de certains participants à cause d’effets secondaires. Les participants ont quitté l’étude dans les proportions suivantes :
- bithérapie à base de dolutégravir : 3 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 3 %
Certains participants se sont retirés de l’étude pour d’autres raisons, notamment la perte de contact avec la clinique, l’incapacité de respecter les procédures de l’étude, le retrait par un médecin ou le retrait pour des raisons personnelles. Les départs de ce genre concernaient les proportions suivantes des participants :
- bithérapie à base de dolutégravir : 8 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 5 %
Une personne qui recevait la trithérapie à base de dolutégravir a quitté prématurément l’étude parce que son régime était inefficace.
Charge virale et compte de CD4+
Les chercheurs ont évalué la réponse au traitement en fonction de la charge virale ou du compte de cellules CD4+ qu’avaient les participants lors de leur admission à l’étude. Voici ce qu’ont révélé leurs analyses :
Charge virale de 100 000 copies/ml ou moins
- bithérapie à base de dolutégravir : 87 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
- trithérapie à base de dolutégravir : 90 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
Charge virale supérieure à 100 000 copies/ml
- bithérapie à base de dolutégravir : 84 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
- trithérapie à base de dolutégravir : 86 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
Compte de CD4+ supérieur à 200 cellules/mm3
- bithérapie à base de dolutégravir : 88 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
- trithérapie à base de dolutégravir : 90 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
Compte de CD4+ de 200 cellules/mm3 ou moins
- bithérapie à base de dolutégravir : 68 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
- trithérapie à base de dolutégravir : 87 % avaient une charge virale indétectable à la semaine 96
Même si le dernier sous-groupe ci-dessus ne comptait pas un grand nombre de personnes, la combinaison dolutégravir + 3TC semblait d’abord être moins puissante chez les personnes ayant un faible compte de cellules CD4+. Cependant, cette différence entre les proportions de personnes ayant une charge virale indétectable à la semaine 96 était attribuable au fait que nombre d’entre elles ont quitté l’étude pour de nombreuses raisons variées, et non à l’échec virologique. Lorsqu’on a tenu compte de l’absence d’échec virologique, on n’a constaté aucune différence majeure entre les personnes sous bithérapie et les personnes sous trithérapie qui ont commencé l’étude avec un faible compte de CD4+.
Effets secondaires et complications
En général, le risque d’effets secondaires et de complications était faible durant cette étude. Dans l’ensemble, les participants ont éprouvé un effet secondaire dont l’intensité était au moins modérée dans les proportions suivantes :
- bithérapie à base de dolutégravir : 7 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 8 %
Départs prématurés
Dans l’ensemble, les participants ont éprouvé un effet secondaire qui les a incités à quitter prématurément l’étude dans les proportions suivantes :
- bithérapie à base de dolutégravir : 3 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 3 %
L’abandon prématuré de l’étude a également été motivé par les facteurs suivants :
Problèmes neuropsychiatriques
- bithérapie à base de dolutégravir : 1 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 1 %
Problèmes rénaux
- bithérapie à base de dolutégravir : moins de 1 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 1 %
Amincissement grave des os (ostéoporose)
- bithérapie à base de dolutégravir : 0 %
- trithérapie à base de dolutégravir : moins de 1 %
Prise de poids
- bithérapie à base de dolutégravir : 1,8 %
- trithérapie à base de dolutégravir : 1,4 %
Trois participants sont morts des causes suivantes :
- crise cardiaque
- lymphome de Burkitt
- coronaropathie
Chacun des trois participants en question recevait la bithérapie à base de dolutégravir. Une enquête a toutefois révélé que les médicaments figurant dans l’étude n’ont pas joué de rôle dans leur décès.
Accent sur la santé des reins et des os
Dans l’ensemble, les participants qui recevaient la bithérapie à base de dolutégravir ont connu de meilleurs résultats sur le plan de la santé rénale que les personnes traitées par la trithérapie. Cette différence est largement attribuable au fait que la trithérapie incluait du ténofovir DF (TDF). Cette formulation du ténofovir est associée à l’apparition de lésions rénales chez certaines personnes. Les résultats ont également révélé que la combinaison dolutégravir + 3TC était généralement sans danger pour les reins.
Les chercheurs ont constaté des tendances semblables dans les évaluations de la santé osseuse fondées sur des tests sanguins permettant de mesurer les taux de certains peptides et protéines.
Lipides : cholestérol et triglycérides
Dans l’ensemble, les changements dans les taux de lipides ont été très modestes et plus favorables dans le cas de la bithérapie.
Vue d’ensemble
Les résultats constatés à la semaine 96 de l’étude Gemini confirment les bienfaits d’un régime puissant de deux médicaments fondé sur le dolutégravir. Il importe aussi de souligner qu’aucun participant n’a acquis de résistance virale aux médicaments utilisés dans cette étude.
Les deux régimes se sont généralement révélés sûrs, mais la bithérapie à base de dolutégravir était mieux tolérée et exerçait des effets favorables sur la santé des os et des reins.
À l’avenir
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, un comprimé appelé Dovato (dolutégravir + 3TC) a été approuvé pour le traitement du VIH au Canada. Dès cet automne, les auteurs des principales lignes directrices sur le traitement du VIH produites sous l’égide du Department of Health and Human Services (DHHS) des États-Unis évalueront les données sur Dovato pour déterminer le rôle qu’il occupera dans les recommandations sur le traitement initial du VIH. Autrement dit, ils vont déterminer s’il faut établir Dovato comme un régime préféré ou comme un régime de rechange pour le traitement initial du VIH.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Cahn P, Madero JS, Arribas J, et al. Durable efficacy of dolutegravir (DTG) plus lamivudine (3TC) in antiretroviral treatment-naïve adults with HIV-1 infection – 96-week results from the GEMINI studies. In: Proceedings and abstracts of the 10th IAS Conference on Science, 21–24 July 2019. Mexico City, Mexico. Abstract WEAB0404LB.