Le fostemsavir chez les personnes déjà traitées
Des médecins ont inscrit des personnes séropositives qu’ils décrivaient comme « lourdement traitées » à une étude sur le fostemsavir portant le nom de Brighte. La plupart des participants avaient des souches du VIH qui étaient résistantes à plusieurs classes de médicaments, et le régime qu’ils utilisaient avant l’étude était en train d’échouer.
Lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’une combinaison de traitements anti-VIH, le fostemsavir peut être très efficace contre le virus. Comme c’est généralement le cas des médicaments anti-VIH, plus il y de médicaments actifs dans un régime, plus ce dernier est efficace. Dans l’étude Brighte, le fostemsavir a réussi à stabiliser et/ou à améliorer la santé de nombreux participants.
Détails de l’étude
Les personnes inscrites à l’étude Brighte ont initialement été réparties dans les deux groupes suivants :
Groupe randomisé
Dans ce groupe, les participants ont été choisis au hasard pour recevoir un des régimes suivants :
- le fostemsavir 600 mg deux fois par jour + le régime d’avant l’étude pendant huit jours consécutifs : 203 personnes
- le placebo + le régime d’avant l’étude pendant huit jours consécutifs : 69 personnes
À la fin de cette période initiale de l’étude, tous les participants ci-dessus ont reçu le fostemsavir en combinaison avec un traitement de base optimisé (TBO). Pour déterminer le TBO de chaque participant, les médecins se sont fondés sur les résultats de tests de résistance virale afin de choisir les médicaments les plus susceptibles d’agir efficacement contre le VIH.
Groupe non randomisé
Avant de s’inscrire à l’étude, les 99 participants suivaient un régime qui était en train d’échouer, et les analyses de laboratoire révélaient que leur VIH était résistant à tous les traitements du VIH approuvés. Ils ont reçu du fostemsavir à raison de 600 mg deux fois par jour en association avec un régime de base optimisé. Cependant, dans le cas de ces participants, ce TBO n’était que partiellement efficace contre le VIH à cause de nombreuses résistances médicamenteuses. Les chercheurs espéraient que même la faible activité anti-VIH des médicaments du TBO s’ajouterait aux effets du fostemsavir pour prolonger la survie de certains participants.
Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :
- âge : 50 ans
- 78 % d’hommes, 22 % de femmes
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 70 %; Noirs – 22 %
- charge virale : 4,6 logs (environ 30 000 copies/ml)
- compte de CD4+ : 80 cellules/mm3
Médicaments anti-VIH couramment utilisés dans les TBO :
- dolutégravir (Tivicay et ingrédient de Triumeq)
- darunavir
- ténofovir DF
Résultats
Les participants du groupe randomisé avaient une charge virale supprimée (seuil de suppression établi à 40 copies/ml dans cette étude) dans les proportions suivantes à différents moments dans le temps :
- semaine 24 : 53 %
- semaine 48 : 54 %
- semaine 96 : 60 %
Les participants du groupe non randomisé avaient une charge virale inférieure à 40 copies/ml dans les proportions suivantes à différents moments dans le temps :
- semaine 24 : 37 %
- semaine 48 : 38 %
- semaine 96 : 37 %
Compte de cellules CD4+
On utilise généralement le compte de cellules CD4+ pour évaluer l’état de santé du système immunitaire.
Les augmentations du compte de CD4+ ont généralement été constantes au cours de l’étude, comme suit :
- groupe randomisé : gain moyen de 205 cellules CD4+/mm3
- groupe non randomisé : gain moyen de 119 cellules CD4+/mm3
Comme les personnes figurant dans le groupe non randomisé étaient généralement plus malades et avaient moins d’options de traitement, leurs augmentations du compte de CD4+ ont été moins importantes que celles du groupe randomisé.
Parmi les 71 personnes qui avaient moins de 50 cellules CD4+ au début de l’étude (dans le groupe randomisé), 56 % avaient un compte de CD4+ d’au moins 200 cellules/mm3 à la semaine 96.
Une autre manière d’évaluer la santé immunologique d’une personne consiste à examiner le rapport entre ses cellules CD4 et ses cellules CD8 (rapport CD4/CD8). Un rapport inférieur à 1,0 laisse soupçonner une dysfonction et une faiblesse immunologiques.
Parmi les participants sélectionnés au hasard pour recevoir le fostemsavir, le rapport CD4/CD8 initial était de 0,2. À la semaine 96, cependant, il avait augmenté jusqu’à 0,443, ce qui laisse supposer une certaine amélioration de la santé immunologique.
Aucun rapport CD4/CD8 n’a été documenté par les chercheurs pour le groupe de participants non randomisé.
Innocuité
Les médicaments ont provoqué des effets secondaires d’intensité modérée ou pire chez les proportions suivantes des participants :
- groupe randomisé : 21 %
- groupe non randomisé : 22 %
Les effets secondaires d’intensité modérée à grave courants se sont produits dans les proportions suivantes :
Diarrhées
- groupe randomisé : 2 %
- groupe non randomisé : 3 %
Maux de tête
- groupe randomisé : 2 %
- groupe non randomisé : 1 %
Nausées
- groupe randomisé : 3 %
- groupe non randomisé : 5 %
Faiblesse
- groupe randomisé : moins de 1 %
- groupe non randomisé : 2 %
Les effets secondaires graves se sont produits dans les proportions suivantes :
- groupe randomisé : 3 %
- groupe non randomisé : 3 %
Un total de 16 effets secondaires graves se sont produits sous l’effet du fostemsavir et/ou d’autres médicaments. Ces effets secondaires graves ont touché 12 participants, comme suit :
- calculs rénaux : 2 personnes
- lésions rénales aiguës : 1 personne
- dysfonction rénale : 1 personne
- taux de sucre sanguin supérieur à la normale : 1 personne
- taux de potassium supérieur à la normale dans le sang : 1 personne
- syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire (IRIS) : 3 personnes
- perte de connaissance : 1 personne
- inflammation du cœur : 1 personne
- lésions hépatiques : 1 personne
- faiblesse musculaire : 1 personne
- arrêt de croissance fœtale : 1 personne
- désorientation : 1 personne
- éruption cutanée : 1 personne
Les nombres suivants de personnes ont quitté l’étude à cause d’événements indésirables :
Douleur abdominale
- groupe randomisé : 2 personnes
- groupe non randomisé : 0 personne
Douleur de poitrine non liée au cœur
- groupe randomisé : 1 personne
- groupe non randomisé : 1 personne
Insuffisance hépatique
- groupe randomisé : 0 personne
- groupe non randomisé : 2 personnes
Il est important de se rappeler que les personnes inscrites à l’étude Brighte étaient généralement en mauvaise santé. Comme leur compte de CD4+ moyen initial était d’environ 80 cellules/mm3, il est probable que de nombreux participants éprouvaient les symptômes d’une infection au VIH non maîtrisée, et que certains participants souffraient vraisemblablement d’infections et de tumeurs de faible grade (infections couvantes) liées au sida. Rappelons aussi que les personnes dont le compte de CD4+ est faible ont tendance à être plus sujettes aux effets secondaires des médicaments.
Le fostemsavir a aidé de nombreuses personnes à se porter mieux dans cette étude. Cependant, pour certains participants, le fostemsavir a été le seul médicament de leur régime à agir complètement contre le VIH. Les personnes en question suivaient donc essentiellement une monothérapie au fostemsavir (c’est-à-dire l’équivalent du fostemsavir tout seul), et il était inévitable que le VIH acquière une résistance au fostemsavir dans de tels cas. Lorsque le VIH esquivait les effets du fostemsavir, ces participants voyaient leurs options de traitement futures disparaître et leur santé se détériorait considérablement. Il n’est donc pas surprenant que 29 personnes soient décédées au cours de cette étude, dans les proportions suivantes :
- groupe randomisé : 12 personnes (4 %)
- groupe non randomisé : 17 personnes (17 %)
La majorité des décès (62 %) était attribuable à des infections et à des cancers liés au sida.
Points clés
- Lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’un traitement de base optimisé, le fostemsavir exerce une bonne activité antivirale contre le VIH.
- Les comptes de CD4+ et les rapports CD4/CD8 se sont améliorés au cours de l’étude.
- Le fostemsavir a généralement été sans danger, mais les effets secondaires étaient courants parce que de nombreuses personnes étaient faibles et malades dans cette étude. Il reste que les effets secondaires graves n’ont pas été fréquents.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Lataillade M, Lalezari J, Aberg J, et al. Week 96 safety and efficacy of the novel
HIV-1 attachment inhibitor prodrug fostemsavir in heavily treatment-experienced participants infected with multi-drug–resistant HIV-1 (BRIGHTE Study). In: Program and abstracts of the 10th IAS Conference on Science, 21-24 July 2019, Mexico City. Abstract MOAB0102.