Le molnupiravir se montre prometteur

Le molnupiravir est un médicament antiviral expérimental dont on évalue actuellement les effets chez les personnes atteintes du syndrome respiratoire aigu sévère au coronavirus 2 (SRAS-CoV-2). Ce dernier cause les symptômes regroupés sous le nom de maladie à coronavirus 2019 ou COVID-19. Dans ce numéro de TraitementActualités, nous présentons quelques renseignements sur les origines de ce médicament et l’état actuel de son développement.

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Le molnupiravir a été mis au point par des scientifiques affiliés à l’Université Emory d’Atlanta. Le médicament porte également les noms de code MK-4482 et EIDD-2801.

Comment il fonctionne

Nous offrons ci-dessous une explication simplifiée du mode d’action du molnupiravir. Ce dernier est un analogue d’une molécule naturelle appelée cytidine, qui est un nucléoside. On dit alors que le molnupiravir appartient à la classe des analogues nucléosidiques. Les cellules utilisent la cytidine pour fabriquer des brins d’ARN. Aux « yeux » des cellules, le molnupiravir ressemble à la cytidine (d’où le terme analogue). Lorsque les cellules fabriquent des molécules d’ARN et que le molnupiravir est présent à des concentrations élevées, les cellules se trompent et se mettent à incorporer ce dernier dans l’ARN. Cette erreur donne lieu à la fabrication de brins d’ARN défectueux. Puisque l’ARN est essentiel à la construction de nouvelles copies des coronavirus, dont le SRAS-CoV-2, la présence d’ARN défectueux fait en sorte que les copies virales fabriquées par les cellules infectées sont également défectueuses et incomplètes et ne peuvent être utilisées pour infecter d’autres cellules. Ainsi, la production de nouveaux coronavirus ralentit énormément ou s’arrête.

De nombreux laboratoires qui étudient actuellement le SRAS-CoV-2 utilisent des animaux comme le hamster syrien (ou hamster doré) ou le furet parce qu’ils sont vulnérables à l’infection par ce virus. Lors d’expériences de laboratoire sur des hamsters et des furets, le molnupiravir s’est révélé très efficace pour prévenir l’infection par le SRAS-CoV-2. De plus, le médicament réduisait efficacement la quantité de virus produite par les animaux infectés s’il était administré peu de temps après l’infection.

En combinaison

Le médicament favipiravir est approuvé au Japon pour le traitement des infections grippales graves. Il se vend sous le nom de marque Avigan. Utilisé seul, le favipiravir exerce une activité antivirale modeste contre le SRAS-CoV-2. Cependant, les résultats d’expériences de laboratoire utilisant une combinaison de favipiravir et de molnupiravir laissent croire que l’activité antivirale de la combinaison est significativement plus forte que celle de l’un ou l’autre de ces médicaments utilisé seul chez des hamsters infectés par le SRAS-CoV-2.

Innocuité

Au cours des 25 dernières années, on a dû arrêter le développement de certains analogues nucléosidiques expérimentaux parce qu’ils endommageaient une composante importante des cellules, soit les mitochondries. Celles-ci fonctionnent comme un genre de centrale électrique et produisent l’énergie nécessaire aux cellules. Lorsque les mitochondries sont endommagées, les cellules ne reçoivent pas assez d’énergie et risquent de mal fonctionner ou de mourir.

Le molnupiravir a été mis à l’épreuve dans le cadre d’expériences de laboratoire sur des cellules hépatiques humaines. Les résultats obtenus après 14 jours consécutifs d’exposition des cellules au médicament ont révélé que le molnupiravir ne nuisait pas aux centrales électriques cellulaires. Des expériences à long terme sur des cellules, des rats et des chiens sont en cours pour évaluer l’innocuité de ce médicament. Les données à court terme sont très prometteuses dans la mesure où aucune préoccupation relative à l’innocuité n’a été soulevée. Il semble tout particulièrement que le molnupiravir ne cause pas de mutations dans les cellules saines.

Développement clinique

La compagnie pharmaceutique Merck a pris les rênes du développement clinique du molnupiravir et a publié les données d’un essai clinique de phase I. Durant ce dernier, 65 volontaires en bonne santé sans COVID-19 ont pris des doses différentes du molnupiravir pendant une période allant jusqu’à cinq jours et demi.

Cette étude a permis de constater que le molnupiravir était bien absorbé et généralement sans danger. Le médicament n’a causé aucun effet secondaire grave, ni décès. Dans l’ensemble, le molnupiravir semblait être mieux toléré que le placebo, et seule une minorité des volontaires ont signalé des effets secondaires modérés comme des maux de tête ou des diarrhées. Chez une personne, une dose très élevée du molnupiravir semble avoir provoqué une éruption cutanée temporaire. L’analyse des échantillons de sang et d’urine n’a pas révélé d’effet important du médicament sur les marqueurs biologiques. 

Notons que l’absorption du molnupiravir ne diminue pas de manière significative lorsqu’il est pris avec de la nourriture.

Le molnupiravir en est maintenant aux essais cliniques de phase II/III. Dans ces études, le médicament est administré par voie orale sous forme de capsules toutes les 12 heures, et les doses varient comme suit :

  • 200 mg
  • 400 mg
  • 800 mg

Étude de phase II

Lors de la récente Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), la chercheuse Wendy Painter, M.D., a présenté des données limitées d’un essai contrôlé contre placebo du molnupiravir chez des personnes atteintes de COVID-19 qui n’avaient aucune autre maladie ou infection.

L’étude a porté sur 75 adultes présentant des signes ou symptômes d’une maladie respiratoire. Dans chaque cas, un test par PCR (réaction en chaîne de la polymérase) a révélé la présence du SRAS-CoV-2. Les participants ont été affectés au hasard pour recevoir le molnupiravir ou le placebo dans un rapport de 2 à 1. Les membres du groupe molnupiravir ont pris les différentes doses de ce dernier sous forme de capsules deux fois par jour pendant cinq jours. Nous regroupons ci-dessous les résultats obtenus sous l’effet des différentes doses du molnupiravir comparativement au placebo.

Les tests de dépistage du SRAS-CoV-2 ont donné des résultats positifs dans les proportions suivantes selon le jour :

Jour trois

  • molnupiravir : 20 %
  • placebo : 28 %

Jour cinq

  • molnupiravir : 0 %
  • placebo : 24 %

Le résultat se rapportant au jour 5, soit l’absence de SRAS-CoV-2 détectable, a été observé peu importe la dose de molnupiravir utilisée. Le médicament n’a pas causé d’effet secondaire grave, et aucun détail concernant d’éventuels effets secondaires légers ou modérés n’a été fourni. Ces résultats indiquent que le molnupiravir peut réduire rapidement la quantité de SRAS-CoV-2 s’il est administré relativement tôt dans le cours de la COVID-19 chez des personnes non hospitalisées.

En voie de développement

Pour d’autres essais cliniques du molnupiravir, on a inscrit des personnes malades de la COVID-19 dont un certain nombre étaient hospitalisées. Des études se poursuivent dans de nombreux pays, notamment les suivants :

  • Canada (Hôpital général de Toronto)
  • France
  • Israël
  • Philippines
  • Russie
  • Espagne
  • Afrique du Sud
  • Royaume-Uni
  • Ukraine

Merck effectue également des tests pour évaluer la possibilité d’interactions entre le molnupiravir et d’autres médicaments.

Les essais cliniques décrits ci-dessus prendront fin dans quelques mois. Si les études confirment l’efficacité et l’innocuité du molnupiravir, il est très probable que Merck remettra de la documentation aux autorités de réglementation dès cet été, d’abord aux États-Unis puis dans l’Union européenne et au Canada, afin d’obtenir l’approbation de la mise en vente de son médicament.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Painter WP, Holman W, Bush JA, et al. Human safety, tolerability, and pharmacokinetics of molnupiravir, a novel broad-spectrum oral antiviral agent with activity against SARS-CoV-2. Antimicrobial Agents and Chemotherapy. 2021; sous presse.
  2. Sticher ZM, Lu G, Mitchell DG, et al. Analysis of the potential for N4-hydroxycytidine to inhibit mitochondrial replication and function. Antimicrobial Agents and Chemotherapy. 2020 Jan 27;64(2):e01719-19.
  3. Wahl A, Gralinski LE, Johnson CE, et al. SARS-CoV-2 infection is effectively treated and prevented by EIDD-2801. Nature. 2021.
  4. Cox RM, Wolf JD, Plemper RK. Therapeutically administered ribonucleoside analogue MK-4482/EIDD-2801 blocks SARS-CoV-2 transmission in ferrets. Nature Microbiology. 2021 Jan;6(1):11-18.
  5. Abdelnabi R, Foo CS, Kaptein SJF, et al. Molnupiravir (EIDD-2801) inhibits SARS-CoV-2 replication and enhances the efficacy of favipiravir in a Syrian hamster infection model. déposée.
  6. Painter W, Sheahan T, Baric R, et al. Reduction in infectious SARS-CoV-2 in a treatment study of COVID-19 with molnupiravir. In: Program and abstracts of the Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, 6 to 10 March 2021. Abstract 777.