On étudie la famille des interférons afin de mieux comprendre la COVID-19 et son traitement

Le syndrome respiratoire aigu sévère au coronavirus 2 (SRAS-CoV-2) provoque des symptômes regroupés sous le nom de maladie à coronavirus 2019 ou COVID-19. Chez de nombreuses personnes qui contractent ce virus, soit jusqu’à 40 % selon certains, l’infection ne provoque aucun symptôme. Une portion des personnes infectées éprouvent cependant des symptômes semblables à ceux de la grippe. Chez une proportion plus faible d’entre elles, les symptômes peuvent s’aggraver considérablement et inclure des problèmes respiratoires voire la pneumonie.

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Ce sont les interactions entre le SRAS-CoV-2 et le système immunitaire qui expliquent la réponse de l’organisme au virus. Dans ce numéro de TraitementActualités, nous résumons des recherches récentes qui décrivent certains des événements immunologiques qui se produisent après l’infection par un coronavirus. La connaissance de ces événements peut aider à expliquer pourquoi certains traitements potentiels, notamment des membres de la famille des interférons, sont actuellement à l’étude contre le coronavirus responsable de la pandémie actuelle. En explorant en profondeur la réponse immunologique à l’infection par le SRAS-CoV-2, on arrivera peut-être à expliquer certaines des complications qui se produisent chez des personnes atteintes de COVID-19.

L’entrée du virus

Les cellules qui tapissent le nez, la gorge et les parties supérieures des poumons sont habituellement les premiers sites du corps où les rencontres entre le système immunitaire et les microbes inhalés ont lieu. Le SRAS-CoV-2 entre dans les cellules en utilisant une protéine (ou récepteur) appelée ACE2 qui se trouve à la surface des cellules.

Aussitôt que le virus a pénétré dans une cellule, sa présence devrait déclencher l’équivalent cellulaire de plusieurs alarmes. Les cellules sont munies de capteurs internes dont le rôle consiste à détecter les microbes envahissants. Si ces capteurs détectent la présence du SRAS-CoV-2, ils déclenchent une série d’actions qui provoquent rapidement la production d’une famille de molécules appelées interférons qui servent à la transmission de signaux.

Introduction aux interférons

Il existe trois principaux types d’interférons :

  • Type 1 : interféron alpha et sous-types comme l’interféron alpha-1, 2, 3, etc.; interféron bêta et sous-types; plusieurs interférons moins bien étudiés comme l’interféron delta
  • Type 2 : interféron gamma
  • Type 3 : interféron lambda et sous-types comme l’interféron lambda-1, 2, 3, etc.

Pour être capable de répondre à un interféron, la surface des cellules doit être munie d’une protéine appelée récepteur d’interféron. Certains récepteurs sont sensibles à un type d’interféron particulier, alors que d’autres récepteurs sont sensibles à d’autres types.

Mode d’action des interférons

Ce qui suit est une explication largement simplifiée de la façon dont les interférons agissent lors des stades initiaux d’une infection virale. Une fois produit, l’interféron incite des gènes cellulaires à fabriquer des protéines qui accomplissent les tâches suivantes :

  • limiter la capacité des cellules infectées à produire des copies du SRAS-CoV-2
  • aviser les cellules avoisinant la cellule infectée de l’invasion virale en cours afin que les cellules non infectées puissent prendre des mesures pour se protéger
  • activer des cellules du système immunitaire afin qu’elles viennent en aide à la cellule infectée
  • aider les cellules sentinelles du système immunitaire à apprendre l’identité du microbe envahissant
  • améliorer le fonctionnement des cellules T, telles les cellules CD4+ et CD8+, afin qu’elles libèrent des substances antivirales susceptibles de détruire les cellules infectées par le virus

La rapidité détermine tout

Des scientifiques qui étudient les virus et le système immunitaire ont affirmé que « le moment où la production d’interférons a lieu est crucial en raison de son influence sur la réponse immunitaire à l’infection virale ». Autrement dit, la production d’interférons doit être déclenchée très tôt dans le cours de l’infection virale afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles quant à la réduction de la propagation de l’infection.

Virus et SRAS-CoV-2

Comme les interférons constituent un élément très important de la défense immunitaire contre les virus, ces derniers ont conçu des moyens d’entraver l’activité des interférons.

Des scientifiques qui ont mené des expériences de laboratoire sur des cellules infectées par le SRAS-CoV-2 ont constaté que ce virus pouvait affaiblir ou retarder la production d’interférons.

Quelques études ont permis de constater que, parfois, les interférons étaient à peine détectables chez des personnes aux prises avec un cas modéré ou grave de la COVID-19. Lors de certaines expériences, un taux très faible ou l’absence d’interférons dans le sang coïncidait avec une concentration très élevée de SRAS-CoV-2 dans le corps.

Examiner le SRAS-CoV-1 à la recherche d’indices

En 2003 est survenue une éclosion de pneumonies graves (SRAS) causées par le virus SRAS-CoV-1. L’analyse de ce virus a révélé qu’il portait dans son matériel génétique les instructions nécessaires à la fabrication de nombreuses protéines susceptibles d’entraver les interférons. Ces protéines virales avaient pour effet de limiter la production et l’activité de ceux-ci.

Le SRAS-CoV-1 et le SRAS-CoV-2 se ressemblent dans une proportion de 82 % à peu près. Il est donc très probable que le SRAS-CoV-2 porte des instructions dans son matériel génétique qui lui permettent de fabriquer des protéines qui affaiblissent et limitent la production et l’activité des interférons. Bien que les résultats préliminaires d’expériences de laboratoire semblent indiquer cette similarité, il faut encore qu’ils soient confirmés.

Tirs amis et gènes défectueux

Lors d’une étude d’envergure menée auprès d’un millier de personnes atteintes de COVID-19 et souffrant de pneumonie, l’équipe de recherche a déterminé qu’environ 10 % d’entre elles avaient des anticorps qui s’attaquaient aux interférons et les rendaient inutiles. Ces anticorps étaient présents dans les échantillons de sang prélevés chez certaines personnes avant l’arrivée de la COVID-19, ce qui soulève la possibilité que l’infection par le SRAS-CoV-2 n’ait pas déclenché la production d’anticorps susceptibles d’attaquer les interférons. Dans la présente étude, la plupart des personnes (94 %) qui avaient ces anticorps étaient des hommes. L’âge des personnes dont le sang contenait ces anticorps allait de 25 à 87 ans, mais 50 % d’entre elles avaient entre 65 et 87 ans. Ces personnes vivaient sur des continents différents et représentaient une variété de groupes ethnoraciaux. Les anticorps en question ciblaient une forme d’interféron particulière, soit l’interféron alpha.

L’équipe de recherche d’une étude différente a découvert des défauts dans les gènes qui produisent l’interféron alpha chez certaines personnes gravement malades de la COVID-19. L’équipe a comparé les gènes de 659 malades dans un état critique aux gènes de 534 personnes infectées par le SRAS-CoV-2 qui n’avaient aucun symptôme ou que des symptômes légers. Dans environ 4 % des cas critiques, les personnes en question avaient très peu d’interféron alpha dans leur sang, ainsi que des gènes défectueux.

Lorsqu’on les considère ensemble, les résultats de ces deux études expliquent probablement pourquoi à peu près 14 % des personnes qui contractent le SRAS-CoV-2 éprouvent des symptômes graves de l’infection.

Des données de recherche récentes soulèvent la possibilité que des anticorps s’attaquant aux interférons soient présents chez plus de 14 % des personnes gravement malades de la COVID-19. Les recherches en question sont toutefois controversées parce qu’elles n’ont pas obtenu l’appui de nombreux scientifiques et des données probantes sont nécessaires pour en confirmer les résultats.

Attaquer les anticorps

La présence d’anticorps s’attaquant aux interférons a été détectée pour la première fois dans les années 1980 chez des personnes souffrant de la maladie auto-immune lupus qui étaient traitées par interféron alpha et interféron bêta.

Les résultats des études menées auprès de personnes gravement malades de la COVID-19 sont intrigants et étonnants et devraient servir de point de départ à de nombreuses autres recherches centrées sur les questions suivantes :

  • Pourquoi certaines personnes atteintes de COVID-19 ont-elles des anticorps qui s’attaquent à l’interféron alpha; jouent-ils un rôle utile?
  • Dans quelle mesure le problème des anticorps s’attaquant à l’interféron alpha est-il répandu?
  • Les anticorps qui s’attaquent à l’interféron alpha se trouvent-ils couramment chez les personnes âgées?
  • Les anticorps qui s’attaquent à l’interféron alpha sont-ils liés à d’autres problèmes de santé, notamment la vulnérabilité accrue à d’autres infections virales et au cancer?
  • Chez les personnes atteintes de COVID-19 qui ont des anticorps s’attaquant principalement à l’interféron alpha, pourquoi les autres interférons ne sont-ils pas ciblés?
  • Les études mentionnées ont évalué les taux d’interférons dans le sang. Serait-il utile de mesurer les taux d’interférons dans les poumons aussi?

Nouvelles approches

En théorie, il serait possible de concevoir des contre-mesures pour aider les personnes atteintes de COVID-19 qui sont porteuses d’anticorps s’attaquant aux interférons. À titre d’exemple, notons que certaines équipes de recherche ont proposé de filtrer le sang de ces personnes dans l’espoir d’expulser ces anticorps. Cependant, même une filtration efficace ne répondrait pas à la question de savoir pourquoi les anticorps sont apparus initialement et quel sous-groupe de cellules B les a fabriqués. Si les cellules responsables de la production de ces anticorps ne sont pas supprimées, elles continueront sans doute à produire des anticorps qui s’attaqueront aux interférons.

Il vaut la peine de souligner que, dans les études mentionnées, la vaste majorité (98 %) des anticorps s’attaquaient à l’interféron alpha, alors que les 2 % restants ciblaient l’interféron bêta. Environ le tiers des personnes présentant ces anticorps qui ont contracté la pneumonie sont décédées. Il pourrait donc être utile d’effectuer des tests sur d’autres membres de la famille des interférons chez des personnes gravement malades de la COVID-19, notamment les suivants :

  • interféron bêta
  • interféron lambda

Les interférons : l’usage précoce contre l’usage tardif

Des expériences sur des cellules et des animaux portent à croire que, en général, les interférons jouent un rôle clé très tôt dans le processus d’une infection virale. Lors des stades initiaux de l’infection, les interférons semblent faciliter le déclenchement de plusieurs activités défensives. Cependant, lors des stades plus avancés de l’infection, les grandes quantités d’interférons risquent de ne pas être utiles et pourraient même nuire.

Des expériences de laboratoire sur des animaux portent à croire que, lorsque des interférons de type 1 sont administrés tardivement dans le cours d’une maladie, ils peuvent inciter le système immunitaire à transmettre des signaux chimiques qui suppriment la capacité de l’organisme à combattre les infections. Cela peut se produire de plusieurs façons, notamment par l’affaiblissement de la capacité des cellules CD8+ à s’attaquer aux cellules infectées par des virus ou encore par l’incitation à l’autodestruction des cellules non infectées en très grand nombre.

Ces résultats portent collectivement à croire que le moment de commencer le traitement aux interférons contre la COVID-19 doit être choisi avec soin.

—Sean R. Hosein

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