Canakinumab pour réduire l'inflammation liée au VIH
Comme nous l'avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, l'infection chronique au VIH est associée à l'inflammation. L'amorce d'un traitement anti-VIH (TAR) et l'atteinte et le maintien d'une charge virale indétectable aident à réduire partiellement mais non à éliminer l'inflammation excessive. Les chercheurs croient que l'inflammation liée au VIH peut augmenter graduellement le risque de complications à long terme pour la santé.
Lors d'une étude pilote, des chercheurs de San Francisco ont testé l'effet d'une seule injection sous-cutanée de 150 mg du canakinumab chez des personnes séropositives sous TAR. Ils ont trouvé que le médicament réduisait significativement l'inflammation et ne nuisait pas, du moins à court terme. Une étude de plus grande envergure et de plus longue durée sur le canakinumab est en cours chez cette population.
Détails de l'étude
Les chercheurs ont inscrit 10 participants (neuf hommes, une femme) qui avaient entre 55 et 65 ans. Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l'étude :
- fumeurs actuels : 20 %
- tension artérielle supérieure à la normale : 90 %
- taux de cholestérol anormaux : 80 %
- antécédents de crise cardiaque et/ou d'AVC : 30 %
- antécédents de crise cardiaque chez les parents, frères ou sœurs : 40 %
- prise de médicaments pour réduire les taux de cholestérol : 80 %
- compte de CD4+ : 638 cellules/mm3
- nadir du compte de CD4+ : 238 cellules/mm3
- charge virale : moins de 50 copies/ml chez tous les participants
- antécédents de co-infection à l'hépatite C : 20 %
Tous les participants ont reçu une seule injection sous-cutanée du canakinumab de 150 mg et ont ensuite fait l'objet d'un suivi rigoureux consistant en évaluations cliniques et en tests de laboratoire.
Résultats : innocuité
Le médicament a été bien toléré par les participants.
Les chercheurs ont constaté une baisse significative des taux de neutrophiles (cellules nécessaires pour combattre les infections) dans le sang lors des mesures effectuées deux et trois semaines après l'injection. À ces moments-là, les taux de neutrophiles avaient baissé de 30 %. Cependant, à la quatrième semaine suivant l'injection du canakinumab, les taux de neutrophiles ont commencé à rentrer dans la fourchette de valeurs normale.
Une personne a fait un zona (herpès zoster) pendant l'étude. Il n'est pas clair si cet événement était attribuable au canakinumab parce qu'il n'y avait pas eu de changements dans le compte de CD4+ ou la charge virale avant l'épisode de zona. Ce dernier s'est résorbé subséquemment sans complications.
Aucun des participants n'a connu de changement significatif dans son compte de CD4+ ou son rapport CD4/CD8. Pendant la première semaine de l'étude, les comptes de cellules CD8+ ont baissé en moyenne de 17 % chez les participants, mais cette situation s'est normalisée la semaine suivante.
La charge virale n'a augmenté au-dessus de la barre des 200 copies/ml chez aucun participant au cours de l'étude.
Changements dans l'inflammation
Lorsque des affections inflammatoires comme l'infection au VIH sont présentes, on constate des taux élevés des signaux chimiques IL-6 (interleukine-6) et hs-CRP (protéine C-réactive de haute sensibilité).
Durant la présente étude, une seule dose du canakinumab a réussi à réduire graduellement et significativement les taux d'IL-6 dans le sang, soit de 24 % dès la quatrième semaine de l'étude et d'un total de 30 % à la huitième semaine.
Le médicament a également réduit les taux de hs-CRP de 61 % à la huitième semaine de l'étude.
Les chercheurs n'ont détecté aucun changement significatif dans la proportion de cellules T activées dans le sang. Ils ont toutefois constaté une réduction significative du nombre d'un sous-groupe de cellules appelées monocytes. Le sous-groupe de monocytes en question avaient le corécepteur CCR5 du VIH à leur surface.
Les participants ont subi des examens de balayage FDG TEP/CT. Aux fins de ce genre d'examen, une faible quantité de sucre radioactif (FDG-glucose) est administrée à la personne par perfusion intraveineuse. Les chercheurs attendent ensuite que le sucre soit absorbé par des tissus actifs, soit les ganglions lymphatiques et les artères où l'inflammation a lieu dans le cas qui nous concerne. Le scan TEP (tomographie par émission de positrons) détecte le matériel radioactif et son emplacement, alors que le scan CT (tomodensitométrie) aide à créer des images détaillées des tissus où le FDG s’est concentré. Les chercheurs ont trouvé que le canakinumab causait une baisse significative de l'inflammation, soit de 10 % dans les artères et de 11 % dans la moelle osseuse, comparativement aux taux mesurés avant l'étude.
Prochaine étape?
Une étude randomisée et contrôlée contre placebo de plus grande envergure (100 personnes) et de plus longue durée est en cours. Dans le cadre de celle-ci, le canakinumab est administré en deux doses différentes à des personnes sous TAR. Les participants ont été répartis au hasard dans un rapport de 2 à 1, de sorte que 67 % d'entre eux reçoivent le canakinumab. Cette étude fournira d'autres données sur l'innocuité à court et à moyen terme du canakinumab chez les personnes séropositives.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Hsue P, Deeks SG, Ishai AE, et al. IL-1β inhibition significantly reduces atherosclerotic inflammation in treated HIV in treated HIV. In: Program and abstracts of the Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, Seattle, Washington, 13-17 February 2016. Abstract 126.
- Ridker PM, Everett BM, Thuren T, et al. Anti-inflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. New England Journal of Medicine. 2017 Sep 21;377(12):1119-1131.
- Ridker PM, MacFadyen JG, Everett BM, et al. Relationship of C-reactive protein reduction to cardiovascular event reduction following treatment with canakinumab: a secondary analysis from the CANTOS randomised controlled trial. Lancet. 2017 Nov 13. pii: S0140-6736(17)32814-3.