Les changements de poids avant et après l’arrivée du TAR
Des chercheurs travaillant dans de grandes cliniques américaines et canadiennes ont analysé les changements de poids survenus chez 14 000 personnes séropositives qui avaient commencé un traitement du VIH (TAR) entre 1998 et 2010. Ils ont trouvé que la proportion de personnes souffrant d’obésité avant l’amorce du TAR avait doublé, passant de 9 % en 1998 à 18 % en 2010.
En moyenne, trois ans après l’amorce du TAR, 22 % des personnes qui avaient un poids normal au début de l’étude avaient pris un surplus de poids, et 18 % des personnes qui étaient en surpoids au début de l’étude étaient devenues obèses.
Détails de l’étude
La NA-ACCORD est la base de données observationnelles la plus importante d’Amérique du Nord. Les chercheurs affiliés à la NA-ACCORD ont publié de nombreuses analyses se rapportant à la santé et au bien-être des personnes séropositives. Une étude menée par l’équipe NA-ACCORD qui est souvent négligée a porté sur la prise de poids avant et après l’amorce du TAR. Des cliniques du sud de l’Alberta et de Montréal ont contribué des données à cette étude.
Un mot à propos de l’IMC
L’indice de masse corporelle (IMC) est calculé en divisant le poids d’une personne (en kilos) par sa taille au carré (en mètres). L’IMC est une évaluation approximative de l’adiposité ou de la minceur relative d’une personne. Lorsque l’IMC est élevé, il s’agit généralement d’une personne en surpoids ou obèse. Les personnes très musculaires peuvent toutefois avoir un IMC élevé aussi, et cela peut donner une impression trompeuse de leur taux d’adiposité. Ce qui est considéré comme un IMC normal peut varier d’un continent à l’autre, ainsi que d’un groupe ethnoracial à l’autre. Il reste que l’IMC est un moyen peu cher et facile de relever des tendances générales dans les données scientifiques, d’où son utilisation fréquente dans les études.
Les participants avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :
- 83 % d’hommes, 17 % de femmes
- âge : 40 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 43 %; Noirs – 38 %; Hispaniques – 15 %
- compte de CD4+ : 241 cellules/mm3
- charge virale : 50 000 copies/ml
- les régimes couramment utilisés avaient comme ingrédient principal un inhibiteur de la protéase ou un analogue non nucléosidique
Le suivi des participants a duré trois ans en moyenne.
Résultats
Les chercheurs ont constaté que la proportion de personnes qui étaient obèses lors de l’amorce du TAR a augmenté significativement au cours de l’étude, passant de 9 % au début de celle-ci à 18 % à la fin.
Prise de poids
Les chercheurs ont également constaté que les personnes qui avaient un poids insuffisant ou normal au début de l’étude étaient significativement plus susceptibles de prendre du poids que les personnes qui étaient en surpoids ou obèses lors de leur admission à l’étude. Voici quelques autres points se rapportant à la prise de poids :
- La majorité (80 %) de la prise pondérale s’est produite durant la première année du TAR.
- Sans égard à la race ou à l’ethnie, les hommes ont éprouvé ce que les chercheurs ont décrit comme « une forte augmentation précoce du poids, alors que les femmes ont connu une augmentation plus uniforme sur une période de trois ans ».
- En général, les chercheurs ont trouvé que les personnes dont le compte de CD4+ était plus faible et la charge virale plus élevée avant l’amorce du TAR étaient plus susceptibles de prendre du poids après avoir commencé le traitement.
Tendances au fil du temps
Selon les chercheurs, durant les premières années de l’étude (1998 à 2002), les participants « avaient tendance à prendre du poids durant la première année, [puis leur poids] atteignait un plateau ou se mettait à diminuer durant les deux années subséquentes ». Quant aux dernières années de l’étude, les chercheurs ont trouvé que « la prise de poids s’est poursuivie pendant toute la durée des trois ans ».
Tendances selon la catégorie de poids
Après un an d’utilisation du TAR, les chercheurs ont trouvé que « 20 % des participants dont l’IMC était normal au début de l’étude avaient pris un surplus de poids, et 15 % des participants qui étaient en surpoids au début étaient devenus obèses ».
L’équipe a également constaté que, trois ans après l’amorce du TAR, « 22 % des participants dont l’IMC était normal lors de l’amorce du TAR avaient pris un surplus de poids, et 18 % des participants qui étaient en surpoids au début étaient devenus obèses ».
Selon les chercheurs, après trois ans de TAR, la progression entre « un IMC normal et le surpoids se produisait le plus couramment chez les hommes blancs (23 %), alors que la progression entre le surpoids et l’obésité était plus courante chez [les femmes de couleur, soit 21 %] ».
À retenir
Cette analyse des données de la NA-ACCORD a été effectuée dans le cadre d’une grande étude bien conçue. Elle confirme des tendances générales observées lors d’autres études et dans la société. Notons toutefois que même avant l’amorce du TAR, les proportions de personnes séropositives en situation de surpoids et d’obésité continuent d’augmenter en Amérique du Nord.
D’autres points à souligner :
- Il semble que les femmes de couleur soient particulièrement sujettes à la prise de poids après l’amorce du TAR; cette tendance a été observée dans des essais cliniques randomisés.
- Plus l’immunodéficience est grave (indiquée par un faible compte de CD4+ et une charge virale élevée), plus la prise de poids subséquente est importante. Cela porte à croire que l’infection au VIH elle-même contribue d’une manière ou d’une autre à la prise de poids suivant l’amorce du TAR.
- Les inhibiteurs de l’intégrase n’étaient pas couramment utilisés pour amorcer le TAR dans cette étude. La vaste majorité des personnes figurant dans cette analyse suivaient des régimes fondés sur des inhibiteurs de la protéase ou des analogues non nucléosidiques. Ce fait révèle que les régimes plus anciens sont associés à la prise de poids.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Koethe JR, Jenkins CA, Lau B, et al. Rising obesity prevalence and weight gain among adults starting antiretroviral therapy in the United States and Canada. AIDS Research and Human Retroviruses. 2016 Jan;32(1):50-58.