La trithérapie à l’interféron bêta + Kaletra + ribavirine

Utilisés seuls, les médicaments approuvés pour traiter un virus bien connu qui sont recyclés pour traiter un virus nouveau et parfois non apparenté n’auraient vraisemblablement que des effets antiviraux modestes, surtout contre le SRAS-CoV-2. Cependant, si les médicaments recyclés étaient combinés dans un régime différent, leur efficacité serait probablement supérieure à celle d’un seul médicament (monothérapie). Voilà le raisonnement à l’origine de cette étude conçue pour évaluer une combinaison de trois médicaments (nous parlons également du mode d’action éventuel de ces médicaments contre le SRAS-CoV-2) :

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  • Interféron bêta – Les interférons jouent plusieurs rôles dans les infections virales : ils peuvent réduire la capacité des cellules infectées à produire des copies du virus en cause; ils peuvent inciter les cellules infectées à s’autodétruire; et ils peuvent inciter les cellules non infectées à recourir à un mécanisme de défense antiviral qui les protège contre l’infection. Les données préliminaires portent à croire que, chez certaines personnes, le SRAS-CoV-2 est capable de supprimer la capacité des cellules pulmonaires de produire des interférons durant les phases précoces de l’infection. Des expériences sur des souris atteintes de pneumonie virale laissent penser qu’une forme d’interféron appelée interféron bêta peut réduire la formation de tissu cicatriciel dans les poumons. D’autres données préliminaires provenant d’études de laboratoire portent à croire que l’interféron bêta exerce une activité antivirale contre les cellules infectées par le SRAS-CoV-2.
  • Kaletra (lopinavir-ritonavir) : Il est possible que le lopinavir exerce une certaine activité antivirale contre le SRAS-CoV-2.
  • Ribavirine : Ce vieux médicament antiviral est actif contre une large gamme de virus dans les expériences de laboratoire sur des cellules infectées. Elle provoque des mutations durant la production de nouvelles copies virales, de sorte que beaucoup de ces copies sont défectueuses.

Des médecins de Hong Kong ont inscrit 127 participants hospitalisés pour la COVID-19 et les ont répartis au hasard pour recevoir, dans une proportion de 2 à 1, une trithérapie associant les médicaments mentionnés ci-dessus ou encore Kaletra en monothérapie. Tous ces médicaments ont été administrés pendant 14 jours dans les doses suivantes :

  • Interféron bêta : Les participants ont reçu un total de trois doses de 8 millions d’unités chacune tous les deux jours, par injection sous-cutanée (sous la peau).
  • Kaletra : Les participants ont reçu la dose standard, soit deux comprimés (chacun contenant 400 mg de lopinavir et 100 mg de ritonavir), toutes les 12 heures.
  • Ribavirine : Les participants ont reçu 400 mg toutes les 12 heures (il s’agit d’une dose modérée de ce médicament).

Au début de l’étude, les participants, dont 54 % d’hommes et 46 % de femmes, avaient 52 ans à peu près. Environ 40 % des participants souffraient d’affections sous-jacentes, dont le diabète, l’hypertension et l’hypercholestérolémie.

Les participants souffraient d’une maladie légère à modérée causée par l’infection au SRAS-CoV-2. Il s’agissait généralement d’une fièvre et d’une toux qui duraient à peu près cinq jours.

Résultats

Les chercheurs ont constaté des différences significatives entre les résultats obtenus sous l’effet des deux régimes à l’étude :

Réduction du nombre de jours de production virale

  • trithérapie : sept jours
  • Kaletra seul : 12 jours

Délai nécessaire à la résolution des symptômes

  • trithérapie : quatre jours
  • Kaletra seul : huit jours

Durée de l’hospitalisation

  • trithérapie : neuf jours
  • Kaletra seul : 15 jours

Ces différences entre les régimes sont significatives d’un point de vue statistique.

Environ la moitié des participants ont signalé des effets secondaires, dont les suivants :

  • diarrhées : 41 %
  • fièvre : 38 %
  • nausées : 34 %
  • taux d’enzymes hépatiques élevés : 14 %

Aucune différence significative n’a été constatée entre les régimes en ce qui concerne la répartition ou la durée des effets secondaires. L’équipe de recherche a affirmé ceci : « La plupart de ces effets secondaires se sont résorbés dans les trois jours suivant l’amorce de la médication ».

Aucun effet secondaire grave ne s’est produit chez les personnes sous trithérapie. Une personne qui suivait la monothérapie à Kaletra a présenté des lésions hépatiques classées comme graves par les médecins, et elle a dû cesser prématurément de prendre son régime.

À retenir

Les résultats de cette étude randomisée prospective de phase II sont prometteurs en ce qui concerne la triple combinaison. La façon dont cette étude a été conçue marque une amélioration par rapport aux nombreuses études rétrospectives sur la COVID-19 dont la pertinence laisse à désirer.

Selon l’équipe de recherche, « on devrait envisager » une étude de phase III de grande ampleur pour comparer un régime à base d’interféron bêta à un placebo. Une telle étude devrait être en mesure de fournir une réponse définitive à propos du traitement par interféron bêta contre la COVID-19.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Hung IF, Lung KC, Tso EY, et al.  Triple combination of interferon beta-1b, lopinavir-ritonavir, and ribavirin in the treatment of patients admitted to hospital with COVID-19: an open-label, randomised, phase 2 trial. Lancet. 2020;395(10238):1695-1704.
  2. Shalhoub S. Interferon beta-1b for COVID-19. Lancet. 2020;395(10238):1670-1671.
  3. Clementi N, Farrarese R, Criscuolo E, et al. Interferon-beta inhibits SARS-CoV-2 in vitro when administered after virus infection. Journal of Infectious Diseases. 2020; en voie d’impression.