Le casse-tête de la COVID de longue durée

Le SRAS-CoV-2 est le virus qui cause la maladie appelée COVID-19. Ce virus appartient à la famille des coronavirus.

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La plupart des personnes infectées par le SRAS-CoV-2 n’éprouvent que des symptômes légers, voire aucun. Des symptômes graves nécessitant l’hospitalisation peuvent toutefois se produire chez une minorité de personnes, notamment des problèmes respiratoires et la pneumonie. De plus, certaines personnes infectées par le SRAS-CoV-2 dont les symptômes initiaux sont graves ou légers développent subséquemment un trouble persistant appelé couramment « COVID de longue durée ».

Les personnes souffrant de COVID de longue durée peuvent éprouver un large éventail de symptômes parce que ce phénomène semble toucher divers organes et systèmes de l’organisme. En raison de la nature grave et même débilitante de la COVID de longue durée, certaines personnes touchées sont incapables de vaquer à leurs activités quotidiennes et ont de la difficulté à travailler.

Comme le SRAS-CoV-2 et la COVID-19 sont relativement nouveaux, et la COVID de longue durée plus récente encore, de nombreuses questions restent en suspens. D’importants instituts de recherche ont commencé à investir dans la recherche sur la COVID de longue durée, notamment les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis. Les scientifiques et les médecins auront toutefois besoin de temps pour élucider les nombreux problèmes qui affectent actuellement les personnes touchées par la COVID de longue durée, et devront répondre aux questions suivantes, entre autres :

  • Pourquoi certaines personnes infectées par leSRAS-CoV-2 présentent-elles des complications de longue durée?
  • Pendant combien de temps les complications post-COVID-19 vont-elles durer?
  • Que peut-on faire pour faciliter le rétablissement des personnes souffrant de COVID de longue durée?

Il faudra que les scientifiques comprennent clairement les causes de la COVID de longue durée avant qu’il soit possible de trouver des remèdes efficaces. Dans ce numéro de TraitementActualités, nous rendons compte de quelques recherches se rapportant à la COVID de longue durée.

S’agit-il d’un syndrome?

Puisque la COVID de longue durée peut affecter tant de systèmes organiques différents, nombre de scientifiques estiment qu’il ne s’agit pas d’un trouble unique, mais d’un syndrome dont les manifestations varient d’une personne à l’autre.

L’auto-immunité est-elle un facteur?

Des scientifiques travaillant dans plusieurs centres de recherche, dont celui de l’Université Yale, ont constaté que l’infection au SRAS-CoV-2 semble inciter le système immunitaire à s’attaquer lui-même (on appelle ce phénomène l’auto-immunité). Spécifiquement, le système immunitaire s’attaque à une molécule cruciale qui joue un rôle dans le premier combat livré contre les virus et d’autres microbes. Cette molécule s’appelle l’interféron alpha. En incitant le système immunitaire à s’attaquer à l’interféron alpha avec ses propres anticorps, le SRAS-CoV-2 réussit plus facilement à infecter les gens.

Pas seulement l’interféron alpha

Des recherches récentes ont également permis de constater que les personnes atteintes de COVID-19 ont tendance à être porteuses d’anticorps qui s’attaquent à une large gamme de protéines et d’organes de l’organisme. Ces anticorps peuvent perturber les méthodes de communication et le fonctionnement des organes, et plus particulièrement ceux du cerveau. Toutes les implications de ces nouvelles recherches ne sont pas claires (et doivent être confirmées). Les scientifiques de l’Université Yale ont toutefois proposé un exemple de ce genre de perturbations, à savoir que les anticorps s’attaquent à un récepteur appelé orexine qui joue un rôle dans « la régulation de l’état de veille et de l’appétit ».

Idéalement, d’autres équipes de recherche découvriront d’autres voies de communication cellulaires qui sont touchées par la COVID de longue durée. La découverte de telles voies pourrait aider à expliquer pourquoi tant de systèmes organiques différents sont touchés et mener éventuellement à l’élaboration d’interventions susceptibles de faciliter le rétablissement des personnes atteintes. Il importe cependant de noter que l’activation de l’organisme par le système immunitaire ne peut expliquer nécessairement tous les aspects de la COVID de longue durée, les causes de laquelle risquent d’être plus complexes.

Inflammation et système immunitaire

Chez les personnes atteintes de COVID-19, les taux d’inflammation et d’activation immunitaires sont élevés. Dans un premier temps, ces réactions peuvent être utiles pour aider à maîtriser une infection, mais l’inflammation persistante risque d’endommager les tissus.

Certaines cellules du système immunitaire circulent partout dans l’organisme à la recherche de microbes et de tumeurs, et il leur arrive de se loger dans divers systèmes organiques pendant ces patrouilles. Si ces cellules ambulantes du système immunitaire ne fonctionnent pas normalement, elles risquent de libérer des signaux chimiques qui provoquent de l’inflammation dans les systèmes organiques. Certains scientifiques estiment que l’inflammation et l’activation immunitaire persistantes contribuent aux manifestations de la COVID de longue durée.

Fragments viraux

Il est possible que des fragments du SRAS-CoV-2 (ARN viral) ou des protéines de ce dernier persistent longtemps dans les profondeurs de certains organes et tissus. Il se peut que ce phénomène contribue également à la COVID de longue durée. Cela ne veut pas dire toutefois que les personnes souffrant de COVID de longue durée soient infectieuses et puissent transmettre le SRAS-CoV-2, car il n’existe pas de données probantes à cet égard.

Des expériences sur des souris infectées par d’autres coronavirus ont révélé que l’ARN viral persistait dans le cerveau de ces animaux après la phase aiguë de l’infection. Cet ARN viral continue d’être présent sans qu’il se trouve du coronavirus infectieux dans les souris. Les scientifiques ne sont pas certains pourquoi le virus persiste ainsi.

National Institutes of Health (NIH)

Le virologiste Avi Nath, M.D., des National Institutes of Health, figure parmi les nombreux chefs de file de la recherche scientifique qui ont commencé à s’intéresser à la COVID de longue durée. Dans une entrevue accordée à la revue Nature Methods, il parle des résultats préliminaires qu’il a obtenus en examinant les données recueillies auprès de plus de 200 personnes souffrant de COVID de longue durée. Selon le Dr Nath, on peut répartir les cas de COVID de longue durée dans les trois groupes généraux suivants en fonction des symptômes :

1. Problèmes touchant le système nerveux autonome (dysautonomie)

Le système nerveux autonome relie des parties du cerveau à de nombreux organes et systèmes importants. En temps normal, le système nerveux autonome fonctionne sans que la plupart des gens s’en aperçoivent. Ce système régule des fonctions comme la fréquence cardiaque, la respiration, la digestion, la miction, etc. Dans les cas de dysautonomie, le système nerveux autonome ne fonctionne pas normalement, ce qui peut provoquer divers symptômes, notamment des étourdissements en se redressant ou en se levant à cause d’une chute temporaire de la tension artérielle, la dysfonction érectile chez les hommes et des problèmes de digestion.

2. Brouillard cérébral

À propos des personnes souffrant de COVID de longue durée qui éprouvent ce problème, le Dr Nath a constaté qu’« elles sont incapables de se rappeler le nom de personnes et d’objets, et elles perdent leur notion du temps. Elles peuvent décrire ce qu’elles ont mangé pour le déjeuner, mais sont incapables de dire si c’était aujourd’hui ou la semaine dernière ». Certaines personnes éprouvent également des sautes d’humeur, y compris l’apparition d’une dépression grave.

3. Intolérance à l’exercice

L’intolérance à l’activité physique peut avoir de nombreuses causes, notamment des lésions pulmonaires, cardiaques ou vasculaires, ou d’autres problèmes. L’intolérance à l’exercice peut également être la conséquence de lésions dans le système nerveux autonome (dysautonomie). À ce propos, le Dr Nath a offert comme exemple l’expérience d’une cardiologue souffrant de COVID de longue durée. La femme en question s’épuise complètement en montant une seule volée d’escalier et doit passer le reste de la journée au lit pour s’en remettre. Selon le Dr Nath, une investigation exhaustive n’a pas permis aux médecins de la femme de découvrir une cause évidente pour expliquer ses symptômes.

Cachette cérébrale

De nombreux virus s’attaquent aux cellules du cerveau puis se logent à l’intérieur de cet organe. Comme nous l’avons déjà mentionné, il existe un autre coronavirus qui peut persister dans le cerveau des souris qu’il infecte. Les coronavirus appartiennent à une famille de virus plus grande appelée virus à ARN. Cette famille inclut le virus de la dengue, le virus Zika et le VIH, lesquels peuvent tous envahir le cerveau. Il est donc plausible que le SRAS-CoV-2 entre également dans le cerveau.

Le virus de la rougeole peut infecter des enfants non vaccinés et causer ainsi cette maladie. Selon le Dr Nath, il arrive que, « des mois ou même des années après s’être rétablis de la rougeole, certains enfants présentent une maladie mortelle appelée panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) ». Même si l’autopsie ne révèle aucun signe du virus de la rougeole dans le sang des enfants décédés, « si l’on regarde dans le cerveau, on y trouve beaucoup de virus », précise le Dr Nath. Selon ce dernier, dans de tels cas, le virus de la rougeole a muté considérablement et ne se comporte plus comme la souche virale que l’enfant a contractée initialement. Il est incapable de créer de nouveaux virus, mais seulement quelques protéines et de l’ARN viral. Ce virus gravement muté provoque une infection limitée dans le cerveau des enfants atteints de PESS en se déplaçant d’une cellule cérébrale à une autre.

À la lumière de ces constats se rapportant au virus de la rougeole, le Dr Nath affirme la possibilité que le SRAS-CoV-2 ait muté de façon significative à l’intérieur du cerveau des personnes souffrant de COVID de longue durée. Même si ce virus muté n’est pas infectieux pour les autres personnes, il s’est adapté à vivre dans le cerveau (ou dans un autre organe) de la personne touchée et s’y réplique tranquillement. Notons que l’idée selon laquelle des fragments du SRAS-CoV-2 persisteraient dans le cerveau n’est qu’une hypothèse que le Dr Nath et son équipe ont formulée pour tenter d’expliquer l’origine de la COVID de longue durée chez certaines personnes. Les NIH proposent de mener une étude qui utilisera une puissante technologie d’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour tenter de détecter des traces de SRAS-CoV-2 dans le cerveau de personnes souffrant de COVID de longue durée.

À l’avenir

La COVID de longue durée est un véritable casse-tête, et les scientifiques se dépêchent pour en trouver les causes et des traitements éventuels. Les idées et les données dont nous avons rendu compte dans cette section de TraitementActualités sont préliminaires. Les recherches se multiplieront à l’avenir pendant que les scientifiques tenteront de confirmer leurs résultats préliminaires concernant la COVID de longue durée.

—Sean R. Hosein

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