Une étude de la Clinique Mayo examine la COVID de longue durée et des tentatives de réadaptation
Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, certaines personnes faisant l’objet d’un diagnostic d’infection au SRAS-CoV-2 éprouvent des symptômes persistants auxquels on donne le nom de COVID de longue durée. Ces symptômes peuvent se manifester un mois ou davantage après la résolution des symptômes de l’infection aiguë.
À la Clinique Mayo située à Rochester, dans l’état de New York, on a créé un programme de réadaptation centré sur la COVID-19 (COVID-19 Activity Rehabilitation Programme ou CARP). Celui-ci a été conçu pour évaluer et traiter les personnes vivant aux prises avec la COVID de longue durée.
L’équipe de recherche responsable du CARP a publié un rapport sur les 100 premières personnes inscrites au programme entre juin et décembre 2020.
Les participants, dont la majorité se composait de femmes (68 %), étaient relativement jeunes (moyenne de 45 ans) et la plupart (75 %) n’avaient jamais été hospitalisés pour la COVID-19 aiguë.
Les symptômes courants de la COVID-19 aiguë incluaient les suivants :
- fatigue
- problèmes respiratoires
- problèmes neurologiques
- problèmes de sommeil
- problèmes de santé mentale
Environ 34 % des participants avaient de la difficulté à accomplir des tâches ménagères à cause de la fatigue, et 67 % d’entre eux n’avaient pas repris le travail à temps plein. Chose étonnante, les résultats de nombreuses analyses sanguines courantes se trouvaient dans les limites normales. Notons toutefois que les IRM effectuées lors d’une autre étude sur la COVID de longue durée ont révélé des signes de lésions tissulaires dans certains systèmes organiques importants.
Détails de l’étude
On a créé le CARP à partir d’un programme que des médecins avaient conçu pour orienter les interventions médicales lors d’éclosions de maladies à coronavirus antérieures comme le SRAS (2003-2004) et le MERS (2012 et plus tard).
Le CARP a trois objectifs principaux :
- Évaluer activement les affections associées à la COVID-19 et détecter les problèmes survenant durant le rétablissement des patients.
- Aider les patients à améliorer leur fonctionnement global et leur santé au moyen de la physiothérapie et de l’ergothérapie.
- Faciliter un retour au travail sécuritaire.
Les participants ont subi une série d’évaluations minutieuses, y compris l’analyse d’échantillons de sang au laboratoire, des échographies et des examens tomodensitométriques.
Voici une liste d’affections préexistantes courantes que l’on a découvertes chez les 100 premiers participants au programme :
- antécédents de dépression ou d’anxiété : 34 %
- asthme et autres problèmes respiratoires : 23 %
- hypertension : 19 %
- fatigue chronique : 4 %
- diabète : 3 %
Résultats
Voici une liste de problèmes courants que les participants éprouvaient lors de leur admission au CARP :
- fatigue : 80 %
- problèmes respiratoires : 59 % (le plus courant était l’essoufflement)
- problèmes neurologiques : 59 % (le plus courant était les maux de tête)
Les participants ont signalé d’autres problèmes aussi, dont les plus courants étaient les suivants :
- problèmes de mémoire et de cognition (capacité de penser clairement)
- problèmes de sommeil
- symptômes d’anxiété ou de dépression
Environ 84 % des participants ont signalé des difficultés liées aux activités suivantes :
- tâches ménagères
- conduite d’une voiture
- exercice physique
- tâches complexes au travail
Quand ils ont contracté l’infection au SRAS-CoV-2, 91 % des participants avaient un emploi. Au moment de chercher de l’aide auprès du programme CARP, 63 personnes avaient repris le travail. Sur ces 63 personnes, 46 % n’avaient pas besoin de limiter leurs activités professionnelles à cause de la COVID de longue durée.
Évaluations
Selon l’équipe de recherche du CARP, « il est intéressant que la plupart des tests se trouvent dans les limites normales ». Seulement deux échographies cardiaques sur 31 ont révélé des anomalies. Les tests de la fonction pulmonaire ont trouvé des anomalies chez quelques personnes seulement.
Système nerveux autonome
Les tests se rapportant au système nerveux autonome ont cependant révélé plus de problèmes. Le système nerveux autonome relie des parties du cerveau à de nombreux organes et systèmes importants de l’organisme. D’ordinaire, le système nerveux autonome fonctionne sans que la plupart des personnes s’en aperçoivent. Ce système sert à réguler de nombreuses fonctions, notamment la fréquence cardiaque, la respiration, la digestion, la miction et d’autres. Dans les cas de dysautonomie, le système nerveux autonome ne fonctionne pas normalement, et plusieurs symptômes peuvent se produire, dont les suivants : étourdissements en se redressant ou en se levant à cause d’une chute temporaire de la tension artérielle, dysfonction érectile chez les hommes et problèmes de digestion.
Au moment de la publication de l’étude menée à la Clinique Mayo, 15 participants avaient subi des évaluations des réflexes de leur système nerveux autonome. Les médecins ont découvert des anomalies chez 12 personnes sur 15. Ces 12 personnes ont été dirigées vers des neurologues pour recevoir plus d’aide.
À retenir
La plupart des personnes inscrites à cette étude étaient relativement jeunes (moyenne de 45 ans) et n’avaient pas été hospitalisées pour la COVID-19, mais elles souffraient tout de même de la COVID de longue durée.
Trois fois plus de femmes que d’hommes ont consulté pour des problèmes liés à la COVID de longue durée. L’équipe de recherche n’avait pas assez de données pour expliquer pourquoi la COVID de longue durée semblait toucher plus de femmes que d’hommes. Elle a cependant souligné qu’une différence semblable entre les sexes avait été constatée chez des personnes se remettant d’une infection causée par un membre de la famille des virus de l’herpès, soit l’EBV (virus Epstein Barr).
Les nombreux tests de laboratoire réguliers courants et même les échographies n’ont pas révélé d’anomalies graves chez les personnes souffrant de COVID de longue durée. Cela porte à croire que les tests courants sont inadéquats pour aider les médecins à diagnostiquer les causes sous-jacentes de la COVID de longue durée.
L’équipe de la Clinique Mayo a affirmé ceci : « Les patients ont rapporté que leurs symptômes affectant la cognition et l’humeur étaient souvent minimisés ou ignorés par les professionnels de la santé, ce qui est préoccupant parce que de nombreux symptômes [de la COVID de longue durée] ressemblent aux [conséquences] prolongées des traumatismes crâniens à propos desquels l’incapacité prolongée ou permanente de retourner au travail a été documentée ».
L’équipe a également affirmé que ses résultats « fournissent l’impulsion nécessaire à une évaluation exhaustive et à la prise en considération de tous les symptômes et de leur impact sur la capacité financière, autant au travail qu’à la maison ».
Interventions : avertissement au sujet de l’exercice
Le CARP offrait un volet de réadaptation cérébrale, ainsi qu’un service de physiothérapie et d’ergothérapie. En ce qui concerne l’introduction de l’exercice dans la vie des patients, les médecins procédaient avec prudence parce que des recherches antérieures sur le SRAS, le MERS et le syndrome de fatigue chronique avaient révélé que « l’activité excessive peut aggraver les symptômes et le fonctionnement de façon prolongée ».
Selon l’équipe de recherche, « on mettait beaucoup l’accent » sur le soutien psychosocial. On offrait un tel soutien parce que les participants exprimaient des sentiments d’« abandon, de culpabilité et de frustration » lors de leur première consultation auprès de l’équipe du CARP. De plus, l’équipe de recherche a constaté que plus de 25 % des participants « signalaient une augmentation des symptômes d’anxiété et de dépression par rapport à [ce qui était noté dans leurs dossiers médicaux d’avant le diagnostic de la COVID-19 aiguë] ». Le soutien psychosocial incluait l’aiguillage des patients vers un service de counseling et des spécialistes de la santé mentale.
Il importe de noter que cette étude a porté sur un nombre relativement faible de personnes et que les participants ont pris eux-mêmes les dispositions nécessaires pour s’y inscrire. Il est donc possible que ces résultats ne puissent être généralisés. Notons toutefois que le résultat se rapportant à la fréquence plus élevée de la COVID de longue durée chez les femmes fait écho aux résultats d’autres études. De plus, l’équipe d’une étude qui se poursuit aux National Institutes of Health des États-Unis a également constaté un taux élevé de troubles du système nerveux autonome.
La COVID de longue durée est mal comprise, et les recherches dans ce domaine en sont à leurs premiers balbutiements. Il faudra du temps pour répondre aux questions soulevées par cette affection mystérieuse et souvent invalidante.
—Sean R. Hosein
RÉFÉERENCES :
- Vanichkachom G, Newcomb R, Cowl CT, et al. Post COVID-19 syndrome (long haul syndrome): Description of a multidisciplinary clinic at the Mayo Clinic and characteristics of the initial patient cohort. Mayo Clinic Proceedings. 2021; sous presse.
- Dennis A, Wamil M, Alberts J, et al. Multiorgan impairment in low-risk individuals with post-COVID-19 syndrome: a prospective, community-based study. BMJ Open. 2021 Mar 30;11(3):e048391.