Tendances des causes de mortalité chez les personnes séropositives sur une période de 24 ans
Lorsqu’ils sont utilisés comme il se doit, les traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR) sont tellement efficaces que les scientifiques prévoient de plus en plus que de nombreuses personnes sous TAR connaîtront une espérance de vie quasi normale.
Pour mieux comprendre les facteurs susceptibles de réduire l’espérance de vie des personnes séropositives sous TAR, des scientifiques d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale ont regroupé des données recueillies entre 1996 et 2020.
Sur les 190 000 personnes figurant dans cette étude, près de 9 % sont décédées. Au cours de la période de 24 ans en question, le risque de décès global a baissé pour la plupart des participant·e·s. Au début, la cause de mortalité la plus fréquente était des complications liées au sida. Cependant, le nombre de décès de ce genre a baissé de façon marquée au cours de l’étude, alors que les décès dus aux maladies cardiaques et aux cancers (sans lien avec le VIH ou le foie) ont augmenté.
Il est troublant de constater que les décès liés à l’usage de drogues ont augmenté parmi les participant·e·s d’Amérique du Nord. Notons à ce propos que les femmes qui s’injectaient des drogues étaient plus à risque de mourir que les hommes qui s’injectaient des drogues.
L’équipe de recherche a recommandé des interventions pour améliorer la santé des personnes séropositives afin que les bienfaits du TAR profitent de manière plus équitable à diverses populations.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a analysé des données se rapportant à 189 301 personnes séropositives qui s’étaient inscrites à l’étude au moment où elles commençaient à suivre un TAR. Leur profil moyen était le suivant lors de leur admission :
- 77 % d’hommes, 23 % de femmes
- 37 ans
- 19 % avaient le sida
- 8 % des personnes étaient porteuses d’anticorps contre le virus de l’hépatite C (VHC), ce qui indique une exposition antérieure à ce dernier
Résultats
Au cours de l’étude, 16 832 personnes (9 %) sont décédées.
Voici les causes de décès les plus fréquentes :
- complications liées sida : 25 %
- cancer sans lien avec le sida ou l’hépatite : 14 %
- maladie cardiaque : 8 %
Notons que l’équipe de recherche ne disposait pas de données se rapportant à la cause de décès de 22 % des participant·e·s.
Tendances au fil du temps
Le taux de mortalité liée au sida a baissé au cours de l’étude, passant de près de 50 % pour la période de 1996 à 1999 à 19 % pour la période de 2016 à 2020.
Le risque de mortalité a baissé de façon marquée chez certaines populations, dont les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations avec des hommes (hommes gbHARSAH) et les hommes et les femmes ayant contracté le VIH lors d’un contact hétérosexuel.
Parmi les hommes qui ont contracté le VIH en partageant du matériel servant à l’usage de drogues, le risque de décès a baissé de façon modeste.
Parmi les femmes qui s’injectaient des drogues, le risque de décès a augmenté au fil du temps. Notons que les infections pulmonaires mortelles sont devenues plus fréquentes chez cette population.
Chez les personnes co-infectées par le VHC, le risque de décès n’a pas baissé autant que chez les personnes ne vivant pas avec cette co-infection.
Importance d’un compte de cellules CD4 élevé
En général, l’équipe de recherche a constaté que les personnes ayant un compte de CD4+ élevé (grâce au TAR) étaient moins susceptibles de mourir que les personnes ayant un compte de CD4+ plus faible.
L’Amérique du Nord comparativement à l’Europe
De façon générale, le déclin des risques de mortalité était plus marqué en Amérique du Nord qu’en Europe. Il importe toutefois de souligner une exception à cette tendance : chez les personnes qui utilisaient des drogues, le risque de décès au fil du temps était plus élevé en Amérique du Nord qu’en Europe occidentale. L’équipe de recherche a avancé l’explication suivante de cette différence :
- taux d’utilisation d’opioïdes plus élevés en Amérique du Nord
- risque accru de contamination des drogues en Amérique du Nord
- recours plus fréquent aux traitements de substitution aux opioïdes (buprénorphine et méthadone) en Europe occidentale
L’équipe de recherche n’avait pas accès à des données socioéconomiques importantes, telles les suivantes :
- niveau de scolarité
- revenu
- situation de logement
Ces facteurs auraient pu influer sur les taux de survie.
Besoin de ressources chez les femmes
Carole Séguin-Devaux, Ph. D., est scientifique au Luxembourg Institute of Health. Elle a commenté ainsi les résultats de cette étude dans la revue Lancet HIV : « les femmes qui s’injectent des drogues sont plus à risque de contracter le VIH parce qu’elles font face à des obstacles à l’accès aux services de réduction des méfaits et sont plus sujettes que les hommes à la stigmatisation, à la discrimination, à l’incarcération et à la violence fondée sur le genre ».
Mme Séguin-Devaux encourage les autorités de la santé à financer « des programmes de réduction des méfaits fondés sur des données probantes » pour venir en aide aux personnes qui utilisent des drogues.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Trickey A, McGinnis K, Gill MJ et al. Longitudinal trends in causes of death among adults with HIV on antiretroviral therapy in Europe and North America from 1996 to 2020: a collaboration of cohort studies. Lancet HIV. 2024 Jan 24: S2352-3018(23)00272-2.
- Seguin-Devaux C. HIV and people who inject drugs: inequality until death. Lancet HIV. 2024 Jan 24: S2352-3018(23)00295-3.
- Krentz HB, Lang R, McMillan J et al. The changing landscape of both causes and locations of death in a regional HIV population 2010-2021. HIV Medicine. 2024; sous presse.