Résultats détaillés de l’étude START
Des chercheurs de 35 pays situés sur tous les continents ont collaboré au recrutement de 4 685 adultes séropositifs en bonne santé pour l’étude START. Lors de leur admission à l’étude, tous les participants avaient un compte de CD4+ supérieur à 500 cellules/mm3. Les chercheurs ont réparti au hasard les participants pour recevoir l’une des interventions suivantes :
- introduction immédiate d’une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (TAR)
- report de la TAR jusqu’à ce que le compte de CD4+ atteigne le seuil de 350 cellules/mm3 ou qu’une maladie grave se déclare
Aux fins de notre rapport, les personnes qui ont reçu la première intervention porteront désormais la désignation de groupe de la TAR immédiate; pour leur part, les personnes qui ont reçu la deuxième intervention porteront la désignation de groupe de la TAR reportée.
Après une période de participation à l’étude de trois ans, les chercheurs ont constaté les événements suivants parmi les participants :
- TAR immédiate : 42 participants ont présenté une maladie grave ou sont morts
- TAR reportée : 96 participants ont présenté une maladie grave ou sont morts
Il est clair que l’utilisation de la TAR dès un stade précoce de l’infection au VIH réduit de plus de 50 % le risque de maladies graves liées au sida.
Chose surprenante, près de 70 % des cas de sida et d’autres affections graves parmi les participants à l’étude START se sont produits chez des personnes ayant plus de 500 cellules CD4+/mm3. Dans les pays à revenu élevé, la plupart des résultats défavorables étaient liés au cancer ou à des maladies cardiovasculaires. Ces résultats et d’autres de cette étude sont résumés ci-dessous.
Détails de l’étude
Les participants avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :
- âge : 36 ans
- 73 % d’hommes, 27 % de femmes
- durée de la séropositivité : un an
- compte de CD4+ : 651 cellules/mm3
- charge virale : 13 000 copies/ml
- tabagisme actif : 32 %
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs : 45 %; Noirs : 30 %; Latinos : 14 %; Asiatiques : 8 %
Les voies d’infection par le VIH courantes étaient les suivantes :
- relations sexuelles entre hommes : 55 %
- relations hétérosexuelles : 38 %
- produits sanguins contaminés : 5 %
- injection de drogues : 1 %
Les chercheurs ont choisi 2 326 participants pour recevoir la TAR immédiate et 2 359 pour recevoir la TAR reportée.
Résultats : maladies graves
Plus loin dans ce rapport nous parlerons en détail des événements cliniques majeurs (principales maladies) qui se sont produits au cours de l’étude START, mais pour le moment nous nous bornons à en résumer les résultats.
Les événements cliniques majeurs étaient répartis comme suit :
- TAR immédiate : 42 participants
- TAR reportée : 96 participants
Cette différence entre les deux groupes était significative du point de vue statistique, c’est-à-dire non attribuable au hasard seulement.
Les chercheurs ont constaté les deux bienfaits majeurs suivants chez les participants qui ont reçu la TAR immédiate :
- réduction de 72 % du risque relatif d’événements graves liés au sida
- réduction de 39 % du risque relatif d’événements graves non liés au sida (due principalement à une réduction du nombre de cancers non liés au sida)
Les maladies appartenant aux catégories spécifiques suivantes étaient plus susceptibles de se produire chez les participants qui ont reporté le traitement :
Événements graves liés au sida
- TAR immédiate : 14 cas
- TAR reportée : 50 cas
Événements graves non liés au sida
- TAR immédiate : 29 cas
- TAR reportée : 47 cas
Décès de n’importe quelle cause
- TAR immédiate : 12 cas
- TAR reportée : 21 cas
Tuberculose
- TAR immédiate : 6 cas
- TAR reportée : 20 cas
Sarcome de Kaposi
- TAR immédiate : un cas
- TAR reportée : 11 cas
Lymphome
- TAR immédiate : trois cas
- TAR reportée : 10 cas
Infections bactériennes graves
- TAR immédiate : 14 cas
- TAR reportée : 36 cas
Accent sur les maladies cardiovasculaires
Aux fins de cette étude, les chercheurs ont défini comme maladie cardiovasculaire le fait de subir l’un ou plusieurs des événements suivants :
- crise cardiaque
- AVC
- interventions visant à élargir ou à contourner des artères obstruées; ces vaisseaux sanguins approvisionnent le cœur en sang oxygéné nouveau. On effectue généralement deux interventions différentes de ce genre : (1) On implante un tube minuscule dans un vaisseau sanguin afin qu’il reste ouvert. (2) Un médecin peut extraire des vaisseaux sanguins de la jambe du patient et les implanter dans la poitrine pour permettre au sang oxygéné de contourner les artères obstruées et de parvenir au cœur. Ces interventions nécessitant la chirurgie portent le nom de revascularisation coronaire.
Au cours de l’étude START, les maladies cardiovasculaires ont figuré parmi les événements majeurs relativement courants.
Accent sur les cancers
Les cancers liés au sida courants suivants se sont produits au cours de l’étude START :
- sarcome de Kaposi (SK)
- lymphome (maladie de Hodgkin et lymphome non hodgkinien)
Des cancers non liés au sida touchant une large gamme de systèmes organiques se sont également produits. Toutefois, aucun des cancers spécifiques en question ne s’est produit fréquemment.
Événements liés au sida
Les événements couramment associés au sida suivants se sont produits :
- tuberculose
- sarcome de Kaposi
- lymphome
Les chercheurs ont constaté des différences dans la répartition des événements liés au sida. Par exemple, la majorité (62 %) des cas de tuberculose se sont produits chez des personnes vivant en Afrique. Rappelons que la tuberculose est relativement répandue dans certaines régions de ce continent, donc la répartition de cette maladie dans l’étude START ne devrait étonner personne.
En revanche, la majorité des cas de cancer (81 %) et de maladies cardiovasculaires (73 %) se sont produits dans les pays à revenu élevé.
Le SK est causé par un membre de la famille des virus de l’herpès appelé HHV-8 (herpès-virus humain 8). La croissance de lymphomes peut être déclenchée par l’infection par un autre virus de la famille des herpès appelé EBV (virus Epstein-Barr). Ces deux virus se transmettent par voie sexuelle et sont relativement courants chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, particulièrement ceux vivant dans les pays à revenu élevé qui ont participé à l’étude START. Ces virus ne causent pas normalement de problèmes, à moins que le système immunitaire de la personne touchée soit affaibli, en l’occurrence à cause du VIH.
À propos des effets indésirables
Le terme effet indésirable s’applique à certains résultats défavorables qui peuvent se produire lors d’un essai clinique, tels que les effets secondaires, etc. Il est possible que certains de ces événements ne soient pas causés par les médicaments ou les interventions utilisés dans l’étude en question.
Au cours de l’étude START, un total de 16 effets indésirables graves soupçonnés se sont produits chez 16 personnes. Il était plausible que tous ces 16 effets indésirables graves soupçonnés aient été causés par les médicaments à l’étude. Or, après avoir évalué les 16 cas, les chercheurs ont déterminé qu’il n’y avait généralement aucun lien entre la majorité d’entre eux et l’usage de médicaments anti-VIH.
Pour nourrir notre discussion, supposons que tous les 16 cas ont été causés d’une manière ou d’une autre par l’exposition aux médicaments anti-VIH (ce qui est très improbable). Si nous divisions ces 16 personnes par 3 421 (nombre total de participants suivant une TAR), le résultat équivaudrait à moins de la moitié d’un pour cent des participants. Ainsi, on peut dire avec confiance que les effets indésirables graves attribuables à la TAR ont été rares lors de l’étude START. Ce fait devrait rassurer les médecins et leurs patients.
On n’a constaté aucun risque accru d’effets indésirables graves dans l’un ou l’autre des deux groupes (TAR immédiate ou TAR reportée).
Trouvaille inattendue
Les chercheurs ont suivi de près le compte de cellules CD4+ des participants, et plus particulièrement lors de l’apparition de maladies graves. L’équipe de l’étude START a constaté un résultat inattendu, à savoir que la majorité des maladies graves (qu’elles soient liées au sida ou pas) se sont produites lorsque les comptes de cellules CD4+ étaient relativement élevés, soit 500 cellules/mm3 ou davantage.
Grâce à l’étude START, on dispose pour la première fois de données d’essais cliniques de grande qualité qui révèlent que les personnes séropositives dont le compte de CD4+ aurait naguère été considéré comme relativement élevé (plus de 500 cellules) sont sujettes à des maladies graves et en souffrent effectivement.
Hospitalisation et mortalité
Selon les chercheurs de l’étude START, 12 membres du groupe de la TAR immédiate et 21 membres du groupe de la TAR reportée sont morts. Cette différence n’est pas significative du point de vue statistique.
Les chercheurs ont signalé les causes de décès suivantes :
TAR immédiate : 12 décès
- sida, maladie active continue : une personne
- maladie cardiovasculaire : une personne
- mort subite, cause inconnue : deux personnes
- cancer non lié au sida : une personne
- accident/violence : quatre personnes
- cause inconnue : trois personnes
TAR reportée : 21 décès
- sida, maladie active continue : quatre personnes
- maladie cardiovasculaire : une personne
- cancer non lié au sida : une personne
- hépatite virale chronique : une personne
- insuffisance rénale : une personne
- infection : une personne
- diabète de type 2 : une personne
- accident/violence : trois personnes
- suicide : trois personnes
- abus de drogues/d’alcool : deux personnes
- cause inconnue : trois personnes
Un trou dans le système immunitaire
Les résultats de l’étude START soulignent l’urgence des exhortations à commencer la TAR peu de temps après le diagnostic de VIH. Ces résultats soulignent également la nature problématique de l’usage du compte de CD4+ comme mesure de l’état de santé général. Pendant de nombreuses années avant la tenue de l’étude START, les chercheurs et les médecins déconseillaient l’introduction de la TAR lorsque le compte de CD4+ se situait à 500 cellules ou plus. Cette pratique avait cours pour au moins les deux raisons suivantes :
- Il y a 15 ans, les médecins ont abaissé à 200 cellules/mm3 le seuil du compte de CD4+ recommandé pour commencer la TAR parce que les médicaments anti-VIH que l’on utilisait alors pouvaient causer de graves effets secondaires.
- La possibilité que des infections et des cancers potentiellement mortels puissent survenir chez des personnes ayant un compte de CD4+ égal ou supérieur à 500 cellules/mm3 semblait très peu probable.
Le fait que de telles complications se sont bel et bien produites durant l’étude START soulève l’enjeu suivant :
- Le compte de cellules CD4+ ne constitue pas une mesure très fiable de la force du système immunitaire. En effet, les résultats de l’étude START mettent en évidence les dommages graves infligés au système immunitaire dès les phases précoces de l’infection au VIH. À propos des dégâts immunologiques causés par le VIH, le coprésident de l’étude START Jens Lundgren, M.D., de l’Université de Copenhague, fait valoir qu’il existe « un trou dans le système immunitaire » qui se produit tôt dans le cours de l’infection et qui n’est pas facilement repérable lorsque le compte de CD4+ est utilisé pour évaluer la santé.
Points à prendre en considération
Selon les chercheurs, les résultats de l’étude START « fournissent aux décideurs, aux cliniciens et aux patients séropositifs les données nécessaires pour orienter les politiques relatives à l’introduction de la [TAR]. »
Un consensus international scientifique et médical croissant porte à croire que les médecins, les infirmiers et les agences importantes vont recommander de proposer immédiatement un traitement aux personnes recevant un diagnostic de séropositivité. Le Department of Health and Human Services (DHHS) des États-Unis a rédigé des lignes directrices qui recommandent l’introduction immédiate de la TAR sans égard au compte de CD4+. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiera des lignes directrices faisant une recommandation semblable. Les lignes directrices mises à jour du Royaume-Uni contiendront des conseils semblables reflétant les résultats de l’étude START.
De nombreux essais cliniques portant sur les aspects médicaux du VIH comptent une proportion relativement faible de femmes. L’étude START a résisté à cette tendance en recrutant une proportion significative de femmes, soit près de 27 %. On peut donc affirmer que les résultats de l’étude START s’appliquent également aux femmes.
L’avantage de commencer la TAR tôt dans le cours de l’infection au VIH est clair, car elle permet de réduire considérablement et de manière significative le risque d’infections et de cancers graves. À titre d’exemple, notons que les personnes qui ont commencé immédiatement la TAR ont bénéficié d’une réduction de 72 % de leur risque de présenter des infections et des cancers graves liés au sida. L’introduction immédiate de la TAR a également donné lieu à une réduction de 39 % du risque relatif de cancers non liés au sida. Ce résultat a poussé les chercheurs de l’étude START à affirmer que l’amorce immédiate de la TAR avait « des effets positifs de large portée » sur la santé.
Selon l’équipe de l’étude START, « la plupart des infections liées au sida et non liées au sida se sont produites lorsque les patients avaient un compte de cellules CD4+ élevé ». De plus, les chercheurs ont souligné qu’« une proportion considérable des bienfaits du traitement immédiat est attribuable à des changements induits par la [TAR] dans des [cellules et/ou protéines sanguines] autre que les cellules CD4+ ». Cette observation souligne les nombreuses lacunes qui persistent dans notre compréhension du système immunitaire, ainsi que le fait que même les personnes ayant plus de 500 cellules CD4+/mm3 courent le risque de tomber gravement malades si elles n’ont pas encore commencé la TAR.
Les chercheurs ont en outre souligné que, même parmi les personnes dont la charge virale a chuté à moins de 50 copies/ml suite à l’introduction de la TAR, « le risque de sida n’était pas de zéro ». Selon les chercheurs, ce résultat signifie que « les dommages au système immunitaire pourraient se produire tôt dans le cours de l’infection au VIH ». Ce constat fournit une raison convaincante pour commencer la TAR dès que possible après le diagnostic de l’infection au VIH. Il souligne aussi la nécessité pour les chercheurs d’étudier davantage le système immunitaire et de trouver des moyens plus fiables d’en évaluer la santé.
Lors d’autres études, on a montré que la TAR faisait diminuer la quantité de VIH dans le sang et réduisait ainsi énormément le risque de transmettre le VIH par voie sexuelle. Ce résultat provenant d’autres études constitue une autre raison convaincante d’inciter les personnes séropositives à envisager de commencer la TAR dès que possible après le diagnostic.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Lundgren J, Babiker A, Gordin F, et al. The START study: design, conduct and main results. In: Program and abstracts of the 8th IAS Conference on HIV Pathogenesis, Treatment and Prevention, 19-22 July 2015. Abstract MOSY0302.
- Grinsztejn B, Hosseinipour MC, Ribaudo HJ, et al. Effects of early versus delayed initiation of antiretroviral treatment on clinical outcomes of HIV-1 infection: results from the phase 3 HPTN 052 randomised controlled trial. Lancet Infectious Diseases. 2014 Apr;14(4):281-90.