Une étude annonce un changement important dans les soins et le traitement
Historiquement, les décisions concernant le moment de commencer une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelée TAR) étaient fondées sur différents niveaux (ou seuils) du compte de cellules CD4+ dans le sang. Les seuils en question étaient choisis pour aider les médecins à trouver l’équilibre entre les bienfaits du traitement et le risque d’effets secondaires. La recherche de cet équilibre était particulièrement importante parce que les combinaisons de médicaments anti-VIH plus anciens avaient tendance à provoquer de nombreux effets secondaires et nécessitaient la prise de nombreux comprimés plusieurs fois par jour.
En 2015, les principales lignes directrices thérapeutiques des États-Unis ont simplifié considérablement le choix du traitement initial du VIH. Les possibilités sont devenues moins nombreuses et plus claires : désormais, la combinaison initiale qui constitue le régime devrait avoir comme « colonne vertébrale » soit un inhibiteur de l’intégrase, soit l’inhibiteur de la protéase darunavir (Prezista).
De façon générale, les inhibiteurs de l’intégrase sont sûrs et bien tolérés et peuvent réduire rapidement la quantité de VIH dans le sang lorsqu’ils sont utilisés en combinaison avec d’autres traitements. Disponibles depuis 10 ans dans les pays à revenu élevé, les traitements à base de darunavir sont puissants et généralement bien tolérés.
À propos des cellules CD4+
Le compte de cellules CD4+ est un test sanguin important qui permet de suivre l’état de santé général du système immunitaire. Il s’agit du nombre de cellules CD4+ dans une goutte (ou mm cube) de sang. En général, dans le contexte de l’infection au VIH, plus il y a de cellules CD4+, mieux c’est. Dans un autre rapport apparaissant plus loin dans ce numéro de TraitementSida, nous discutons d’autres enjeux liés au compte de CD4+. Nous parlons notamment des chercheurs qui interprètent les nouvelles données dans le but de déterminer ce que la gamme normale du compte de CD4+ devrait être.
Un seuil changeant
Comme nous l’avons déjà mentionné, les discussions sur le moment de commencer la TAR se centraient autrefois généralement sur le compte de CD4+. Historiquement, on reportait habituellement le traitement jusqu’à ce que le compte de CD4+ chute et que les défauts du système immunitaire induits par l’infection au VIH augmentent considérablement le risque d’infections et de cancers graves, c’est-à-dire les signes classiques du sida.
Toutefois, le seuil indiqué pour l’introduction de la TAR n’a cessé de grimper depuis 15 ans, passant d’abord d’un nadir de 200 cellules/mm3 à 350 cellules puis à 500 cellules. Dans la version la plus à jour des lignes directrices américaines, on recommande de commencer immédiatement le traitement, quel que soit le compte de CD4+.
Les lignes directrices des États-Unis sont produites sous l’égide du ministère fédéral de la santé de ce pays, qui porte le nom de Department of Health and Human Services (DHHS). Depuis plusieurs années, les lignes directrices du DHHS encouragent l’amorce plus précoce de la TAR. Ce changement a été motivé par les recherches émergentes se rapportant à deux facteurs importants :
- Le VIH nuit au système immunitaire longtemps avant que la chute importante du compte de CD4+ commence.
- Souvent, la TAR fait passer la charge virale dans le sang sous le seuil des 50 ou 40 copies/ml (selon le test utilisé) et, par conséquent, réduit considérablement le risque de transmission sexuelle du VIH.
Récemment, un rapport détaillé sur l’étude START, un grand essai clinique rigoureusement conçu qui a duré plusieurs années, a fourni des données probantes permettant de recommander l’amorce de la TAR dès le diagnostic de l’infection au VIH.
Résumé de l’étude START
Les résultats de l’étude START indiquent que les personnes séropositives qui ne suivent pas de TAR et dont le compte de CD4+ est supérieur à 500 cellules/mm3 (un seuil parfois considéré comme la limite inférieure de la gamme normale) courent un risque considérablement plus élevé de souffrir d’infections potentiellement mortelles, de cancers et de complications cardiovasculaires que les personnes séropositives ayant un compte de CD4+ semblable qui ont commencé la TAR relativement précocement dans le cours de l’infection au VIH. De plus, les effets secondaires graves étaient rares lors de l’étude START, se produisant chez moins de 1 % des participants.
Les résultats de l’étude START sont solides et marquent un accomplissement majeur en médecine :
- Ils soulignent les conséquences dangereuses du non-traitement de l’infection au VIH, même chez les personnes ayant un compte de CD4+ relativement élevé qui sont infectées depuis relativement peu de temps.
- Ils soulignent le besoin de davantage de recherches sur les façons dont le VIH nuit au système immunitaire.
- Ils confirment la puissance, l’efficacité et l’innocuité de la TAR.
Vers l’avenir
Si l’on souhaite que les bienfaits révélés par l’étude START se concrétisent, on devra multiplier les occasions de dépistage du VIH. De plus, il sera nécessaire d’intégrer davantage le système de santé afin que les personnes recevant un diagnostic de VIH puissent être rapidement dirigées vers des soins, un counseling et l’offre d’un traitement.
Il va de soi que les patients nouvellement diagnostiqués auront besoin de soutien et d’éducation au sujet des bienfaits de la TAR précoce et des moyens de bien vivre avec l’infection au VIH. De plus, ils auront peut-être besoin de recevoir un counseling sur l’observance (aptitude à prendre ses médicaments tous les jours en suivant les instructions à la lettre) de la part d’un infirmier ou d’un pharmacien et de s’exercer à prendre les médicaments pendant quelques semaines avant de commencer la TAR (certains médecins, infirmiers et pharmaciens utilisent de petits bonbons comme les Smarties à cette fin).
En outre, les cliniques et les hôpitaux devront faire preuve de vigilance pour s’assurer que les patients qu’ils soignent sont en mesure de prendre la TAR tous les jours en suivant les prescriptions à la lettre afin que leur charge virale atteigne le plus rapidement possible un faible niveau (couramment qualifié d’« indétectable ») et qu’elle s’y maintienne.
Notre prochain rapport rend compte des résultats détaillés de l’étude START.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Panel on Antiretroviral Guidelines for Adults and Adolescents. Guidelines for the use of antiretroviral agents in HIV-1-infected adults and adolescents. Department of Health and Human Services. Disponible à l’adresse : http://aidsinfo.nih.gov/contentfiles/lvguidelines/AdultandAdolescentGL.pdf.