Reprise des essais cliniques de l’islatravir

À la fin de 2021, la compagnie pharmaceutique Merck a annoncé la suspension de plusieurs essais cliniques du médicament anti-VIH expérimental islatravir. Merck a agi ainsi parce que des analyses de données provisoires d’essais cliniques révélaient que certaines personnes recevant des doses relativement élevées de ce médicament (0,75 mg et 2,25 mg par jour) présentaient des taux inférieurs à la normale d’un groupe de cellules sanguines particulières.

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Les cellules en question s’appellent des lymphocytes (lymphocytes T, lymphocytes B et cellules tueuses naturelles). Ces cellules sont nécessaires pour contenir les infections, combattre les tumeurs et réguler le système immunitaire. On peut heureusement affirmer qu’aucune des personnes présentant un faible taux de lymphocytes sous l’effet de doses relativement élevées d’islatravir n’est tombée malade.

Les taux de lymphocytes ont diminué durant la première année d’utilisation de l’islatravir à dose élevée puis se sont stabilisés. Autrement dit, aucune réduction additionnelle ne s’est produite sous l’effet d’une dose élevée de ce médicament. Cela est rassurant et laisse penser qu’aucun effet délétère permanent ne s’est produit. De plus, lorsque les personnes touchées ont cessé de prendre l’islatravir ou qu’elles ont commencé à en prendre une dose moins élevée (0,25 mg par jour), les taux de lymphocytes se sont mis à augmenter graduellement. Chez certaines personnes, ce rétablissement des taux de lymphocytes a mis plus de six mois à se produire. Des scientifiques continuent de suivre toutes les personnes traitées par une dose élevée d’islatravir. 

Une dose réduite et plus sûre d’islatravir

Depuis les événements mentionnés ci-dessus, des scientifiques chez Merck ont entrepris des analyses approfondies de diverses doses d’islatravir dans le cadre d’expériences de laboratoire sur des cellules et des animaux, ainsi que dans le cadre d’expériences chez des humains. Leurs analyses donnent à penser que l’utilisation d’une dose plus faible d’islatravir (0,25 mg par jour) serait sans doute beaucoup plus sécuritaire. Jusqu’à présent, aucune réduction des taux de lymphocytes n’a été constatée chez les personnes recevant cette dose plus faible. La dose de 0,25 mg par jour fera l’objet de plusieurs essais cliniques dont le lancement est prévu dans la première moitié de 2023.     

Dans certains essais, Merck prévoit tester un schéma thérapeutique associant l’islatravir à faible dose et un autre médicament anti-VIH appelé doravirine (Pifeltro). Notons que ce dernier est déjà approuvé pour le traitement du VIH. Cette approche fondée sur l’usage d’une dose réduite de l’islatravir dans les essais cliniques a été approuvée par les agences de réglementation des États-Unis (Food and Drug Administration) et d’autres pays à revenu élevé. Merck va mettre l’islatravir à faible dose à l’épreuve chez les populations suivantes :

  • personnes séropositives n’ayant jamais suivi de traitement contre le VIH
  • personnes séropositives sous TAR ayant une charge virale supprimée qui remplaceront leur traitement en cours par un schéma thérapeutique à base d’islatravir

Merck coopère à l’heure actuelle avec une autre compagnie pharmaceutique, Gilead Sciences, afin de mettre au point un traitement fondé sur l’islatravir et le lénacapavir (ce dernier est fabriqué par Gilead). Les deux compagnies mettront à l’épreuve une association de ces deux médicaments, soit le lénacapavir (décrit en détail plus loin dans ce numéro de TraitementActualités) et l’islatravir à faible dose.

PrEP

Merck a déjà mené une étude sur l’islatravir à prise mensuelle pour évaluer sa capacité de réduire le risque de transmission du VIH. Lorsqu’une personne prend des médicaments pour réduire son risque de contracter le VIH, il s’agit d’une prophylaxie pré-exposition (PrEP). Cependant, en raison des problèmes déjà mentionnés associés à l’islatravir à dose élevée, la compagnie a mis fin à cet essai. Merck n’a pas l’intention de reprendre l’évaluation de l’islatravir une fois par mois en utilisant une dose plus faible de ce dernier.

Islatravir comme modèle

L’islatravir appartient à une nouvelle classe de médicaments contre le VIH appelés inhibiteurs du transfert de la transcriptase inverse (inhibiteurs du transfert de la TI). Cette classe de médicaments agit en entravant l’action d’une enzyme virale vitale appelée TI dont le VIH a besoin pour infecter les cellules. Les inhibiteurs du transfert de la TI perturbent également la capacité du VIH à envahir une cellule et à s’accaparer ses fonctions. Il est possible que les inhibiteurs du transfert de la TI exercent aussi d’autres actions contre le VIH qui sont moins bien comprises. Comme l’islatravir est le premier inhibiteur du transfert de la TI à atteindre le stade des essais cliniques, il servira de modèle à cette nouvelle classe.

Nouveau médicament

Merck a également mis au point un médicament expérimental portant le nom de code MK-8527. Ce dernier est également un inhibiteur du transfert agissant contre la TI. Ce médicament a un potentiel comme traitement à longue durée d’action. À l’heure actuelle, cependant, l’étude sur le MK-8527 vise surtout à établir son innocuité et à déterminer pendant combien de temps le médicament demeure dans le corps.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Merck. Merck to initiate new phase 3 clinical program with lower dose of daily oral islatravir in combination with doravirine for treatment of people with HIV-1 infection. Communiqué de presse. 20 septembre 2022.
  2. Auger A, Beilhartz GL, Zhu S et al. Impact of primer-induced conformational dynamics of HIV-1 reverse transcriptase on polymerase translocation and inhibition. Journal of Biological Chemistry. 2011 Aug 26;286(34):29575-83.