Ce qu’il faut savoir sur les superanticorps

Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, plusieurs superanticorps (également appelés anticorps neutralisants à large spectre ou bNAb) sont en cours de développement. Ces anticorps ont été conçus très spécifiquement pour s’attacher au VIH et l’empêcher d’infecter les cellules. Ce sont des agents expérimentaux qui ne sont pas approuvés pour le traitement ou la prévention du VIH à l’heure actuelle. Dans les essais cliniques, certains de ces superanticorps ont réussi à maintenir l’inhibition du VIH, au moins pour une certaine période.

Le rôle optimal que pourront jouer les superanticorps n’a pas encore été établi, mais de nombreux essais cliniques sont prévus. L’un des avantages de ces agents réside dans le fait qu’il suffit de les administrer une fois tous les six mois, le plus souvent par perfusion intraveineuse.

Voici quelques points à retenir au sujet des superanticorps :

Admissibilité

Avant de pouvoir recevoir des superanticorps, les personnes séropositives devront passer un test pour déterminer si leur VIH est susceptible de répondre à leurs effets. Si les anticorps sont approuvés, il sera important que le coût de ces tests soit relativement faible, ou encore les compagnies pharmaceutiques devront le prendre en charge.

Coût

Notons que des anticorps qui visent efficacement des cibles très spécifiques ont été mis au point pour le traitement de maladies inflammatoires (telles que l’arthrite, la maladie de Crohn, la colite et le psoriasis) et du cancer. Dans ces cas, les compagnies pharmaceutiques exigent des prix élevés pour ces traitements. Si les bNAb sont approuvés un jour pour la prévention et le traitement du VIH, il reste à voir combien ils coûteront.

Administration

Les anticorps doivent être administrés par voie intraveineuse ou injection sous-cutanée (juste en dessous de la peau). Comme certaines personnes préfèrent éviter les injections, il n’est pas clair si les traitements à base d’anticorps seront utilisés à grande échelle ou pas.

Un, deux ou trois?

Quel est le nombre optimal d’anticorps à utiliser? Rappelons que le VIH pourrait muter rapidement à l’intérieur des cellules et acquérir conséquemment une résistance à un anticorps particulier. Il est donc possible que, en matière d’utilisation de superanticorps, la priorité soit donnée aux personnes dont la charge virale est déjà inhibée ou faible. Il est probable que le VIH aurait plus de difficulté à devenir résistant à deux anticorps ou davantage s’ils étaient utilisés en même temps. Il reste à déterminer le nombre optimal de superanticorps à donner aux gens. Les perfusions devraient-elles inclure au moins deux ou trois anticorps administrés le même jour?

Un virus sachant se cacher

Des cellules infectées par le VIH peuvent pénétrer dans les régions profondes du cerveau et des organes lymphoïdes comme la rate et les testicules. Il est possible que ces anticorps aient de la difficulté à s’accumuler en concentrations élevées dans ces organes et certaines autres parties du corps. Ainsi, lorsque des anticorps seront utilisés à des fins thérapeutiques, il sera probablement nécessaire de les associer à des médicaments anti-VIH conçus pour pénétrer dans le cerveau, la rate et d’autres réservoirs de virus.

Des superanticorps sont également en cours de développement dans le cadre d’efforts visant la guérison de l’infection au VIH. Pour atteindre cet objectif, des superanticorps feront partie de plusieurs approches différentes dans le cadre d’essais cliniques. Comme ces derniers en sont à leurs premiers balbutiements, il reste à déterminer quels médicaments expérimentaux il faudra associer aux superanticorps pour faire avancer la recherche d’un remède contre le VIH.

Les superanticorps constituent une nouveauté passionnante, mais des études seront nécessaires pour aborder les enjeux que nous venons de souligner.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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