Lénacapavir + superanticorps

Des scientifiques ont mis au point des superanticorps (également appelés anticorps neutralisants à large spectre ou bNAb) qui sont généralement très actifs contre le VIH dans les expériences de laboratoire sur des cellules et des virus, ainsi que lors d’études sur des animaux. Ces anticorps se lient au VIH afin de l’empêcher de s’attacher au récepteur CD4 sur la surface des cellules, ce qui rend le VIH incapable d’infecter les cellules.

Gilead Sciences met au point les deux bNAb suivants :

  • téropavimab (Tab)
  • zinlirvimab (Zab)

Comme ces deux anticorps restent longtemps dans le corps après l’administration (intraveineuse), une dose tous les six mois suffit.

Gilead est en train de tester cette combinaison d’anticorps en association avec un médicament antiviral appelé lénacapavir, qui est un inhibiteur de la capside. Lors d’expériences de laboratoire sur des cellules, le traitement associant ces trois agents s’est révélé puissant. De plus, des tests préliminaires chez des humains laissent croire que cette association de médicaments est très efficace. Lors d’une étude, l’inhibition virale s’est maintenue pendant six mois après l’administration chez 18 personnes sur 20.

L’un des inconvénients des traitements par anticorps tient au fait que les patient·e·s pressenti·e·s doivent passer des tests pour déterminer si leur VIH est susceptible de répondre aux anticorps. Or, ce genre de dépistage ne se fait pas encore de façon routinière.

Lors d’une étude, l’équipe de recherche a inscrit des personnes dont le VIH était sensible à au moins un des anticorps. Les participant·e·s dont la charge virale était déjà inhibée sous l’effet d’un traitement oral (ou par d’autres médicaments) ont été réparti·e·s au hasard pour recevoir un des schémas thérapeutiques à longue durée d’action suivants :

  • lénacapavir + Tab à 30 mg/kg de poids corporel + Zab à 10 mg/kg : 5 personnes
  • lénacapavir + Tab à 30 mg/kg + Zab à 30 mg/kg : 6 personnes

Toutes ces personnes ont cessé de prendre leur traitement par voie orale en cours pour passer immédiatement à l’un des traitements expérimentaux.

Les médicaments ont été injectés une seule fois, et les participant·e·s ont été suivi·e·s pendant 26 semaines. Après cette période, les participant·e·s ont recommencé un TAR quotidien standard par voie orale.

Le lénacapavir a été administré par voie orale en une dose de 600 mg aux jours 1 et 2 de l’étude. Il a également été administré par injection sous-cutanée en une dose de 927 mg au jour 1.

Les anticorps ont été administrés par voie intraveineuse au jour 1.

Une personne recevant la dose de 10 mg de l’anticorps Zab a quitté l’étude parce qu’elle a contracté une infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB). Tou·te·s les autres participant·e·s ont terminé l’étude.

Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :

  • âge : 49 ans
  • 3 femmes et 8 hommes
  • poids : 86 kg
  • compte de CD4+ : 916 cellules/mm3
  • durée du TAR précédent : 4 ans
  • temps écoulé depuis le diagnostic de VIH : 16 ans

Résultats : innocuité

Tous les effets indésirables se rapportaient à l’injection sous-cutanée du lécanapavir, dont rougeur, douleur, enflure et démangeaisons cutanées. Ces effets étaient légers et temporaires. Aucun effet indésirable n’a été associé à la perfusion d’anticorps, et aucun résultat de laboratoire anormal n’a été signalé.

Résultats virologiques

Les six personnes recevant la dose plus élevée de Zab (30 mg/kg) ont toutes maintenu l’inhibition virale jusqu’à la fin de l’étude. En revanche, chez le groupe recevant la dose plus faible de Zab (10 mg/kg), l’inhibition virale s’est maintenue chez deux personnes sur cinq seulement.

Tou·te·s les participant·e·s avaient des titres élevés des anticorps dans le sang.

Accent sur le rebond viral chez deux personnes

Chez un participant, le VIH a répondu partiellement à l’anticorps Tab. Chez ce dernier, l’inhibition virale s’est maintenue jusqu’à la semaine 25 à peu près, puis sa charge virale a augmenté jusqu’à 72 copies/ml. Cet homme a alors recommencé son TAR précédent par voie orale, et sa charge virale a été inhibée à nouveau.

Chez une autre participante, le VIH a répondu à l’anticorps Tab mais est devenu moins sensible aux effets de l’anticorps Zab. Cette participante avait un faible taux de VIH détectable depuis le début de l’étude. Pendant celle-ci, sa charge virale a augmenté jusqu’à 112 copies/ml puis a baissé subséquemment jusqu’à 55 copies/ml à la semaine 26. Elle a recommencé son TAR par voie orale, mais sa charge virale est redevenue détectable un an plus tard, même si elle se maintenait sous la barre des 100 copies/ml.

Aucune résistance aux traitements n’a été détectée chez ces deux personnes.

À retenir

Le traitement associant le lénacapavir et des superanticorps s’est généralement révélé sûr, et la dose plus élevée de Zab a été plus efficace. D’autres essais cliniques sont prévus auprès de personnes dont le VIH est très sensible aux effets des deux anticorps.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Eron JJ, Cook PP, Mehrotra M et al. Lenacapavir Plus bNAbs for People With HIV and Sensitivity to Either Teropavimab or Zinlirvimab. Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes, 3 au 6 mars 2024. Résumé 120.