Changements de poids sous l’effet de différents inhibiteurs de l’intégrase
Des équipes de recherche de 30 cliniques d’Espagne ont mené une étude nommée Paso Doble. Aux fins de cette étude, les équipes ont réparti au hasard des participant·e·s qui suivaient un traitement contre le VIH (traitement antirétroviral ou TAR) et qui avaient une charge virale inhibée en deux groupes pour recevoir un des traitements suivants :
- dolutégravir + 3TC (Dovato) : 277 personnes
- bictégravir + TAF + FTC (Biktarvy) : 276 personnes
Les schémas thérapeutiques utilisés avant l’étude incluaient des médicaments comme l’éfavirenz (85 %) et le ténofovir DF. Personne n’avait suivi auparavant de traitement contenant le bictégravir ou le dolutégravir, et personne n’avait la co-infection par le virus de l’hépatite B.
Les équipes de recherche ont évalué les changements de poids et comptent analyser à l’avenir les changements éventuels dans les cellules adipeuses à l’aide de biopsies et d’examens de balayage permettant de déceler des signes d’accumulation de graisse dans le foie, de problèmes métaboliques et de vieillissement prématuré.
Au début de l’étude, les participant·e·s avaient le profil moyen suivant :
- âge : 50 ans
- 27 % étaient de sexe féminin à la naissance, et 73 % étaient de sexe masculin
- durée du TAR : 12 ans
- temps écoulé depuis l’inhibition de la charge virale à moins de 50 copies/ml : 100 mois
- compte de CD4+ : 700 cellules/mm3 (9 % des participant·e·s avaient moins de 300 CD4+ cellules/mm3)
- surpoids ou obésité : 50 %
Résultats
Les essais cliniques antérieurs de cette association de médicaments s’étaient concentrés sur l’efficacité. Lors des études en question, l’efficacité de Dovato s’est révélée semblable à celle de Biktarvy (en statistique, le terme employé pour décrire un tel résultat est efficacité non inférieure).
Les résultats obtenus dans l’étude espagnole faisaient écho à ceux des études mentionnées ci-dessus. À la semaine 48, la charge virale était inhibée (moins de 50 copies/ml) chez les participant·e·s dans les proportions suivantes :
- Dovato : 93 %
- Biktarvy : 90 %
Hausses ponctuelles de la charge virale
Parfois, après l’atteinte de l’inhibition du VIH, la charge virale augmente temporairement et atteint un niveau peu élevé mais détectable. Les causes de ces augmentations incluent des infections (rhume, grippe, infections transmissibles sexuellement), des vaccinations ou encore des allergies saisonnières. De façon générale, la charge virale redevient indétectable après quelque temps. On appelle couramment une telle augmentation temporaire de la charge virale un blip.
Les participant·e·s ont connu des blips (défini comme une charge virale entre 50 et 199 copies/ml) dans les proportions suivantes :
- Dovato : 6 %
- Biktarvy : 9 %
Cette différence n’est pas significative du point de vue statistique.
Une seule personne a subi un échec virologique, soit une charge virale se maintenant au-dessus de 200 copies/ml de façon persistante. Cette personne recevait Biktarvy.
Aucun changement significatif n’a été constaté dans les comptes de cellules CD4+.
Effets indésirables
Des effets indésirables ont été signalés, mais ils étaient généralement légers ou modérés et temporaires.
Douleurs musculaires/osseuses
- Dovato : 20 %
- Biktarvy : 19 %
Problèmes gastro-intestinaux
- Dovato : 14 %
- Biktarvy : 9 %
Problèmes neuropsychiatriques
- Dovato : 10 %
- Biktarvy : 13 %
Les équipes ont signalé les abandons prématurés suivants :
- Dovato : 1 personne éprouvant un malaise général, ainsi que douleurs musculaires/osseuses
- Biktarvy : 2 personnes éprouvant des problèmes de sommeil
Poids
Dans l’ensemble, les participant·e·s ont pris du poids, comme suit :
- Dovato : gain de 1 kg
- Biktarvy : gain de 2 kg
Il importe de signaler que le TAR n’exerce pas les mêmes effets chez tout le monde; il arrive que certaines personnes prennent du poids alors que d’autres en perdent, et d’autres encore maintiennent un poids stable.
Les participant·e·s ont pris 5 % de leur poids initial avant la 48e semaine dans les proportions suivantes :
- Dovato : 20 %
- Biktarvy : 30 %
Selon les équipes de recherche, une augmentation de 5 % ou plus du poids d’avant l’étude était plus probable chez les personnes qui avaient utilisé auparavant l’abacavir ou le ténofovir DF et qui sont passées à Biktarvy. Un tel effet n’a pas été observé chez les personnes traitées antérieurement par abacavir ou ténofovir DF qui ont reçu subséquemment l’association dolutégravir + 3TC.
Les équipes de recherche n’ont pas constaté de changements dans les proportions de personnes en surpoids ou obèses dans le groupe recevant l’association dolutégravir + 3TC; ces proportions ont toutefois augmenté chez les personnes recevant Biktarvy.
À retenir
Les deux schémas thérapeutiques évalués dans cette étude sont très efficaces et se tolèrent bien au fil du temps. Dans l’ensemble, les prises pondérales observées sous l’effet de Biktarvy ont été modestes (2 kg) et étaient associées à l’usage antérieur d’autres médicaments (abacavir ou ténofovir DF). En moyenne, les personnes recevant l’association dolutégravir + 3TC ont pris un kilogramme.
Après analyse des TAR déjà utilisés, les équipes de recherche n’ont pas constaté de lien entre l’usage antérieur d’éfavirenz et un risque accru de prise de poids après le passage à Biktarvy.
Des analyses additionnelles sont nécessaires pour évaluer les accumulations de graisse abdominale, et tout particulièrement autour du foie. Les équipes espagnoles ont interrogé les participant·e·s au sujet de leur alimentation et de leur activité physique, mais n’ont pas encore analysé les données recueillies.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Ryan P, Blanco JL, Masia M et al. Non-inferior efficacy and less weight gain when switching to DTG/3TC than when switching to BIC/FTC/TAF in virologically suppressed people with HIV (PWH): the PASO-DOBLE (GeSIDA 11720) randomized clinical trial. 25e Conférence internationale sur le sida, Munich, Allemagne, 22 au 26 juillet 2024. Résumé OAB3606LB