Étude de faible envergure sur l’association dolutégravir + 3TC chez des personnes lourdement traitées

L’association dolutégravir + 3TC (vendu sous le nom de Dovato) est une option de plus en plus utilisée pour le traitement du VIH. Comme ce traitement associe deux médicaments (au lieu de trois, qui est la norme historique depuis 1996), les médecins utilisent cette association avec prudence. De façon générale, on n’y a pas recours pour traiter les personnes dont le VIH a acquis une résistance au 3TC ou à d’autres médicaments. Notons que la résistance au 3TC est relativement courante.

Dans le laboratoire du regretté scientifique Mark Wainberg de l’Université McGill, une équipe a constaté que les VIH qui acquéraient une résistance au 3TC ne se répliquaient pas aussi rapidement que les virus non résistants.

Lors d’une étude appelée Solar-3D, une équipe de recherche américaine travaillant indépendamment de toute compagnie pharmaceutique a recruté des participant·e·s consécutif·ve·s entre 2019 et 2020 pour un essai clinique. La durée initialement prévue de cette étude, soit 96 semaines, a été prolongée jusqu’à 144 semaines. Tous les comptes de CD4 étaient acceptés. Les participant·e·s devaient répondre à au moins un des critères suivants : 

  • sous TAR mais sans jamais avoir atteint une charge virale indétectable (moins de 50 copies/ml)
  • après atteinte initiale d’une charge virale indétectable, augmentation subséquente de celle-ci à plus de 200 copies/ml
  • résistance documentée du VIH à un ou plusieurs médicaments

Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant au début de l’étude : 

  • âge : 58 ans
  • temps écoulé depuis le diagnostic de VIH : 25 ans
  • durée du TAR : 22 ans
  • nombre de schémas thérapeutiques antérieurs : 7
  • temps écoulé depuis l’inhibition du VIH : 13 ans
  • compte de CD4+ le plus faible depuis toujours : 190 cellules/mm3

Il existe une mutation portant le nom de code M184V/I qui est associée à la résistance du VIH au 3TC. Au moment de leur admission à l’étude, cette mutation était décelable dans le réservoir de VIH chez 37 % des participant·e·s. L’équipe de recherche a qualifié ce phénomène de « M184V/I historique ».

Environ la moitié des participant·e·s prenaient Triumeq (dolutégravir + 3TC + abacavir) avant de s’inscrire à l’étude. Un grand nombre des autres participant·e·s suivaient un traitement complexe.

Environ la moitié des participant·e·s ne présentaient aucune résistance historique au 3TC.

Résultats

À la semaine 144, 94 % des participant·e·s avaient une charge virale indétectable, soit moins de 50 copies/ml, comme suit : 

  • 37 des 39 personnes porteuses d’une mutation M184V/I historique
  • 36 des 39 personnes sans cette mutation

Il n’y a pas de différence statistique entre ces résultats.

Lorsque l’équipe de recherche a analysé des échantillons de sang en utilisant un test plus sensible (seuil de détection de 20 copies/ml), elle a constaté que les proportions de personnes ayant une charge virale indétectable étaient les suivantes : 

  • personnes porteuses de la mutation M184V/I : 68 % 
  • personnes sans la mutation M184V/I : 64 % 

Parmi les personnes porteuses de la mutation M184V/I, huit sont décédées de complications n’ayant rien à voir avec les médicaments à l’étude, soit les suivantes : 

  • détérioration du muscle cardiaque chez une personne âgée de 69 ans
  • arrêt cardiorespiratoire chez une personne âgée de 52 ans 
  • AVC chez une personne âgée de 72 ans 
  • cancer anal chez une personne âgée de 59 ans 
  • insuffisance cardiaque congestive chez une personne âgée de 74 ans 
  • surdose de méthamphétamine chez une personne âgée de 48 ans 
  • insuffisance rénale chronique chez une personne âgée de 73 ans 
  • fréquence cardiaque anormale et insuffisance cardiaque congestive chez une personne âgée de 62 ans 

Deux décès ont eu lieu parmi les personnes n’ayant pas la mutation M184V/I, soit un suicide et un suicide soupçonné.

D’autres personnes sans la mutation M184V/I ont quitté l’étude et changé leur traitement pour l’association injectable cabotégravir + rilpivirine (Cabenuva). 

L’équipe de recherche a trouvé que la plupart des effets indésirables étaient légers ou modérés. Elle a constaté de faibles taux de dépression (trois personnes), de maux de tête (deux personnes) et de problèmes de sommeil (deux personnes).

Une personne a abandonné prématurément l’étude à cause de vertiges. 

À retenir

Notons que cette étude n’était pas un essai clinique randomisé et, comme elle était de relativement faible envergure, ses résultats ne peuvent s’appliquer à la personne séropositive moyenne. Elle a toutefois révélé que la présence de la mutation M184V/I n’était pas nécessairement un obstacle à l’usage ultérieur d’un traitement efficace associant le dolutégravir et le 3TC. Même si ces résultats sont prometteurs, ils doivent être explorés en profondeur dans un essai clinique randomisé de grande envergure.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Blick G, Cerreta-Dial E, Mancini G et al. No confirmed virological failures (CVF) for 144 weeks when switching 2-/3-/4-drug ART to DTG/3TC in heavily treatment-experienced PLWHA with prior M184V/I and virological failures (VF) in the prospective SOLAR-3D study. 25e Conférence internationale sur le sida, Munich, Allemagne, 22 au 26 juillet 2024. Résumé SS0403LB.