Particules interférentes thérapeutiques (PIT)

Une équipe de recherche de l’Université de la Californie à San Francisco (UCSF) a mis au point une approche originale pour combattre le VIH. Elle a récemment publié des résultats obtenus lors d’expériences sur des singes et des cellules humaines. L’approche en question repose sur l’usage de particules interférentes thérapeutiques ou PIT. 

Voici une explication très simplifiée de cette approche fondée sur les PIT. Des scientifiques ont créé des versions largement mutées, mais inoffensives du VIH et de son analogue le VIS (virus de l’immunodéficience simienne, pathogène responsable d’une maladie semblable au sida chez des singes). Ces virus mutés, c’est-à-dire les PIT, sont incapables de provoquer le sida parce que des données essentielles ont été supprimées dans leur matériel génétique. 

Lorsque les cellules infectées par le VIH sont exposées aux PIT, leur capacité de produire des copies infectieuses du virus faiblit considérablement. Selon l’équipe de l’UCSF, cet effet se produit parce que les PIT se reproduisent plus rapidement que le VIH infectieux et, ce faisant, les PIT « volent des protéines virales essentielles » aux cellules infectées par le VIH. Les scientifiques décrivent également les PIT comme des « parasites moléculaires » qui ciblent les cellules infectées par le VIH. 

Recherche sur des singes

L’équipe de l’UCSF a collaboré avec des scientifiques de l’Oregon qui travaillent avec des singes. L’équipe de scientifiques a créé un virus hybride appelé VIHS en utilisant des éléments du VIH et du VIS. Elle a eu recours à ce virus hybride parce qu’il peut causer une maladie semblable au sida chez des singes dans les quelques mois suivant l’infection (plutôt qu’après un an dans le cas du VIS). Cela permet aux scientifiques de déterminer en relativement peu de temps si leur intervention contre le VIS est en train de réussir. 

Une seule perfusion intraveineuse de PIT a protégé cinq singes sur six infectés par le VIHS contre le sida pendant au moins six mois, soit la durée de l’expérience. Les PIT ont agi ainsi contre le cours de la maladie parce qu’elles ont inhibé considérablement la production de VIHS dans le sang et les ganglions lymphatiques des animaux.

Des tests ont révélé que le système immunitaire des singes traités par PIT était pleinement fonctionnel, et aucune augmentation de l’inflammation ne s’est produite. Des analyses d’échantillons de VIHS prélevés chez les singes traités par PIT ont permis de constater que le virus hybride était incapable d’éluder les PIT ou de muter afin de l’éviter. 

Les PIT ont réduit la quantité de VIHS chez les singes par un facteur approximatif de 10 000. Cet effet et d’autres se sont maintenus pendant un peu plus de six mois.

D’autres études sur des singes seront nécessaires pour déterminer si des traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR) pourront inhiber le VIHS chez des singes infectés par ce virus. Si oui, on pourra leur donner des PIT et suspendre le TAR. Cette recherche est importante parce qu’elle pourrait simuler ce qui se passerait chez des humains s’ils recevaient des PIT. 

Potentiel chez les humains après une seule dose

À la lumière des résultats obtenus auprès des singes atteints du VIHS, l’équipe de recherche a créé des simulations informatiques pour déterminer l’effet d’une seule dose de PIT chez des humains infectés par le VIH.

Les simulations ont indiqué que les PIT pourraient faire baisser la charge virale en VIH dans le sang à moins de 1 000 copies/ml. Selon des études antérieures, le risque qu’une personne séropositive présentant une telle charge virale transmette le VIH lors des relations sexuelles est très faible. 

Nécessité d’études chez l’humain

Étant donné les expériences prometteuses sur des singes et des cellules T dans le laboratoire, les scientifiques qui mettent au point des PIT espèrent recruter des personnes séropositives pour déterminer l’effet d’une perfusion de PIT. Même si aucun signe de méfaits n’a été constaté chez les singes traités par PIT, les scientifiques n’en connaissent pas l’innocuité chez l’humain et ignorent son potentiel de causer des effets indésirables ou peut-être même le cancer. (Rappelons toutefois que les expériences de laboratoire sur des cellules et des singes n’ont révélé aucun indice de potentiel cancérigène des PIT). Ainsi, pour la première perfusion de PIT chez des humains, l’équipe de recherche souhaite recruter des personnes séropositives vivant avec un diagnostic de cancer terminal. Après le décès de ces personnes des suites du cancer, l’équipe espère effectuer des autopsies pour évaluer l’impact des PIT sur leurs organes et système immunitaire. 

À l’avenir, si les PIT se révèlent sécuritaires, il est possible que certaines personnes traitées par PIT puissent en transmettre à d’autres personnes par la même voie qu’emprunte le plus souvent le VIH pour se propager, soit des relations sexuelles sans condom. Cette possibilité doit toutefois être éclairée davantage. Le professeur Leor Weinberg, scientifique ayant découvert le potentiel des PIT, a laissé entendre que la transmission de celles-ci d’une personne à une autre pourrait être perçue comme un bienfait pour la santé publique parce que cela empêcherait la propagation du VIH. Cette question doit toutefois être examinée par des éthicien·ne·s. De plus amples données sur l’innocuité à long terme des PIT sont également nécessaires.

À retenir

Les PIT en sont à leurs premiers balbutiements. Il reste beaucoup de recherche à faire, et plusieurs années s’écouleront avant que des études d’envergure puissent commencer auprès de personnes en bonne santé. 

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Pitchai FNN, Tanner EJ, Khetan N et al. Engineered deletions of HIV replicate conditionally to reduce disease in nonhuman primates. Science. 2024 Aug 9;385(6709):eadn5866.  
  2. Cohen J. Fire-against-fire HIV therapy passes key test in monkeys. Science. 2024 Aug 9;385(6709):586-587.