Fragilité chez les Autochtones vivant avec le VIH
À mesure que les personnes séropositives vivent plus longtemps grâce aux traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR), elles courent le risque d’éprouver des complications liées au vieillissement. Selon les estimations, au moins 50 % des personnes séropositives vivant au Canada auraient plus de 50 ans, d’où l’importance de la recherche sur le vieillissement chez cette population. Entre autres complications liées à l’âge, les personnes séropositives sont sujettes à l’accumulation de comorbidités, ce qui peut augmenter leur risque de fragilité.
L’Ontario HIV Treatment Network (OHTN) recueille des données de nombreuses cliniques VIH ontariennes et les analyse périodiquement. Son analyse la plus récente a porté sur 6 582 personnes, dont 330 (5 %) Autochtones.
Aux fins de son analyse, l’équipe de recherche a avancé les définitions suivantes :
- Si une comorbidité ou davantage était présente, la personne en question était classée comme préfragile;
- Si trois ou quatre comorbidités étaient présentes, la personne était classée comme fragile.
Résultats
Dans l’ensemble, la fragilité et la préfragilité étaient plus courantes chez les personnes autochtones, comme suit :
Préfragilité
- Autochtones : 50 %
- non-Autochtones : 41 %
Fragilité
- Autochtones : 9 %
- non-Autochtones : 6 %
L’équipe de recherche a également constaté que, en moyenne, les Autochtones devenaient préfragiles quatre ans plus tôt que les non-Autochtones, et la fragilité se produisait cinq ans plus tôt chez les Autochtones.
Dans l’étude menée par l’OHTN, le nombre de femmes était disproportionné, et celles-ci étaient plus susceptibles de devenir fragiles que les hommes.
L’équipe de recherche a constaté que les antécédents d’usage de drogues injectables étaient trois fois plus courants chez les Autochtones (45 %) que chez les non-Autochtones (16 %). De plus, les Autochtones qui s’injectaient des drogues étaient plus susceptibles d’être fragiles (13 %) que les non-Autochtones qui s’injectaient des drogues (7 %).
Antécédents de sida
Les Autochtones étaient plus susceptibles que les non-Autochtones d’avoir eu le sida à un moment donné dans le passé (64 % contre 56 %). Les Autochtones qui avaient eu le sida étaient plus susceptibles d’être préfragiles ou fragiles que les non-Autochtones qui avaient eu le sida.
Causes et facteurs sous-jacents
Une analyse statistique a révélé que l’usage de drogues injectables augmentait de deux fois le risque de fragilité. Cependant, le fait d’être Autochtone augmentait le risque de fragilité indépendamment de l’usage de drogues.
Selon l’équipe de l’OHTN, l’héritage du colonialisme et le racisme qui sévit encore au Canada à l’endroit des Autochtones ont très probablement contribué à augmenter le taux de fragilité chez cette population, et ce, dès un âge plus jeune que chez les non-Autochtones.
L’équipe de recherche souhaite que les modèles de soins évoluent de sorte à répondre aux besoins des Autochtones vivant avec le VIH afin qu’ils « satisfassent leurs besoins dès un âge plus jeune et de manières qui tiennent compte de leur réalité culturelle et qui fonctionnent pour eux et elles ».
Notons que cette équipe de recherche doit faire d’autres analyses pour éclairer l’incidence d’autres facteurs sur le risque de fragilité, notamment le tabagisme parce que de nombreuses personnes évaluées dans le cadre de cette étude semblaient fumer ou avoir fumé dans le passé.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Bauer N, O’Brien KO, Light L et al. Time is of the essence: clinical frailty among a cohort of Indigenous peoples aging with HIV in Ontario, Canada. 25e Conférence internationale sur le sida, Munich, Allemagne, 22 au 26 juillet 2024. Résumé OAB3602.