Guérison d’une deuxième personne à Berlin

En juin 2009, des médecins ont publié des détails concernant une personne qui serait connue ultérieurement comme le premier patient guéri du VIH. Sa guérison fut obtenue grâce à une greffe de cellules souches dotées d’une mutation rare, ainsi qu’à un mélange complexe et parfois toxique de chimiothérapie, de radiothérapie et d’autres interventions. Il est probable que ce patient a guéri parce qu’un corécepteur utilisé par la plupart des souches du VIH pour infecter les cellules était absent chez son donneur ou sa donneuse de cellules souches. Il s’agit du corécepteur CCR5. Les donneurs et donneuses de ce genre portent une mutation très rare qui leur permet de vivre sans cellules dotées de ce corécepteur. Les scientifiques appellent cette mutation rare le delta-32, et elle se trouve chez environ 1 % des personnes d’ascendance nord-européenne. On trouve plus couramment des personnes porteuses d’une seule copie d’un gène exprimant la mutation delta-32, soit chez 10 % de la population européenne. Certaines régions du monde comme l’Afrique du Sud et le Chili comptent une petite population possédant ce gène à cause de l’immigration. (Pour en savoir plus sur les corécepteurs utilisés par le VIH, consultez la section ci-dessus intitulée « Diverses pistes de recherche visant la guérison du VIH »).

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Au cours des dernières années, on a fait état de la guérison du VIH chez cinq personnes sur sept qui ont reçu une greffe de cellules souches d’un donneur ou d’une donneuse présentant des gènes munis de deux copies de la mutation delta-32. (Notons que ces personnes ont également suivi une radiothérapie et une chimiothérapie intensives.) Dans la longue histoire des tentatives de guérison du VIH, les greffes de cellules souches n’ayant pas les deux copies de la mutation delta-32 n’ont pas marché. 

Il importe de souligner que les tentatives de guérison sont difficiles et dangereuses parce qu’elles nécessitent la destruction de la moelle osseuse, soit la source des cellules destinées à composer le système immunitaire. Il est également essentiel que la personne qui donne les cellules souches ressemble à la personne qui les reçoit sur le plan génétique. Cette ressemblance génétique est nécessaire pour réduire le risque que les cellules transplantées soient détruites par le système immunitaire du receveur ou de la receveuse de la greffe. D’ordinaire, pour guérir le VIH, les médecins ne tentent des greffes de cellules souches que chez des personnes séropositives atteintes d’un cancer potentiellement mortel (la greffe de cellules souches étant également susceptible de guérir le cancer, tel un cas de leucémie ou de lymphome).

Les personnes choisies pour recevoir une greffe de cellules souches doivent d’abord subir la destruction de leur moelle osseuse par radiothérapie ou chimiothérapie. La perte du système immunitaire qui s’ensuit les met à risque de contracter de graves infections. On peut ensuite procéder à la greffe de cellules souches. Notons cependant que le nouveau système immunitaire met du temps à se créer. Pour empêcher que les cellules résiduelles de l’ancien système immunitaire s’attaquent aux cellules souches transplantées, on doit supprimer temporairement le système immunitaire du patient ou de la patiente. Un traitement contre le VIH (traitement antirétroviral ou TAR) est utilisé durant ces interventions pour minimiser le risque que le virus infecte le nouveau système immunitaire. Plusieurs années après la greffe, lorsque les médecins ne peuvent plus déceler de VIH dans le sang et les échantillons de biopsies, le TAR est suspendu pour voir si le VIH devient détectable. 

Comme nous l’avons mentionné, quelques personnes ont guéri du VIH à la suite de greffes de cellules souches provenant de donneur·se·s portant des gènes munis de deux copies de la mutation delta-32.

L’année dernière, un rapport issu de Genève a fait état d’un cas qualifié de « rémission » par des scientifiques chez un patient séropositif. À la suite de la greffe et des interventions connexes, les médecins ont été incapables de détecter le VIH après la suspension du TAR. Le cas du patient de Genève est intéressant parce qu’il a reçu une greffe de cellules souches d’une personne qui n’avait pas la mutation delta-32. Cette mutation rend le système immunitaire largement résistant à l’infection par le VIH. Notons que le nouveau système immunitaire du patient de Genève n’a pas la mutation delta-32 et est encore sujet à l’infection par le VIH, mais l’équipe de recherche n’a pas trouvé de virus dans ses échantillons de sang et de tissus.

Selon l’hypothèse avancée par l’équipe de recherche, il est probable que la réaction entre les éléments résiduels de l’ancien système immunitaire du patient et les cellules souches greffées — réaction appelée maladie du greffon contre l’hôte — a aidé à détruire des cellules infectées par le VIH.

Berlin

Des médecins de Berlin ont récemment fait état du cas d’un patient qui avait reçu son diagnostic de VIH en 2009. L’homme en question a commencé en 2015 un TAR associant le raltégravir, l’abacavir et le 3TC, et sa charge virale est tombée sous la barre des 50 copies/ml. En avril de cette même année, le patient s’est fait diagnostiquer une forme de leucémie qui se serait avérée mortelle sans traitement. Une analyse d’échantillons de sang a révélé que le VIH de cet homme ciblait des corécepteurs CCR5 dans une proportion de 99,7 %. Cela a amené ses médecins à croire qu’il serait bénéfique de pratiquer une greffe de cellules souches provenant d’un donneur ou d’une donneuse n’ayant pas de récepteurs CCR5 (c’est-à-dire une personne dotée de la mutation delta-32).

Les médecins ont cherché un donneur ou une donneuse dont le profil génétique ressemblerait à celui du patient et dont les cellules auraient les deux gènes dotés de la mutation delta-32, mais leur recherche n’a pas été concluante. Ils ont toutefois repéré quelqu’un dont les gènes avaient une seule copie de la mutation delta-32. (Notons que les greffes de cellules souches qui avaient réussi précédemment à guérir le VIH avaient utilisé des cellules dotées de deux copies du gène muté).

À la suite de la greffe, le patient a présenté des complications qualifiées de légères par les médecins. Les cellules souches transplantées ont commencé à repeupler son système immunitaire dans les 28 jours suivant la greffe. Comme il se produit d’ordinaire à la suite d’une greffe de cellules souches, la leucémie du patient a guéri.

À mesure que le temps passait, comme les médecins ne pouvaient déceler de VIH dans le sang du patient, il a cessé de prendre son TAR en septembre 2018. Les médecins n’ont pu constater subséquemment de VIH dans les échantillons de sang et les biopsies de ganglions lymphatiques. De plus, les cellules T du patient ne pouvaient reconnaître le VIH lors d’expériences de laboratoire où elles y étaient exposées. Cela laisse croire que les cellules T du patient n’étaient pas entrées en contact avec le virus depuis la greffe de cellules souches. 

Il s’est écoulé six ans depuis que ce patient a arrêté de prendre son TAR. Comme les médecins n’ont toujours pas décelé de VIH dans son corps, ils estiment qu’il est possible que cet homme ait guéri du VIH.

À retenir

Les scientifiques ne peuvent expliquer avec certitude pourquoi cet homme a guéri parce que les cellules souches qu’on lui a greffées n’avaient pas les deux copies de la mutation delta-32 dans leurs gènes. Il reste que la recherche réalisée auprès de ce patient et sur ses échantillons de sang est prometteuse et pourrait fournir des indices susceptibles d’aboutir à la mise au point de nouveaux traitements et interventions plus simples et plus sûrs pour guérir le VIH.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Gaebler C, Kor S, Allers K et al. The next Berlin patient: sustained HIV remission surpassing five years without antiretroviral therapy after heterozygous CCR5 WT/Δ32 allogeneic hematopoietic stem cell transplantation. 25e Conférence internationale sur le sida, Munich, Allemagne, 22 au 26 juillet 2024. Résumé SSO4O2LB.
  2. Jasinska AJ, Pandrea I, Apetrei C. CCR5 as a coreceptor for human immunodeficiency virus and simian immunodeficiency viruses: A prototypic love-hate affair. Frontiers in Immunology. 2022 Jan 27; 13:835994. 
  3. Hütter G, Bodor J, Ledger S et al. CCR5 targeted cell therapy for HIV and prevention of viral escape. Viruses. 2015 Jul 27;7(8):4186-203. 
  4. Huyveneers LEP, Bruns A, Stam A. Vulnerability to reservoir reseeding due to high immune activation after allogeneic hematopoietic stem cell transplantation in individuals with HIV-1. Science Translational Medicine. 2020 May 6;12(542):eaay9355. 
  5. Claireaux M, Robinot R, Kervevan J et al. Low CCR5 expression protects HIV-specific CD4+ T cells of elite controllers from viral entry. Nature Communications. 2022 Jan 26;13(1):521.